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14/02/2003 | FRANCE | N°248928

France | France, Conseil d'État, 14 février 2003, 248928


Vu, la requête enregistrée le 23 juillet 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Kettoun X... épouse Y..., ; Mme X... épouse Y... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 6 mai 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 février 2002 par lequel le préfet des Hauts de Seine a décidé sa reconduite à la frontière et son éloignement à destination du pays dont elle a la nationa

lité ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et cette décision ; ...

Vu, la requête enregistrée le 23 juillet 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Kettoun X... épouse Y..., ; Mme X... épouse Y... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 6 mai 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 février 2002 par lequel le préfet des Hauts de Seine a décidé sa reconduite à la frontière et son éloignement à destination du pays dont elle a la nationalité ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ...3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X... épouse Y..., de nationalité algérienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 14 juin 2001, de la décision du préfet des Hauts-de-Seine du 11 juin 2001, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle entrait ainsi dans le champ d'application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Sur la légalité de la décision de reconduite à la frontière :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 27 février 2002, par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a décidé la reconduite à la frontière de Mme X... épouse Y..., énonce de façon précise les circonstances qui justifient qu'il soit fait application à l'intéressée des dispositions de l'article 22-I-3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ; que, par suite, le moyen tiré de sa motivation insuffisante doit être écarté ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté prononçant sa reconduite à la frontière, Mme X... épouse Y... invoque l'illégalité de la décision du 17 avril 2001 du ministre de l'intérieur lui refusant le bénéfice de l'asile territorial, sur laquelle est fondée la décision préfectorale lui refusant un titre de séjour ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que Mme X... épouse Y... n'a pas contesté dans le délai de recours contentieux la décision du préfet des Hauts-de-Seine lui refusant un titre de séjour en date du 11 juin 2001 et notifiée le 14 juin 2001 ; que cette décision est par suite devenue définitive, et que l'intéressée ne peut dès lors exciper de son illégalité ;

Considérant que si Mme X... épouse Y... invoque la circonstance que certains de ses enfants sont scolarisés en France, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment du fait que l'époux de la requérante fait l'objet d'une mesure identique de reconduite à la frontière et que rien ne s'oppose à ce que les intéressés emmènent leurs enfants avec eux, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine en date du 27 février 2002 n'a pas porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... épouse Y... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des pièces produites par la requérante, que cette dernière a été l'objet de nombreuses menaces de la part de groupes islamistes et que le voisin de palier du couple a été égorgé par ces mêmes groupes ; que dans ces circonstances, il est établi que l'intéressée courrait, en cas de retour dans son pays d'origine, de graves risques pour sa vie ; qu'elle est, par suite, fondée à se prévaloir des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... épouse Y... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine en date du 27 février 2002 en tant qu'il fixe l'Algérie comme pays de destination de la reconduite ;
Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 6 mai 2002 est annulé en tant qu'il rejette la demande de Mme X... épouse Y... dirigée contre la décision du préfet des Hauts-de-Seine en date du 27 février 2002 en tant qu'elle désigne l'Algérie comme pays à destination duquel elle sera reconduite.
Article 2 : La décision du préfet des Hauts-de-Seine du 27 février 2002, en tant qu'elle désigne l'Algérie comme pays à destination duquel Mme X... épouse Y... sera reconduite, est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par Mme X... épouse Y... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Ketoun X..., épouse Y..., au préfet des Hauts-de-Seine et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 248928
Date de la décision : 14/02/2003
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 17 avril 2001
Arrêté du 27 février 2002
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 3, art. 8
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22


Publications
Proposition de citation : CE, 14 fév. 2003, n° 248928
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:248928.20030214
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