Vu la requête, enregistrée le 13 août 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES ALPES-MARITIMES ; le PREFET DES ALPES-MARITIMES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 10 juillet 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice a annulé son arrêté du 6 juin 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Fatma El X... épouse Y... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme El X... devant le tribunal administratif de Nice ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Landais, Auditeur,
- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'appel principal du préfet :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : " Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (.) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (.) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme El X..., ressortissante marocaine, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 18 juillet 2001, de la décision préfectorale du 11 janvier précédent lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ; qu'elle entrait ainsi dans le cas où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme El X... est entrée régulièrement en France en novembre 1999 pour y rejoindre son mari, titulaire d'une carte de résident, ainsi que l'un de ses enfants ; que l'état de santé de son époux, invalide et mal voyant, rend nécessaire la présence de Mme El X... à ses côtés ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu notamment de ce que Mme El X... est âgée de 63 ans et d'ailleurs elle-même médicalement suivie en France, l'arrêté attaqué ordonnant sa reconduite à la frontière porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise ; que, dès lors, le PREFET DES ALPES-MARITIMES n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice s'est fondé sur la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté du 6 juin 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme El X... ;
Sur les conclusions incidentes de Mme El X... :
Considérant qu'aux termes du III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : " Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé (.) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas " ; qu'ainsi, il y a lieu de faire droit aux conclusions de Mme El X... tendant à ce qu'il soit enjoint au PREFET DES ALPES-MARITIMES de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner l'Etat à verser à Mme El X... la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête du PREFET DES ALPES-MARITIMES est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint au PREFET DES ALPES-MARITIMES de délivrer à Mme El X... une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Mme El X... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par Mme El X... devant le Conseil d'Etat est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au PREFET DES ALPES-MARITIMES, à Mme Fatma El X... épouse Y... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.