Vu la requête, enregistrée le 5 avril 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 18 février 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 24 octobre 2001 décidant la reconduite à la frontière de M. Djamel X ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le président du tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme de Margerie, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de M. X,
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ;
Considérant que, si M. X, ressortissant de la République algérienne, était célibataire et sans charges de famille à la date de l'arrêté du PREFET DE POLICE décidant sa reconduite à la frontière, et s'il a vécu vingt-cinq ans en Algérie, il ressort des pièces du dossier que sa mère, ses grand-mères et sa sour, cette dernière ayant la nationalité française, ainsi que la plupart des autres membres de sa famille proche, dont beaucoup sont de nationalité française, résident en France ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, depuis le décès du père de M. X, survenu le 10 avril 2000, celui-ci ait conservé des attaches familiales directes en Algérie ; qu'ainsi, et dans les circonstances de l'espèce, le PREFET DE POLICE, en décidant la reconduite à la frontière de l'intéressé, a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise et a, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 24 octobre 2001 ;
Considérant que M. X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle devant le Conseil d'Etat ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; que, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Vier et Barthelémy renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de condamner l'Etat à lui payer la somme de 1 000 euros pour les frais que M. X aurait exposés s'il n'avait pas obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à la SCP Vier et Barthelémy, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat pour l'aide juridictionnelle.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Djamel X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.