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24/02/2003 | FRANCE | N°236765

France | France, Conseil d'État, 6 / 4 ssr, 24 février 2003, 236765


Vu le recours enregistré les 30 juillet et 1er août 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 5 juin 2001, par lequel la cour administrative d'appel de Paris, d'une part, a annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 28 juin 1999, rejetant la demande de M. Mohamed X... qui tendait à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite du ministre refusant d'abroger l'arrêté d'expulsion pris à son encontre le 3 juillet 1992, et d'autre

part, a annulé cette décision implicite ;
Vu les autres pi...

Vu le recours enregistré les 30 juillet et 1er août 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 5 juin 2001, par lequel la cour administrative d'appel de Paris, d'une part, a annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 28 juin 1999, rejetant la demande de M. Mohamed X... qui tendait à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite du ministre refusant d'abroger l'arrêté d'expulsion pris à son encontre le 3 juillet 1992, et d'autre part, a annulé cette décision implicite ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole additionnel n° 7 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ducarouge, Conseiller d'Etat ;
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêt attaqué :
Considérant que le MINISTRE DE L'INTERIEUR se pourvoit contre l'arrêt du 5 juin 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 28 juin 1999, a annulé sa décision implicite refusant d'abroger l'arrêté d'expulsion pris à l'encontre de M. X... le 3 juillet 1992 ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X... a commis, au cours du mois d'octobre 1988, plusieurs vols en réunion, dont certains avec violence, pour lesquels il a été condamné à quatre ans d'emprisonnement, dont deux avec sursis, et un viol en réunion pour lequel il a été condamné à six années de réclusion criminelle ; qu'en estimant qu'au regard de ces faits le refus du ministre de l'intérieur d'abroger, en 1997, l'arrêté du 3 juillet 1992 ordonnant l'expulsion de l'intéressé avait porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. X..., entré en France à l'âge de deux mois, marié depuis 1995 avec une ressortissante française dont il a eu un enfant, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise, et ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour administrative d'appel a retenu une qualification juridique erronée des faits ; que, dès lors. le MINISTRE DE L'INTERIEUR est fondé à demander l'annulation de l'arrêt du 5 juin 2001 ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : "S'il prononce l'annulation d'une décision statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut ( ... ) régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 2ème alinéa de l'article 24 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé par le ministre de l'intérieur. Lorsque la demande d'abrogation est présentée à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de l'exécution effective de l'arrêté d'expulsion, elle ne peut être rejetée qu'après avis de la commission prévue à l'article 24 ..." ; qu'en l'espèce, l'arrêté d'expulsion du 3 juillet 1992 n'a fait l'objet d'aucune exécution effective ; que, dans ces conditions, le ministre de l'intérieur n'avait pas à consulter la commission prévue à l'article 24 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 avant de rejeter la demande d'abrogation ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. X... ne peut, en tout état de cause, se prévaloir des stipulations de l'article 1 du protocole additionnel n° 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui sont relatives à des étrangers en situation régulière et dont l'expulsion n'est pas rendue nécessaire par l'intérêt de l'ordre public ;

Considérant, en troisième lieu, que M. X... n'est pas recevable à exciper de l'illégalité de l'arrêté d'expulsion du 3 juillet 1992, qui est devenu définitif à la suite du rejet, par un jugement du tribunal administratif de Paris en date du 19 novembre 1993, devenu lui-même définitif, de la demande d'annulation qu'il avait formée contre cet acte individuel ;
Considérant, en dernier lieu, qu'eu égard à la gravité des délits et des crimes commis par M. X..., et en dépit de sa situation familiale, mentionnée ci-dessus, et de son comportement depuis sa sortie de prison, le MINISTRE DE L'INTERIEUR, en estimant que la présence de M. X... sur le territoire français constituait toujours une menace pour l'ordre public, et en refusant en conséquence d'abroger l'arrêté d'expulsion, n'a pas porté au droit de M. X... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a pas méconnu, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation du refus implicite du MINISTRE DE L'INTERIEUR d'abroger l'arrêté d'expulsion en date du 3 juillet 1992 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance. la partie perdante. soit condamné à verser à la SCP Vier, Barthélemy, avocat de M. X..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, la somme qu'il demande à ce titre ;
Article 1er: L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 5 juin 2001 est annulé.
Article 2 : La requête de M. X... devant la cour administrative d'appel de Paris est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la SCP Vier, Barthélemy tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4: La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES et à M. Mohammed X....


Synthèse
Formation : 6 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 236765
Date de la décision : 24/02/2003
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

335-02 ETRANGERS - EXPULSION.


Références :

Arrêté du 03 juillet 1992
Code de justice administrative L821-2, L761-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 37
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 24


Publications
Proposition de citation : CE, 24 fév. 2003, n° 236765
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ducarouge
Rapporteur public ?: M. Lamy

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:236765.20030224
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