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26/02/2003 | FRANCE | N°234217

France | France, Conseil d'État, 9 / 10 ssr, 26 février 2003, 234217


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 mai et 19 juin 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 6 avril 2001 par lequel le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 8 février 2001 décidant la reconduite à la frontière de Mme Hayet X... et a condamné l'Etat à verser à l'intéressée la somme de 1 500 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;Vu les autres pièces du dossier ;<

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 mai et 19 juin 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 6 avril 2001 par lequel le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 8 février 2001 décidant la reconduite à la frontière de Mme Hayet X... et a condamné l'Etat à verser à l'intéressée la somme de 1 500 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;
Vu la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 modifiée ;
Vu la loi n° 87-1129 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 72-374 du 5 mai 1972, modifié par le décret n° 2001-194 du 28 février 2001 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Wauquiez-Motte, Auditeur ;
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :
Considérant que l'arrêté attaqué du PREFET DE POLICE du 8 février 2001 décidant la reconduite à la frontière de Mme X..., ressortissante de la République tunisienne, a été signé par M. Y..., sous-directeur de l'administration des étrangers ;
Considérant que, par un décret du Président de la République en date du 11 janvier 2001, M. Philippe Z..., préfet, qui exerçait alors les fonctions de préfet de police, a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 14 janvier 2001, date à laquelle il a atteint la limite d'âge applicable aux fonctionnaires titulaires du grade de préfet ; que, par une décision du ministre de l'intérieur en date du 12 janvier 2001, il a été chargé d'assurer l'intérim des fonctions de PREFET DE POLICE jusqu'à la nomination du titulaire de ce poste ; que, par un arrêté du 14 janvier 2001, M. Z... a donné délégation à M. Y... pour signer les arrêtés de reconduite à la frontière pris en application des dispositions de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Considérant qu'aux termes de l'article 68 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : "Les fonctionnaires ne peuvent être maintenus en fonctions au-delà de la limite d'âge de leur emploi sous réserve des exceptions prévues par les textes en vigueur" ;
Considérant que la survenance de la limite d'âge d'un fonctionnaire, ou, le cas échéant, l'expiration du délai de prolongation d'activité au-delà de cette limite, telle qu'elle est déterminée par les textes en vigueur, entraîne de plein droit la rupture du lien de cet agent avec le service ; que, par suite, en l'absence de disposition législative permettant une dérogation à la limite d'âge, ce fonctionnaire ne peut être légalement maintenu en fonctions jusqu'à la nomination de son successeur que si ce maintien est rendu nécessaire par des circonstances particulières liées aux responsabilités qui lui sont confiées ou à l'impossibilité de désigner immédiatement une autre personne susceptible d'exercer celles-ci de manière effective ;

Considérant que, sauf dans le cas prévu à l'article 1er de la loi du 31 décembre 1987 pour la période précédant la date d'achèvement du mandat du Président de la République, aucune disposition législative ne permet de déroger à la limite d'âge applicable aux fonctionnaires occupant un emploi de préfet ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que des circonstances particulières au premier trimestre 2001 aient pu justifier légalement que M. Z... fût maintenu dans les fonctions de PREFET DE POLICE jusqu'à la nomination de son sucesseur ;
Considérant cependant qu'un fonctionnaire irrégulièrement nommé aux fonctions qu'il occupe doit être regardé comme légalement investi de ces fonctions tant que sa nomination n'a pas été annulée ; que, par suite, c'est à tort que le président du tribunal administratif de Paris a jugé que l'arrêté du 14 janvier 2001 par lequel M. Z... a délégué à M. Y... sa signature aurait été entaché d'incompétence ;
Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X..., de nationalité tunisienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 27 octobre 2000, de la décision du même jour par laquelle le PREFET DE POLICE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, Mme X... excipait devant le président du tribunal administratif de Paris de l'illégalité de la décision du 27 octobre 2000 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ; que, si elle soutient qu'elle résidait en France depuis plus de dix ans, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'apporte pas de preuves suffisantes lui permettant de justifier d'une résidence habituelle en France, notamment entre 1990 et 1995 ; qu'ainsi, l'intéressée ne satisfaisait pas aux conditions prévues au 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant que c'est donc à tort que le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé pour annuler l'arrêté attaqué, d'une part, sur ce que son auteur aurait été incompétent, et, d'autre part, sur ce que Mme X... pouvait prétendre de plein droit à la délivrance d'une carte de séjour ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par Mme X... devant le tribunal administratif de Paris ;

Considérant, d'une part, que Mme X..., ainsi qu'il a été dit, n'apporte pas de preuves suffisantes permettant de justifier d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans ; qu'elle ne soutient pas d'autre part qu'elle entrait dans le champ d'application des autres dispositions de l'article 12 bis ou de celles de l'article 15 de ladite ordonnance ; que, par suite, le PREFET DE POLICE n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de prendre la décision de refus de titre de séjour en date du 27 octobre 2000 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement du 6 avril 2001 par lequel le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 8 février 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X... ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions de Mme X... tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 février 2001, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions susanalysées doivent être rejetées ;
Sur les conclusions de Mme X... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mme X... la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du président du tribunal administratif de Paris du 6 avril 2001 est annulé.
Article 2 : La demande de Mme X... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée, ainsi que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mme Hayet X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 9 / 10 ssr
Numéro d'arrêt : 234217
Date de la décision : 26/02/2003
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 27 octobre 2000
Code de justice administrative L761-1
Loi 84-16 du 11 janvier 1984 art. 68
Loi 87-1129 du 31 décembre 1987 art. 1
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 12 bis, art. 15


Publications
Proposition de citation : CE, 26 fév. 2003, n° 234217
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Wauquiez-Motte
Rapporteur public ?: M. Goulard

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:234217.20030226
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