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07/02/2003 | FRANCE | N°236667

France | France, Conseil d'État, 5 / 7 ssr, 07 février 2003, 236667


Vu 1°, sous le n° 236667, la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 27 juillet 2001, présentée par le PREFET DU VAR ; le PREFET DU VAR demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 7 juillet 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 29 juin 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Lies X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Nice ;
Vu 2°, sous le n° 236668, la requête enregistrée au secréta

riat du Contentieux du Conseil d'Etat le 27 juillet 2001, présentée par le PREFET...

Vu 1°, sous le n° 236667, la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 27 juillet 2001, présentée par le PREFET DU VAR ; le PREFET DU VAR demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 7 juillet 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 29 juin 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Lies X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Nice ;
Vu 2°, sous le n° 236668, la requête enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 27 juillet 2001, présentée par le PREFET DU VAR ; le PREFET DU VAR demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 7 juillet 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 29 juin 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Nice ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative à l'asile territorial ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Aladjidi, Auditeur ;
- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de M. X... et de Mme Y... épouse X...,
- les conclusions de M. Olson, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées du PREFET DU VAR et de M. et Mme X... présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur les appels incidents de M. et Mme X... tendant à l'annulation des arrêtés du 29 juin 2001 ordonnant leur reconduite à la frontière :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leurs requêtes :
Considérant qu'aux termes du I l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ; qu'il ressort des pièces des dossiers que M. et Mme X..., de nationalité algérienne, entrés en France le 8 août 1999 munis d'un visa de trente jours, se sont maintenus sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 7 février 2001, des décisions du 6 février 2001 par lesquelles le PREFET DU VAR leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'ils se trouvaient ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 modifiée : "Dans les conditions compatibles avec les intérêts du pays, l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales" ;
Considérant qu'à l'appui de leur demande d'annulation des arrêtés ordonnant leur reconduite à la frontière, M. et Mme X... invoquent l'illégalité des décisions du 23 janvier 2001 du ministre de l'intérieur leur refusant le bénéfice de l'asile territorial qui fondent ces arrêtés et ne sont pas devenues définitives ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de témoignages précis et circonstanciés, que M. et Mme X... ainsi que leurs enfants ont été menacés de mort par des groupes armés à la suite du refus de M. X... de laisser rançonner l'entreprise dans laquelle il exerçait les fonctions d'agent administratif et de comptable et des démarches effectuées par lui auprès des services de police pour dénoncer le vol dans sa société de matériels susceptibles de servir à la fabrication de bombes artisanales ; que l'ensemble de ces éléments est de nature à établir l'existence de risques graves encourus par M. et Mme X... en cas de retour dans leur pays d'origine ; que, par suite, les décisions du ministre de l'intérieur du 23 janvier 2001, refusant l'asile territorial à M. et Mme X..., sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ; que les arrêtés de reconduite à la frontière pris par le PREFET DU VAR sur le fondement de ces refus d'asile territorial sont dès lors illégaux et doivent être annulés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du 29 juin 2001 par lesquels le PREFET DU VAR a décidé leur reconduite à la frontière ;
Sur l'appel principal du PREFET DU VAR :
Considérant que, par suite de l'annulation des arrêtés ordonnant la reconduite à la frontière de M. et Mme X..., la requête du PREFET DU VAR tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nice en date du 7 juillet 2001 annulant ses arrêtés en tant qu'ils fixent l'Algérie comme pays de destination de la reconduite de M. et Mme X... est devenue sans objet ;
Sur les conclusions de M. et Mme X... aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ( ...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution" ; que le III de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée dispose que : "Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, ( ...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas" ;
Considérant que la présente décision, qui annule les arrêtés du 29 juin 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. et Mme X..., implique nécessairement que le PREFET DU VAR se prononce à nouveau sur leurs demandes tendant à la délivrance d'un titre de séjour ; que, par suite, il y a lieu de prescrire au PREFET DU VAR de se prononcer sur la situation de M. et Mme X... dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que M. et Mme X... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Monod-Colin, avocat de M. et Mme X..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de condamner l'Etat à payer à la SCP Monod-Colin la somme de 3 000 euros ;
Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Nice du 7 juillet 2001 sont annulés en tant qu'ils ont rejeté les conclusions de M. et Mme X... tendant à l'annulation des arrêtés du PREFET DU VAR du 29 juin 2001 ordonnant leur reconduite à la frontière.
Article 2 : Les arrêtés du PREFET DU VAR du 29 juin 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. et Mme X... sont annulés.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête du PREFET DU VAR.
Article 4 : Le PREFET DU VAR statuera sur la régularisation de la situation de M. et Mme X... dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.
Article 5 : L'Etat versera à la SCP Monod-Colin, avocat de M. et Mme X..., la somme de 3 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ladite société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU VAR, à M. Lies X... et Mme Yasida Y... épouse X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 5 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 236667
Date de la décision : 07/02/2003
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 23 janvier 2001
Arrêté du 29 juin 2001
Code de justice administrative L911-2, L761-1
Loi 52-893 du 25 juillet 1952 art. 13
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 37
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22


Publications
Proposition de citation : CE, 07 fév. 2003, n° 236667
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Aladjidi
Rapporteur public ?: M. Olson

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:236667.20030207
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