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05/05/2003 | FRANCE | N°250590

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 05 mai 2003, 250590


Vu la requête, enregistrée le 26 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 18 juillet 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a annulé pour excès de pouvoir la décision distincte, contenue dans son arrêté du 21 février 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Esperancia X, fixant Haïti comme pays à destination duquel se

ra effectuée la reconduite ;

2°) de rejeter la demande de Mlle X devant ...

Vu la requête, enregistrée le 26 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 18 juillet 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a annulé pour excès de pouvoir la décision distincte, contenue dans son arrêté du 21 février 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Esperancia X, fixant Haïti comme pays à destination duquel sera effectuée la reconduite ;

2°) de rejeter la demande de Mlle X devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mlle X,

- les conclusions de M. Vallée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X, de nationalité haïtienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 4 avril 2001, de la décision du préfet de police du 30 mars 2001, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant que, par un arrêté du 21 février 2002, le PREFET DE POLICE a ordonné la reconduite à la frontière de Mlle X ; que, par une décision distincte du même jour contenue dans la notification de l'arrêté de reconduite à la frontière, il a désigné Haïti comme pays de destination ; que, Mlle X ayant demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation desdits arrêté et décision, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a d'une part, rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté, d'autre part, prononcé l'annulation de la décision distincte fixant le pays de destination ; que le PREFET DE POLICE fait appel de ce jugement en tant qu'il prononce l'annulation de ladite décision distincte ; que par la voie de l'appel incident, Mlle X demande l'annulation du jugement en tant qu'il rejette sa demande dirigée contre l'arrêté de reconduite à la frontière et l'annulation de cet arrêté ;

Sur la légalité de l'arrêté du 21 février 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle X :

Considérant que l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui justifient qu'il soit procédé à la reconduite à la frontière de Mlle X ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;

Considérant que si Mlle X, qui est entrée en France le 1er mars 2000, fait valoir qu'elle a l'essentiel de ses attaches familiales en France, qu'elle y est bien intégrée, entend y poursuivre ses études, est assurée sociale, dispose d'un compte épargne et participe à des activités caritatives au sein de sa paroisse, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Haïti où vit sa fille âgée de quatre ans et que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de Mlle X en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet de police en date du 21 février 2002 n'a pas porté au droit de celle-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entaché d'une appréciation manifestement erronée de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

Sur la légalité de la décision distincte du 21 février 2002 désignant Haïti comme pays à destination duquel doit être reconduite Mlle X :

Considérant que, pour justifier être personnellement exposée en cas de reconduite en Haïti à des risques graves pour sa vie, Mlle X expose avoir été l'objet d'agressions tant verbales que physiques de la part de membres du parti Lavalas voulant la rallier à leur cause en raison de sa qualité d'enseignante et de son influence morale au sein de sa communauté ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressée, dont la demande de reconnaissance de la qualité de réfugiée a d'ailleurs été rejetée par une décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 octobre 2000 non contestée devant la commission des recours des réfugiés et dont le recours gracieux introduit contre la décision du préfet en date du 30 mars 2001 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'apportait aucun élément nouveau sur les risques encourus par elle en cas de retour dans son pays d'origine, se borne à produire la copie de deux brefs témoignages, une lettre anonyme et non datée présentée comme un dernier avertissement à son attention et des pièces non traduites en langue française ; que, dans ces conditions, elle ne peut être regardée comme apportant des justifications suffisantes pour établir la réalité de ses allégations ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision distincte attaquée aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mlle X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière du 21 février 2002 ; qu'en revanche le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort qu'il a prononcé l'annulation de la décision distincte du même jour fixant Haïti comme pays à destination duquel doit être reconduite l'intéressée ;

Sur les conclusions présentées par Mlle X et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à l'avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle pour défendre Mlle X la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du 18 juillet 2002 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il annule la décision distincte du 21 février 2002 du PREFET DE POLICE fixant Haïti comme pays à destination duquel Mlle X doit être reconduite à la frontière.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mlle X devant le tribunal administratif de Paris contre la décision fixant le pays de reconduite et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat par la voie de l'appel incident sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mlle Esperancia X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : President de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 250590
Date de la décision : 05/05/2003
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 mai. 2003, n° 250590
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Peylet
Rapporteur ?: M. XX
Rapporteur public ?: M. Vallée
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:250590.20030505
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