Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 2 août 2002, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 11 juin 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 31 janvier 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Nour Eddine X ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, notamment son article 37 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de M. Nour-Eddine X,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 3°) Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de la notification, le 14 décembre 2001, de la décision du préfet de police, du même jour, lui refusant un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans l'un des cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut ordonner la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant qu'aux termes de l'article 13 du la loi du 25 juillet 1952, dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998 : Dans les conditions compatibles avec l'intérêt du pays l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde et des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde et des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X est le petit-fils d'un harki assassiné lors des événements liés à la guerre d'indépendance et que sa famille a fait régulièrement l'objet de brimades depuis lors ; qu'il a été président puis secrétaire général d'une association de défense de l'identité berbère et fondateur d'une association d'enseignants de la langue française ; que les attestations figurant au dossier témoignent des mauvais traitements dont lui et sa famille ont fait l'objet ainsi que des menaces qui pesaient sur lui en Algérie ; qu'en raison de ses origines et de ses activités passées, M. X peut craindre de faire l'objet de traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde et des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ; dès lors, la décision du ministre de l'intérieur en date du 3 octobre 2001 lui refusant l'asile territorial est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 31 janvier 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ;
Sur l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Peignot, Garreau, avocat de M. X, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de condamner l'Etat à payer à SCP Peignot, Garreau la somme de 1 500 euros qu'elle réclame au titre de ces dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la SCP Peignot, Garreau la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : la présente décision sera notifiée au préfet de police, à M. Nour Eddine X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.