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28/04/2003 | FRANCE | N°248654

France | France, Conseil d'État, 9eme sous-section jugeant seule, 28 avril 2003, 248654


Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2002, présentée par le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE ; le préfet demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 26 juin 2002, par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 14 juin 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Valentina X..., épouse Y ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;

Vu

le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport...

Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2002, présentée par le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE ; le préfet demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 26 juin 2002, par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 14 juin 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Valentina X..., épouse Y ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Guilhemsans, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Vallée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X..., épouse Y, de nationalité yougoslave, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 25 octobre 2001, de la décision du 23 octobre 2001 du PREFET D'ILLE-ET-VILAINE lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application des dispositions précitées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté du 14 juin 2002 ordonnant sa reconduite à la frontière, Mme X..., épouse Y a fait valoir que son mari, de nationalité yougoslave, appartenait à la communauté d'origine albanaise du Kosovo, a été emmené par les milices serbes en février 1998, et n'a jamais reparu ; que sa maison a été incendiée ; qu'après avoir séjourné dans un camp de réfugiés en Albanie, puis, de retour au Kosovo, vainement recherché son mari, elle a rejoint le 22 juin 2000 en France ses deux fils, en situation régulière ; qu'elle a produit le certificat d'un psychologue qui la suit pour un syndrome psycho-traumatique au centre hospitalier régional de Rennes attestant que la présence de ses fils lui est indispensable ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que les fils de l'intéressée sont majeurs et célibataires ; que l'un d'eux, chez qui elle vit, entré en France en 1998, n'est détenteur que d'un récépissé de demande de séjour valable jusqu'au 17 avril 2002, s'étant vu refuser le statut de réfugié par une décision du 30 avril 2001 de la commission des recours des réfugiés ; qu'il n'est pas établi que l'intéressée n'ait plus de famille proche en Yougoslavie ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard aux effet d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de Mme X..., épouse Y au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE est fondé à soutenir que c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rennes s'est fondé, pour annuler l'arrêté attaqué, sur la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant toutefois qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentées par l'intéressée devant le tribunal administratif de Rennes ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme X..., épouse Y n'est pas fondée, en tout état de cause, à soutenir que l'arrêté attaqué serait irrégulier en raison de l'illégalité du refus implicite opposé par le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE à ses nouvelles demandes des 26 octobre et 17 décembre 2001, tendant à ce que lui soit délivré, sur le fondement des dispositions du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, une carte de séjour portant la mention vie privée et familiale ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle se soit trouvée dans l'un des cas où la commission prévue à l'article 12 quater de la même ordonnance devait être consultée préalablement à ce refus ;

Considérant que le préfet pouvait décider la reconduite de l'intéressée à la frontière alors même qu'il n'avait pas répondu expressément à ses dernières demandes de titre de séjour ;

Considérant, enfin, que si l'intéressée soutient que la décision fixant la Yougoslavie comme pays de destination de sa reconduite l'exposerait à une épreuve psychologique grave et qu'elle pourrait être victime de discriminations en raison de sa religion catholique, très minoritaire au Kosovo, ces circonstances ne sont pas de nature à établir que Mme X..., épouse Y, dont la demande d'admission au statut de réfugié a d'ailleurs été rejetée le 2 octobre 2001 par la commission des recours, serait exposée, en cas de retour dans son pays d'origine, à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 14 juin 2002 ordonnant la reconduite de Mme X..., épouse Y, à la frontière ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 26 juin 2002 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme X..., épouse Y devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET D'ILLE-ET-VILAINE, à Mme Valentina X..., épouse Y et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 9eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 248654
Date de la décision : 28/04/2003
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 avr. 2003, n° 248654
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Guilhemsans
Rapporteur public ?: M. Vallée

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:248654.20030428
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