Vu la requête, enregistrée le 7 février 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 30 octobre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 27 juin 2001 décidant la reconduite à la frontière de Mme Cuiyu X..., épouse Y ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X..., épouse Y devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. du Marais, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Boulloche, Boulloche, avocat de Mme X..., épouse Y,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X..., épouse Y, ressortissante chinoise née en 1952, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 8 novembre 2000, de l'arrêté du même jour par lequel le PREFET DE POLICE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, Mme X..., épouse Y a fait valoir que, veuve, elle est à la charge de ses deux enfants installés en France dont l'un est titulaire d'une carte de résident ; que, cependant, son deuxième fils séjourne irrégulièrement en France ; qu'elle a un autre fils, sa sour et ses deux frères en Chine et qu'elle ne peut se prévaloir d'une longue durée de séjour en France ; que dans ces circonstances et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, cet arrêté n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que c'est, dès lors, à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce qu'il méconnaissait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X..., épouse Y devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, Mme X..., épouse Y fait valoir qu'elle a trouvé un emploi en France et qu'elle est à la charge de ses enfants qui vivent en France ; que ces circonstances, en tout état de cause, ne sont pas de nature à faire regarder l'arrêté attaqué comme entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il s'agisse d'un arrêté d'expulsion pris selon la procédure normale ou d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, les éléments apportés par Mme X..., épouse Y ne constituent pas des éléments probants justifiant, comme elle le soutient, qu'elle aurait résidé habituellement en France avant 1997 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le PREFET DE POLICE ne pouvait légalement prendre à son encontre l'arrêté attaqué sans méconnaître les dispositions du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance précitée ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement du 30 octobre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 27 juin 2001 décidant la reconduite à la frontière de Mme X..., épouse Y ;
Sur les conclusions de Mme X..., épouse Y tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, la partie perdante, dans la présente affaire, soit condamné à payer à Mme X..., épouse Y la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 30 octobre 2001 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Paris par Mme X..., épouse Y est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de Mme X..., épouse Y, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mme Cuiyu X..., épouse Y et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.