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03/02/2003 | FRANCE | N°231506

France | France, Conseil d'État, 3eme et 8eme sous-sections reunies, 03 février 2003, 231506


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 mars 2001 et 18 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Martin X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 18 janvier 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 6 juin 1996 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1988 et 1989

dans les rôles de la Ville de Paris, ainsi que des pénalités y afférent...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 mars 2001 et 18 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Martin X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 18 janvier 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 6 juin 1996 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1988 et 1989 dans les rôles de la Ville de Paris, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 3 048,98 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Verclytte, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Richard, Mandelkern, avocat de M. Martin X,

- les conclusions de M. Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite de la vérification de la comptabilité de la S.A. Editions Charles Y et de la S.A. Presse Pratique Parisienne, dont M. X était, respectivement, directeur général et président-directeur général, l'administration a estimé que les primes versées par ces deux sociétés en 1988 et 1989, pour des contrats d'assurance-vie souscrits en faveur de M. X constituaient des suppléments de salaires imposables ; que M. X se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Paris, confirmant un jugement du tribunal administratif de Paris, a rejeté sa demande en décharge des suppléments d'imposition impliqués par ces redressements ;

Considérant qu'aux termes de l'article 82 du code général des impôts : Pour la détermination des bases d'imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités et émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que de tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés et qu'aux termes de l'article 83 : Le montant du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés 1°) les cotisations de sécurité sociale... 2°) Les cotisations ou les primes versées aux organismes de retraite et de prévoyance complémentaires auxquels le salarié est affilié à titre obligatoire... Lorsque le total des versements du salarié et de l'employeur tant aux caisses de sécurité sociale au titre de l'assurance vieillesse qu'aux organismes de retraite et de prévoyance complémentaire excède 19 % d'une somme égale à huit fois le plafond annuel moyen retenu pour le calcul des cotisations de sécurité sociale ou lorsque, à l'intérieur de cette limite, les versements aux seuls organismes de prévoyance dépassent 3 % de la même somme, l'excédent est ajouté à la rémunération... ;

Considérant que, pour refuser la décharge demandée, la cour administrative d'appel s'est bornée à constater que les contrats d'assurance retraite pris en charge par les sociétés Presse Pratique Parisienne et Editions Charles Y n'avaient pas le caractère d'un régime institué au bénéfice d'une catégorie déterminée de salariés de l'entreprise, susceptibles comme tels d'être regardés comme affiliés à titre obligatoire pour l'application des dispositions précitées du 2 de l'article 83 du code général des impôts ; qu'en omettant de statuer sur le moyen tiré par M. X de ce que, par principe, les primes acquittées par les sociétés qu'il dirigeait au titre des contrats d'assurance souscrits à son profit ne pouvaient, faute d'avoir été versées entre ses mains et d'impliquer la mise à sa disposition d'un bien ou d'un service, pendant l'exécution de son contrat de travail, entrer dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 82, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'irrégularité ; que cet arrêt doit être annulé pour ce motif, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Sur le bien-fondé de l'imposition au regard de la loi fiscale :

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées des articles 82 et 83 du code général des impôts que, à l'exception des sommes versées aux organismes de retraite ou de prévoyance au-delà des plafonds indiqués par le second alinéa du 2° de l'article 83, qui doivent toujours être ajoutées à la rémunération du salarié, les cotisations ou les primes versées par l'employeur en exécution d'un contrat de retraite et de prévoyance complémentaires ne sont pas au nombre des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés à ces salariés, à la condition que les clauses dudit contrat soient conformes à cet objet et stipulent l'affiliation obligatoire de la totalité ou d'une catégorie déterminée de salariés ; que toutefois, lorsque les contrats à raison desquels les primes litigieuses sont versées ne remplissent pas ces conditions, il appartient à l'administration, eu égard aux stipulations qui peuvent faire regarder ces contrats comme bénéficiant à l'employeur, d'établir, le cas échéant, dans quelle mesure le montant des primes ainsi payées correspond au prix d'un avantage certain pour le salarié lui-même, en lui économisant le prix d'une couverture identique de ses risques ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le protocole d'accord d'entreprise du 17 janvier 1984 instituant un régime de retraite complémentaire par capitalisation au profit de certains salariés des sociétés concernées limitait le bénéfice de ce régime aux cadres supérieurs ayant exercé des fonctions de direction pendant plus de quinze ans, ce qui ne pouvait viser en l'espèce que M. Y et M. X, présidents-directeurs et directeurs généraux de ces sociétés ; que ce protocole, au demeurant, n'était signé que par les deux intéressés au nom, respectivement, de la société et des bénéficiaires, et n'a pas fait l'objet des approbations exigées par la loi pour les conventions intéressant les mandataires sociaux ; que, dans ces circonstances, les deux contrats individuels de retraite par capitalisation litigieux ne peuvent être regardés comme ayant été souscrits au bénéfice d'une catégorie déterminée de salariés de l'entreprise, susceptibles comme tels d'être regardés comme affiliés à titre obligatoire ;

Considérant, toutefois, qu'il est constant que ces contrats précisaient qu'en cas de décès ou de départ du bénéficiaire avant cinquante-cinq ans, les primes versées seraient remboursées aux sociétés souscriptrices elles-mêmes ; que dans cette mesure, les assurés ne peuvent donc être regardés comme les seuls bénéficiaires de ces contrats ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de la mesure dans laquelle les primes contractuelles profitaient au seul salarié en retenant 75 % de leur montant au titre des avantages en nature dont il doit être regardé comme ayant bénéficié, au sens des dispositions précitées de l'article 82 du code général des impôts ; que M. X est par suite fondé à demander la réformation du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a refusé de le décharger des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1988 et 1989 dans les rôles de la Ville de Paris, ainsi que des pénalités y afférentes ;

