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28/03/2003 | FRANCE | N°240623

France | France, Conseil d'État, 3 ss, 28 mars 2003, 240623


Vu la requête, enregistrée le 29 novembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 5 octobre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 14 juin 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Madigata X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Madigata X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention europ

éenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu ...

Vu la requête, enregistrée le 29 novembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 5 octobre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 14 juin 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Madigata X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Madigata X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Richard, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Defrénois, Lévis, avocat de M. Madigata X...,
- les conclusions de M. Séners, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. X... :
Considérant que par télécopie enregistrée le 29 novembre 2001, authentifiée par la production ultérieure d'un exemplaire de la requête dûment signé, le PREFET DE POLICE a relevé appel du jugement du 5 octobre 2001 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris, dont il avait reçu notification le 29 octobre 2001 ; que cette requête a ainsi été formée dans le délai d'un mois fixé par l'article 22 bis de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 ; qu'ainsi, la fin de non-recevoir opposée par M. X... ne peut qu'être rejetée ;
Sur la requête du PREFET DE POLICE :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : "le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (.) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (.)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Madigata X..., de nationalité malienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 7 novembre 2000, de la décision en date du 3 novembre 2000 par laquelle le PREFET DE POLICE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application des dispositions rappelées ci-dessus, le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit ( ...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans, si au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant" ;

Considérant qu'à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, M. X... a fait valoir qu'il réside en France depuis 1987 ; que le PREFET DE POLICE soutient, sans être démenti, que certaines des nombreuses pièces que l'intéressé a produites pour établir l'effectivité de cette résidence se retrouvent dans un dossier constitué dans une autre préfecture par un compatriote, ayant les mêmes nom, prénom, date de naissance, lieu de naissance et adresse antérieure ; que si M. X... prétend que des documents lui ont été subtilisés par cet homonyme et que d'autres, ne lui appartenant pas, ont été introduits à son insu dans son propre dossier, il ressort des pièces de ce dossier plusieurs informations contradictoires, notamment en ce qui concerne l'adresse de l'intéressé et son numéro de sécurité sociale, ainsi qu'entre les montants des salaires perçus, déclarés au fisc ou pris en compte par la caisse de retraite ; que, dans les circonstances de l'espèce, M. X... ne peut être regardé comme établissant la réalité de sa résidence habituelle en France depuis plus de 10 ans à la date de l'arrêté attaqué ; que, par suite, cet arrêté n'était pas entaché d'illégalité ; que, dès lors, c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté du 14 juin 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Paris et devant le Conseil d'Etat ;
Sur la légalité de l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière :
Considérant que l'arrêté de reconduite à la frontière du 14 juin 2001, qui énonce les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la mesure de reconduite à la frontière, est suffisamment motivé ; que la circonstance que cet arrêté ait été pris sans que le préfet réponde explicitement au recours gracieux présenté contre le refus de délivrance d'un titre de séjour est sans incidence sur la légalité dudit arrêté ;
Considérant que, par arrêté du 9 avril 2001, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris, le PREFET DE POLICE a donné à M. Jean-Pierre Y..., sous-directeur de l'administration des étrangers, délégation pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que M. Y... n'aurait pas été compétent pour signer l'arrêté attaqué manque en fait ;

Considérant que si l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 impose au préfet de consulter la commission du titre de séjour lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour à un étranger relevant d'une des catégories mentionnées aux articles 12 bis et 15 de cette ordonnance, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X... appartienne à l'une de ces catégories ; qu'il en résulte que le moyen tiré de ce que la décision du 3 novembre 2000 serait irrégulière faute d'avoir été précédée de la consultation de la commission du titre de séjour doit, en tout état de cause, être écarté ;
Considérant que si M. X... fait valoir qu'une reconduite à la frontière compromettrait les liens qu'il a tissés avec d'autres personnes lors de son séjour en France, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, âgé de 37 ans à la date de la décision attaquée, célibataire et sans enfant, n'est pas dépourvu de toute attache familiale au Mali, où résident notamment ses parents et des frères et s.urs ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il méconnaîtrait les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ;
Sur la légalité de la décision distincte fixant le Mali comme pays de destination :
Considérant que, dans les termes où il est rédigé, l'arrêté du 14 juin 2001 décidant la reconduite à la frontière de M. X... doit être regardé comme comportant une décision distincte par laquelle le PREFET DE POLICE a décidé que l'intéressé serait éloigné à destination du Mali ; que l'intéressé, dont la demande d'admission au statut de réfugié a d'ailleurs été rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 20 septembre 1990 confirmée par une décision de la commission des recours des réfugiés et qui se borne à alléguer que son retour au Mali l'exposerait à des traitements inhumains et dégradants, n'apporte pas d'élément de nature à établir la réalité des risques que comporterait pour lui son retour dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement du 5 octobre 2001 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté prononçant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à obtenir le versement de l'Etat de la somme de 3000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à l'avocat de M. X... la somme que celui-ci demande au titre des frais qu'il aurait exposés s'il n'avait pas eu l'aide juridictionnelle ;
Article 1er : Le jugement du 5 octobre 2001 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Paris par M. Madigata X... ainsi que les conclusions de la SCP Defrénois, Lévis tendant au versement de frais irrépétibles sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Madigata X..., à la SCP Defrénois, Lévis et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 3 ss
Numéro d'arrêt : 240623
Date de la décision : 28/03/2003
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 09 avril 2001
Arrêté du 14 juin 2001
Code de justice administrative L761-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22 bis, art. 22, art. 12 bis, art. 12 quater, art. 15


Publications
Proposition de citation : CE, 28 mar. 2003, n° 240623
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Richard
Rapporteur public ?: M. Séners

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:240623.20030328
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