Vu la requête, enregistrée le 10 juillet 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU JURA ; le PREFET DU JURA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 4 juin 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Besançon a annulé son arrêté du 23 mai 2002 relatif à la reconduite à la frontière de M. Taghi X en tant qu'il fixe l'Iran comme pays de destination de l'intéressé ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le président du tribunal administratif de Besançon en tant qu'elle est dirigée contre la décision fixant le pays de destination de l'intéressé ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme von Coester, Auditeur,
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, qui exerçait une activité d'imprimeur en Iran, faisait l'objet de poursuites et de recherches de la part des autorités iraniennes, ainsi qu'en atteste notamment le mandat d'arrêt délivré contre lui le 29 mars 1998, pour avoir imprimé des tracts hostiles au régime en place et aidé à leur diffusion ; que sa famille, en particulier son épouse lorsqu'elle vivait en Iran, ont été inquiétés à plusieurs reprises par les autorités de ce pays ; qu'ainsi, M. X peut craindre pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, en fixant l'Iran comme pays à destination duquel M. X devait être reconduit à la frontière, le PREFET DU JURA a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU JURA n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Besançon a annulé sa décision du 23 mai 2002 fixant l'Iran comme pays de destination de M. X ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. X la somme de 1 200 euros pour les frais qu'il a exposés dans la présente instance ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du PREFET DU JURA est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU JURA, à M. Taghi X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.