Sur le bien-fondé du surplus de l'imposition au regard de la doctrine administrative :

Considérant que M. X se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse du ministre des finances à M. Minvielle en date du 19 septembre 1931, aux termes de laquelle les primes d'assurance versées par un employeur, pour le compte d'un salarié ayant droit au versement d'un capital après vingt-cinq années de présence dans l'entreprise ne présentent pas, eu égard au caractère aléatoire de l'attribution du capital, le caractère d'un supplément de salaire ; que, toutefois, cette réponse ministérielle a été rapportée par la doctrine administrative qui lui est postérieure résultant de la réponse ministérielle à M. Boscary-Monsservin, en date du 19 juillet 1955, qui vise l'ensemble des régimes d'assurance ou de prévoyance complémentaires, quelles que soient les conditions dont ils peuvent être assortis au moment du départ de l'intéressé ;

Considérant que M. X se prévaut, également sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des termes de la documentation administrative 5-B-214, mise à jour au 15 décembre 1989, selon lesquels un revenu est réputé acquis lorsqu'un droit certain à ce revenu existe bien que le fait qui le rende disponible ne se soit pas encore produit ; que, toutefois, la circonstance que le versement d'une rente ou d'un capital par l'organisme d'assurance soit reporté dans le temps et le cas échéant subordonné à la survenance d'un événement aléatoire n'est pas de nature à faire obstacle à ce que le versement de primes ou cotisations par l'employeur soit regardé, dès lors qu'il ne découle pas d'un régime prévoyant l'affiliation obligatoire de la totalité ou d'une catégorie déterminée de salariés, comme un avantage en nature imposable pour le salarié ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, s'agissant de l'imposition restant à sa charge par application de la loi fiscale, M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge fondée sur la doctrine administrative ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à M. X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 18 janvier 2001 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : Pour le calcul du revenu de M. X imposable à l'impôt sur le revenu au titre des années 1988 et 1989, les primes versées par les sociétés S.A. Presse Pratique Parisienne et S. A. Editions Charles Y en application du contrat d'assurance-vie souscrit au bénéfice de M. X sont regardées comme des suppléments de salaires à hauteur de 75 % de leur montant.

Article 3 : M. X est déchargé de la différence entre le montant des cotisations à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1988 et 1989 et des pénalités y afférentes, d'une part, et le montant de ces cotisations et pénalités qui résulte des bases définies à l'article 2, d'autre part.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 6 juin 1996 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : L'Etat est condamné à payer à M. X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par M. X devant le Conseil d'Etat et la cour administrative d'appel de Paris est rejeté.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. Martin X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 3eme et 8eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 231506
Date de la décision : 03/02/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-07-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - TRAITEMENTS, SALAIRES ET RENTES VIAGÈRES - PERSONNES ET REVENUS IMPOSABLES - A) RÉMUNÉRATIONS - NOTION - ABSENCE - COTISATIONS OU PRIMES VERSÉES PAR L'EMPLOYEUR EN VERTU D'UN CONTRAT DE RETRAITE ET DE PRÉVOYANCE COMPLÉMENTAIRES STIPULANT L'AFFILIATION OBLIGATOIRE AU RÉGIME DE LA TOTALITÉ OU D'UNE CATÉGORIE DÉTERMINÉE DE SALARIÉS - B) CATÉGORIE DÉTERMINÉE DE SALARIÉS - ABSENCE - CATÉGORIE LIMITÉE AU PRÉSIDENT ET AU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA SOCIÉTÉ [RJ1].

19-04-02-07-01 a) Il résulte des dispositions des articles 82 et 83 du code général des impôts que, à l'exception des sommes versées aux organismes de retraite ou de prévoyance au-delà des plafonds indiqués par le second alinéa du 2° de l'article 83, qui doivent toujours être ajoutées à la rémunération du salarié, les cotisations ou les primes versées par l'employeur en exécution d'un contrat de retraite et de prévoyance complémentaires ne sont pas au nombre des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés à ces salariés, à la condition que les clauses dudit contrat soient conformes à cet objet et stipulent l'affiliation obligatoire de la totalité ou d'une catégorie déterminée de salariés. Toutefois, lorsque les contrats à raison desquels les primes litigieuses sont versées ne remplissent pas ces conditions, il appartient à l'administration, eu égard aux stipulations qui peuvent faire regarder ces contrats comme bénéficiant à l'employeur, d'établir, le cas échéant, dans quelle mesure le montant des primes ainsi payées correspond au prix d'un avantage certain pour le salarié lui-même, en lui économisant le prix d'une couverture identique de ses risques.,,b) Deux contrats individuels de retraite par capitalisation passés en application d'un protocole d'accord d'entreprise instituant un régime de retraite complémentaire par capitalisation au profit des seuls président-directeur et directeur général d'une société ne peuvent être regardés comme ayant été souscrits au bénéfice d'une catégorie déterminée de salariés de l'entreprise, susceptibles comme tels d'être regardés comme affiliés à titre obligatoire.


Références :

[RJ1]

Cf. sol. contr. 16 février 2001, Ministre c/ Horwitz, n° 202632, à publier.


Publications
Proposition de citation : CE, 03 fév. 2003, n° 231506
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Stéphane Verclytte
Rapporteur public ?: M. Séners
Avocat(s) : SCP RICHARD, MANDELKERN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:231506.20030203
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