La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/03/2003 | FRANCE | N°238210

France | France, Conseil d'État, 3 ss, 28 mars 2003, 238210


Vu la requête, enregistrée le 14 septembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ; le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 10 août 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 25 juillet 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Kada X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Toulouse ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la co

nvention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondame...

Vu la requête, enregistrée le 14 septembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ; le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 10 août 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 25 juillet 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Kada X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Toulouse ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Richard, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Roger, Sevaux, avocat de M. Kada X...,
- les conclusions de M. Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance susvisée : "le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Kada X..., de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 29 mai 2001, de la décision en date du 19 avril 2001 par laquelle le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant que pour annuler l'arrêté du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE du 25 juillet 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X..., le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse, après avoir déclaré recevable le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de la décision du ministre de l'intérieur du 18 janvier 2001 refusant à M. X... l'asile territorial, s'est fondé sur l'illégalité de celle-ci en raison de l'erreur manifeste qui aurait été commise par le ministre dans l'appréciation de la situation de l'intéressé ;
Considérant que pour justifier qu'il avait droit à l'asile territorial, M. X... a fait valoir devant le premier juge qu'il serait exposé à des risques élevés d'atteinte à son intégrité physique s'il devait retourner en Algérie, compte tenu de la situation prévalant dans sa région d'origine, de son engagement politique et des contacts entrepris à son endroit par des membres de mouvements islamistes pour l'amener à participer à des actions terroristes dans le secteur d'activité où il travaillait ; que, toutefois, il n'a pas apporté au soutien de ces allégations d'éléments précis et circonstanciés démontrant qu'il serait personnellement exposé aux risques invoqués ; que, par suite, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé, pour prononcer l'annulation de l'arrêté attaqué, sur ce que la décision ministérielle refusant l'asile territorial à M. X... était entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Toulouse et devant le Conseil d'Etat ;
Sur la légalité externe de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant que, par arrêté du 12 juillet 2001, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE a donné à M. Sylvain Y..., sous-préfet chargé d'assurer l'intérim des fonctions de secrétaire général de la préfecture de la Haute-Garonne, délégation pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que M. Y... n'aurait pas été compétent pour signer l'arrêté attaqué manque en fait ;
Sur la légalité interne de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant en premier lieu, que si M. X... prétend avoir saisi l'office français de protection des réfugiés et apatrides d'une demande d'asile politique, ce qui lui ouvrirait droit à se maintenir sur le territoire français le temps nécessaire à l'examen de sa demande, il n'apporte aucune pièce justificative à l'appui de cette affirmation, qui est contestée par le préfet ; que ce moyen ne peut donc qu'être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. X... est arrivé en France, à l'âge de 53 ans, en février 2000 avec son épouse de nationalité algérienne et deux de ses enfants ; que s'il allègue qu'il ne peut emmener avec lui sa famille, en raison des risques pesant également sur elle et de l'état phobique de ses deux filles à l'égard de l'Algérie, attesté par plusieurs rapports médicaux, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de l'entrée en France avec un visa touristique limité à 30 jours, de l'intéressé, qui n'est pas dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, où demeurent ses cinq autres enfants, ainsi que de la décision de reconduite frappant également son épouse, décision dont la légalité a été confirmée par une décision du Conseil d'Etat du 14 mars 2001, l'arrêté du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE en date du 25 juillet 2001 n'a pas porté au droit de M. X... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été prise ladite décision de reconduite à la frontière ; qu'il n'a ainsi pas méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que, si M. X... prétend qu'il serait exposé à des risques pour son intégrité physique, en cas de retour en Algérie, pour les motifs énoncés ci-dessus, il est constant que l'arrêté de reconduite à la frontière ne contient pas de décision distincte fixant le pays de destination ; qu'ainsi les conclusions tendant à l'annulation d'une telle décision ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant dès lors que la demande présentée par M. X... devant le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse contre l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 25 juillet 2001 ordonnant sa reconduite à la frontière ne peut qu'être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à obtenir le versement de l'Etat de la somme de 1 524,49 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à l'avocat de M. X... la somme que celui-ci demande au titre des frais qu'il aurait exposés s'il n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle totale ;
Article 1er : Le jugement du 10 août 2001 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse par M. Kada X... ainsi que les conclusions de la SCP Roger, Sevaux sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA HAUTE-GARONNE, à M. Kada X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 3 ss
Numéro d'arrêt : 238210
Date de la décision : 28/03/2003
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 12 juillet 2001
Arrêté du 25 juillet 2001
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 37
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22


Publications
Proposition de citation : CE, 28 mar. 2003, n° 238210
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Richard
Rapporteur public ?: M. Séners

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:238210.20030328
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award