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03/02/2003 | FRANCE | N°236255

France | France, Conseil d'État, 7 ss, 03 février 2003, 236255


Vu la requête, enregistrée le 18 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'ESSONNE ; le PREFET DE L'ESSONNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 19 juin 2001 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles, en tant qu'il a annulé son arrêté du 8 juin 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Salah Eddine X... ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Versailles tendant à l'annulation de cet arrêt

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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de ...

Vu la requête, enregistrée le 18 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'ESSONNE ; le PREFET DE L'ESSONNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 19 juin 2001 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles, en tant qu'il a annulé son arrêté du 8 juin 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Salah Eddine X... ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Versailles tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée ;
Vu le décret n° 98-503 du 23 juin 1998 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. J. Boucher, Auditeur ;
- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 1er février 2001, de la décision du 29 janvier 2001 par laquelle le PREFET DE L'ESSONNE a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des termes mêmes du dispositif de l'arrêté du PREFET DE L'ESSONNE en date du 8 juin 2001 qu'il se borne à ordonner la reconduite à la frontière de M. X... et ne comporte aucune décision distincte fixant le pays à destination duquel ce dernier doit être reconduit ; que, par suite, le moyen soulevé par M. X..., tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, auxquelles renvoie l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, est inopérant à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté litigieux ; que, dès lors, le PREFET DE L'ESSONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles s'est fondé, pour annuler son arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X..., sur ce qu'il avait méconnu lesdites stipulations ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Versailles à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière ;
Sur l'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour :

Considérant, en premier lieu, que, si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité, et les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'établir en France, il n'a toutefois pas entendu écarter, sauf stipulations incompatibles expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus des titres de séjour, dès lors que ces ressortissants algériens se trouvent dans une situation entrant à la fois dans les prévisions de l'accord et dans celles de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; qu'au nombre de ces dispositions figurent notamment celles qui résultent de la combinaison du 7° de l'article 12 bis et de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945, en vertu desquelles le préfet doit consulter la commission du titre de séjour lorsqu'il envisage de refuser un titre de séjour à un étranger dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que ce refus porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; que le préfet n'est toutefois tenu de saisir ladite commission que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement cette condition, et non de celui de tous les étrangers qui s'en prévalent ; que si M. X... se prévaut, sans autre précision, de la présence en France de plusieurs membres de sa famille, il ressort des pièces du dossier qu'il n'est pas dépourvu de toute attache familiale en Algérie ; qu'ainsi le refus que le PREFET DE L'ESSONNE envisageait d'opposer à sa demande de titre de séjour n'était pas de nature à porter à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de ce refus ; que, par suite, le PREFET DE L'ESSONNE n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour du refus qu'il envisageait d'opposer à la demande de M. X... ;
Considérant, en second lieu, que M. X... soutient que la décision du PREFET DE L'ESSONNE en date du 29 janvier 2001 est illégale du fait de l'illégalité de la décision du ministre de l'intérieur en date du 8 janvier 2001 rejetant sa demande d'asile territorial, sur laquelle la décision du PREFET DE L'ESSONNE lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est notamment fondée ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 susvisée :"Dans les conditions compatibles avec les intérêts du pays, l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales./ Les décisions du ministre n'ont pas à être motivées" ; qu'ainsi le moyen tiré du défaut de motivation de la décision du ministre de l'intérieur en date du 8 janvier 2001 ne peut qu'être écarté ;

Considérant, d'autre part, que si M. X... soutient qu'il a été l'objet, dans son pays d'origine, de menaces et d'agressions à l'occasion de l'exercice de sa profession d'enseignant, ainsi que de tentatives d'extorsion de fonds, il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur ait commis une erreur manifeste d'appréciation en lui refusant l'asile territorial ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité d'une telle exception d'illégalité, que M. X... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé serait illégal en raison de l'illégalité de la décision du ministre de l'intérieur refusant de lui accorder l'asile territorial ;
Sur l'autre moyen dirigé contre l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux a été signé par M. Yann Y..., secrétaire général de la préfecture de l'Essonne, qui a reçu, par arrêté du 21 février 2000 publié le 24 février au recueil des actes administratifs de la préfecture, délégation du PREFET DE L'ESSONNE pour signer "en toutes matières tous actes, arrêtés, décisions, pièces comptables, correspondances administratives incombant au préfet", à l'exception de certains actes limitativement énumérés, parmi lesquels ne figurent pas les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; que le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux aurait été signé par une autorité incompétente doit, par suite, être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'ESSONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 8 juin 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Article 1er : L'article 1er du jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles en date du 19 juin 2001 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de M. X... présentées devant le tribunal administratif de Versailles, tendant à l'annulation de l'arrêté du PREFET DE L'ESSONNE en date du 8 juin 2001, sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'ESSONNE, à M. Salah Eddine X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 7 ss
Numéro d'arrêt : 236255
Date de la décision : 03/02/2003
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 21 février 2000
Arrêté du 08 juin 2001
Loi 52-893 du 25 juillet 1952 art. 13
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 27 bis, art. 12 quater, art. 12 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 03 fév. 2003, n° 236255
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. J. Boucher
Rapporteur public ?: M. Le Chatelier

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:236255.20030203
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