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03/03/2003 | FRANCE | N°241288

France | France, Conseil d'État, 3 ss, 03 mars 2003, 241288


Vu la requête, enregistrée le 21 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES COTES-D'ARMOR ; le PREFET DES COTES-D'ARMOR demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 1er décembre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 22 novembre 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Servet X... et la décision distincte fixant la Turquie comme pays de renvoi ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant ce tribunal ;
Vu les

autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des dro...

Vu la requête, enregistrée le 21 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES COTES-D'ARMOR ; le PREFET DES COTES-D'ARMOR demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 1er décembre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 22 novembre 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Servet X... et la décision distincte fixant la Turquie comme pays de renvoi ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant ce tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Burguburu, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Thouin-Palat, Urtin-Petit, avocat de M. Servet X...,
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait" ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. Servet X..., de nationalité turque, s'est maintenu en France au-delà du délai d'un mois à compter de la notification le 1er novembre 2001 de la décision du PREFET DES COTES-D'ARMOR du 27 septembre 2001 rejetant sa demande de titre de séjour ; que l'intéressé se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant que pour annuler l'arrêté du 22 novembre 2001, par lequel le PREFET DES COTES-D'ARMOR a ordonné la reconduite à la frontière de M. Servet X..., le tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur le défaut de consultation par le préfet de la commission du titre de séjour ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ; qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ( ...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus" ; qu'aux termes de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : "Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour ( ....). La commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15" ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que M. Servet X..., qui est entré irrégulièrement en France en mai 1998 et qui est âgé de 23 ans, a obtenu à titre exceptionnel un titre de séjour temporaire en qualité de conjoint de son épouse, titulaire d'une carte d'invalidité et d'une carte de résident, qu'il est séparé de cette dernière depuis plus d'un an et que ses parents et une partie de sa famille vivent en Turquie ; que par suite, la décision du PREFET DES COTES-D'ARMOR lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, dont il soulève, par la voie de l'exception, l'illégalité, ne porte pas à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée eu égard aux buts en vue desquels elle a été prise, méconnaissant ainsi l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, M. Servet X... n'est pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour en application du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance précitée ; que le préfet n'était donc pas tenu en application de l'article 12 quater, de soumettre le cas de l'intéressé à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande de titre de séjour ; que, dès lors, c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur ce motif pour prononcer l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière de M. Servet X... ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Servet X... devant le tribunal administratif ;
Considérant que la décision de refus de titre de séjour du 27 septembre 2001 et l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué du 22 novembre 2001 comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement ; qu'ils sont, dès lors, suffisamment motivés ;
Sur la décision distincte fixant la Turquie comme pays de destination :
Considérant qu'à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision, M. Servet X... fait valoir qu'il a été arrêté et brutalisé en tant que sympathisant de la cause kurde, il a été arrêté et brutalisé et que par un jugement du 26 novembre 2001, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 19 novembre 2001 du PREFET DES COTES-D'ARMOR en tant qu'il fixe la Turquie comme pays de renvoi de son frère, Mehmet X..., lequel se trouve dans la même situation que lui-même ; que, toutefois, l'intéressé, dont la demande d'admission au statut de réfugié a d'ailleurs été rejetée par la commission des recours des réfugiés, n'apporte pas d'éléments de nature à justifier son engagement direct pour la cause kurde, ni les risques sérieux auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour en Turquie ; que le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, dès lors, être accueilli ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DES COTES-D'ARMOR est fondé à demander l'annulation du jugement par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 22 novembre 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Servet X... et de la décision distincte fixant le pays de renvoi ;
Article 1er : Le jugement du 1er décembre 2001 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes par M. X... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DES COTES-D'ARMOR, à M. Servet X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 19 novembre 2001
Arrêté du 22 novembre 2001
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 12 bis, art. 12 quater


Publications
Proposition de citation: CE, 03 mar. 2003, n° 241288
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Burguburu
Rapporteur public ?: M. Austry

Origine de la décision
Formation : 3 ss
Date de la décision : 03/03/2003
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 241288
Numéro NOR : CETATEXT000008145728 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2003-03-03;241288 ?
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