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21/03/2003 | FRANCE | N°242518

France | France, Conseil d'État, 5 ss, 21 mars 2003, 242518


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 30 janvier 2002, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 23 novembre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 28 août 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Dalila X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne d

e sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonna...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 30 janvier 2002, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 23 novembre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 28 août 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Dalila X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Fabre-Aubrespy, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Olson, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du préfet de Seine-Saint-Denis en date du 12 juin 2001 refusant à Mlle X... la délivrance d'un titre de séjour lui a été notifiée, le 19 juin 2001, à l'adresse indiquée par elle dans sa demande de régularisation ; que si Mlle X... soutient que cette décision ne lui a pas été notifiée à la bonne adresse, elle n'a informé la préfecture de Seine-Saint-Denis de son changement d'adresse qu'après cette notification ; que la décision du 12 juin 2001 doit, dans ces conditions, être regardée comme ayant été régulièrement notifiée à l'intéressée ; que, par suite, lorsqu'a été pris, le 28 août 2001, l'arrêté de reconduite à la frontière contesté, Mlle X..., de nationalité algérienne, se trouvait, au regard des dispositions susrappelées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans le cas où le PREFET DE POLICE peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ; que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur une violation de ces dispositions pour annuler cet arrêté ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle X... ;
Considérant qu'à la date à laquelle Mlle X... a demandé l'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, soit le 4 septembre 2001, la décision du 12 juin 2001 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, qu'elle n'a pas contestée dans le délai du recours contentieux, lequel a commencé à courir le 19 juin 2001, date de la notification de cette décision, était devenue définitive ; qu'elle n'est, dès lors, pas recevable à exciper de son illégalité ;
Considérant que, par un arrêté du 9 avril 2001, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la Ville de Paris en date du 13 avril 2001, le PREFET DE POLICE a donné à M. Jean-Pierre Y..., sous-directeur de l'administration des étrangers de la direction de la police générale, délégation pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été pris par une autorité incompétente doit être écarté ;

Considérant que la légalité d'un arrêté de reconduite à la frontière pris sur le fondement du 3° du I de l'article 22 précité de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée n'est pas subordonnée à l'examen préalable d'une nouvelle demande de titre de séjour que l'étranger a pu présenter postérieurement à la notification du refus de délivrance de ce titre ; qu'ainsi, la circonstance que Mlle X... a présenté, le 3 juillet 2001, une nouvelle demande de titre de séjour auprès de la préfecture de police de Paris est sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 28 août 2001 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, compte tenu des circonstances de l'espèce et notamment des conditions de séjour de l'intéressée qui est entrée en France en septembre 2000, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du 28 août 2001 n'a pas porté à la vie privée et familiale de Mlle X..., qui est veuve et sans enfant, une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que si Mlle X... ne peut utilement se prévaloir à l'encontre de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne susvisée, ledit arrêté doit être regardé comme comportant une décision distincte fixant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite ; que, si Mlle X... invoque les risques qu'elle encourrait en cas de retour dans son pays d'origine, du fait des menaces dont elle a fait l'objet en raison d'une part, des activités culturelles qu'elle entreprenait et d'autre part de l'assassinat, en 1994, de son mari, officier de police, ces allégations ne sont pas assorties d'éléments de nature à établir la réalité des risques qu'elle encourrait personnellement en cas de retour en Algérie ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par jugement en date du 23 novembre 2001, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 28 août 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle X... ;
Sur les conclusions tendant à ce que le Conseil d'Etat enjoigne au PREFET DE POLICE de délivrer un titre de séjour à Mlle X... :
Considérant que la présente décision qui rejette la demande de Mlle X... tendant à l'annulation de l'arrêté du PREFET DE POLICE en date du 28 août 2001 n'appelle aucune mesure d'exécution ; que par suite, les conclusions susanalysées sont irrecevables ;
Sur les conclusions de Mlle X... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mlle X... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 23 novembre 2001 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mlle X... devant le tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de l'arrêté du PREFET DE POLICE en date du 28 août 2001, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mlle Dalila X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 5 ss
Numéro d'arrêt : 242518
Date de la décision : 21/03/2003
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 09 avril 2001
Arrêté du 12 juin 2001
Arrêté du 28 août 2001
Code de justice administrative L761-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8, art. 3
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22


Publications
Proposition de citation : CE, 21 mar. 2003, n° 242518
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Fabre-Aubrespy
Rapporteur public ?: M. Olson

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:242518.20030321
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