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07/02/2003 | FRANCE | N°245638

France | France, Conseil d'État, 07 février 2003, 245638


Vu la requête enregistrée le 25 avril 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Makan X..., ; M. X... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 8 avril 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val d'Oise du 27 mars 2002 ordonnant sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val d'Oise de

lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 30 euros par jour ;
Vu les a...

Vu la requête enregistrée le 25 avril 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Makan X..., ; M. X... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 8 avril 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val d'Oise du 27 mars 2002 ordonnant sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val d'Oise de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 30 euros par jour ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu les pièces desquelles il résulte que, par application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées de ce que la décision du Conseil d'Etat était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la demande en première instance :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification lorsque l'arrêté est notifié par voie administrative ou dans les sept jours lorsqu'il est notifié par voie postale, demander l'annulation de cet arrêté au président du tribunal administratif ...";
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier du timbre humide figurant sur l'avis de réception postale, que l'arrêté, par lequel le préfet du Val d'Oise a ordonné la reconduite à la frontière de M. X... et fixé le pays de renvoi, a été notifié par voie postale à l'intéressé le 29 mars 2002, et non le 28 mars 2002, date de présentation du pli recommandé à son domicile ; qu'il en résulte que M. X... était encore recevable, le 5 avril 2002, à demander l'annulation de cet arrêté ; que, par suite, M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 8 avril 2002, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande comme tardive ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité malienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 16 novembre 2001, de la décision du préfet du Val d'Oise en date du 15 novembre 2001 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant que M. X... est recevable à exciper, à l'appui de son recours contre l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, de l'illégalité de la décision du 15 novembre 2001 lui refusant un titre de séjour, contre laquelle il a formé un recours contentieux dans les délais ;

Considérant que le préfet du Val d'Oise ne conteste pas que M. X... réside habituellement en France depuis plus de dix ans ; que dès lors, et sans que le préfet puisse utilement invoquer le fait que les feuilles de paye produites par M. X... aient été obtenues grâce à une carte de séjour falsifiée, M. X... pouvait prétendre de plein droit à la délivrance d'une carte de séjour en application des dispositions précitées du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que par suite, M. X... est fondé à soutenir que le refus de séjour qui lui a été opposé est illégal et que l'arrêté de reconduite à la frontière pris sur son fondement est lui-même, par voie de conséquence, entaché d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à demander, outre l'annulation du jugement attaqué, celles de l'arrêté et de la décision en date du 27 mars 2002 par lesquels le préfet du Val d'Oise a décidé sa reconduite à la frontière et fixé le pays à destination duquel il devait être reconduit ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution" ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé" ; que le III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dispose que : "Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, ( ...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas" ;

Considérant que la présente décision prononce l'annulation pour excès de pouvoir d'un arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ; qu'à la suite d'une telle annulation, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées du III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative - lesquels peuvent être exercés tant par le juge unique de la reconduite à la frontière que par une formation collégiale - pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée, au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, si M. X... n'est pas fondé à demander qu'il soit enjoint au préfet du Val d'Oise de lui délivrer une carte de séjour temporaire, il y a lieu de prescrire à ce dernier de se prononcer sur la situation de M. X... dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision ; qu'il n'y a pas lieu, toutefois, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à M. X... la somme de 800 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du 8 avril 2002 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : L'arrêté de reconduite à la frontière du préfet du Val d'Oise du 27 mars 2002 et la décision du même jour fixant le pays de destination sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Val d'Oise de statuer sur la régularisation de la situation de M. X... dans un délai de deux mois suivant la notification de la présente décision.
Article 4 : L'Etat est condamné à payer à M. X... la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Makan X..., au préfet du Val d'Oise et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 245638
Date de la décision : 07/02/2003
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 15 novembre 2001
Arrêté du 27 mars 2002
Code de justice administrative L911-1, L911-2, L761-1
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22 bis, art. 22, art. 12 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 07 fév. 2003, n° 245638
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur public ?: Mme Roul

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:245638.20030207
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