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07/05/2003 | FRANCE | N°250002

France | France, Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 07 mai 2003, 250002


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 septembre et 22 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mlle Drissia X, demeurant ... ; Mlle X demande au Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance du 16 août 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a, en application de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, rejeté sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du même code et tendant :

1°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Hérault de terminer

l'instruction de sa demande de titre de séjour et de délivrer, dans les ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 septembre et 22 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mlle Drissia X, demeurant ... ; Mlle X demande au Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance du 16 août 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a, en application de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, rejeté sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du même code et tendant :

1°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Hérault de terminer l'instruction de sa demande de titre de séjour et de délivrer, dans les quinze jours de la notification de l'ordonnance à intervenir, ledit titre portant la mention vie privée et familiale ;

2°) subsidiairement à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Hérault de lui délivrer le récépissé de sa demande de titre de séjour ;

3°) à la condamnation de l'Etat au versement d'une astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. El Nouchi, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Richard, Mandelkern, avocat de Mlle X,

- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 522-3 du code de justice administrative : Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 ; qu'aux termes de l'article L. 523-1 du même code, les décisions rendues en application des articles L. 521-1, L. 521-3, L. 521-4 et L. 522-3 sont rendues en dernier ressort alors que les décisions rendues en application de l'article L. 521-2 sont susceptibles d'appel devant le Conseil d'Etat ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'ordonnance par laquelle le juge des référés rejette une demande en faisant usage du pouvoir que lui donne l'article L. 522-3 précité ne peut faire l'objet que d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat sans qu'il y ait lieu de distinguer si la demande dont a été saisi le juge a été présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 ou de l'article L. 521-2 susmentionnés ;

Considérant qu'il y a lieu, dès lors, de requalifier en pourvoi en cassation la requête d'appel de Mlle X dirigée contre l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté, en application de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, la demande de l'intéressée tendant à ce que le juge des référés, d'une part, ordonne, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, au préfet de l'Hérault d'instruire la demande de titre de séjour de Mlle X et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour, d'autre part, prononce contre le préfet de l'Hérault une astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente décision jusqu'à la date à laquelle l'instruction précitée aura été menée à bien ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant que par une lettre du 13 juillet 1999, le préfet de l'Hérault informait le conseil de Mlle X d'une part que, sous réserve des conclusions de l'enquête préalable d'usage, il réserverait à sa demande de titre de séjour une suite favorable, d'autre part que dans l'attente de l'établissement d'un titre de séjour, un récépissé d'une durée de validité de trois mois serait remis à Mlle X ; qu'en jugeant, alors qu'il n'est pas contesté que l'enquête préalable n'a fait apparaître aucun élément nouveau susceptible de justifier un refus de titre de séjour, que la lettre du 13 juillet 1999 précitée ne constituait pas une décision créatrice de droits, le juge des référés a dénaturé les faits de l'espèce ; que son ordonnance doit, dès lors, être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par Mlle X ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Tout étranger doit, s'il séjourne en France et après l'expiration d'un délai de trois mois depuis son entrée sur le territoire français, être muni d'une carte de séjour délivrée dans les conditions prévues à la présente ordonnance (...)/ La carte de séjour peut provisoirement être remplacée par le récépissé de la demande de délivrance ou de renouvellement de ladite carte (...) ; que le premier alinéa de l'article 9 de la même ordonnance dispose que : Les étrangers en séjour en France, âgés de plus de dix-huit ans, doivent être titulaires d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de résident ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 3 du décret du 30 juin 1946 réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France : Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans, est tenu de se présenter à Paris à la préfecture de police et dans les autres départements à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de carte de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient (...)/ La demande doit être présentée par l'intéressé dans les deux mois de son entrée en France. S'il y séjournait déjà, il doit présenter sa demande : 1. (...) au plus tard, avant l'expiration de l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, si l'étranger peut obtenir de plein droit un titre de séjour en application soit de l'article 12 bis, soit des 2°, 5°, 10° ou 11° ou du dernier alinéa de l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 (...) ; que l'article 4 du même décret prévoit enfin que : Il est délivré à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de carte de séjour un récépissé valant autorisation de séjour pour la durée qu'il précise (...) ;

Considérant que Mlle X, née le 3 juillet 1980, de nationalité marocaine, est selon ses déclarations entrée en France en 1989 ; qu'il ressort des pièces du dossier que, dans le délai prévu par les dispositions précitées de l'article 3 du décret du 30 juin 1946, elle s'est présentée à la préfecture de l'Hérault pour y souscrire une première demande de titre de séjour ; que, par une lettre du 13 juillet 1999, le préfet lui a fait savoir qu'il lui avait paru possible d'accueillir sa demande, que, sous réserve des vérifications d'usage, un titre de séjour temporaire lui serait prochainement délivré et que, dans l'attente de l'établissement de ce titre, un récépissé d'une durée de validité de trois mois lui serait remis ; que, malgré plusieurs relances de l'intéressée, ni le titre de séjour ni même le récépissé ne lui ont été délivrés ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et du décret du 30 juin 1946 que l'étranger qui sollicite pour la première fois la délivrance d'un titre de séjour a le droit, s'il a déposé un dossier complet, d'obtenir un récépissé de sa demande qui vaut autorisation provisoire de séjour ; qu'il n'est pas soutenu par le ministre de l'intérieur que le dossier de demande présenté par Mlle X n'était pas complet ;

Considérant, ainsi qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, qu'un délai de 3 ans et 6 mois s'est écoulé depuis que l'administration a fait savoir à Mlle X qu'elle avait droit à un titre de séjour et qu'un récépissé allait lui être remis et qu'il n'a été donné aucune suite à la décision ainsi prise ; que ce retard n'est pas imputable à Mlle X qui a présenté sa demande de titre de séjour avant l'expiration de l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, comme l'exige l'article 3 précité du décret du 30 juin 1946 ; que la prolongation pendant une durée anormalement longue de la situation précaire ainsi imposée à Mlle X crée une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;

Considérant que Mlle X qui a d'abord séjourné régulièrement en France en qualité d'enfant mineur d'un étranger titulaire d'une carte de résident puis a demandé, dans le délai prévu par le décret du 30 juin 1946, la délivrance d'un titre de séjour, n'a pas cessé d'être en situation régulière ; qu'en la privant de tout document lui permettant d'établir la régularité de sa situation, l'administration a porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs des libertés fondamentales reconnues aux étrangers en situation régulière et notamment à sa liberté d'aller et venir ;

Considérant, par suite, qu'il y a lieu, d'une part, de prescrire au préfet de l'Hérault de délivrer à Mlle X, dès la notification de la présente décision, un récépissé de sa demande de titre de séjour et d'achever, dans un délai de quinze jours à compter de la même date, l'instruction de la demande précitée et, d'autre part, d'assortir cette injonction d'une astreinte de 150 euros par jour de retard ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à Mlle X la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 16 août 2002 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à Mlle X, dès la notification de la présente décision, un récépissé de demande de titre de séjour et d'achever l'instruction de sa demande de titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la même date, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Article 3 : L'Etat versera à Mlle X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mlle Drissia X, au préfet de l'Hérault et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 8ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 250002
Date de la décision : 07/05/2003
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 mai. 2003, n° 250002
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme de Saint Pulgent
Rapporteur ?: M. Marc El Nouchi
Rapporteur public ?: M. Bachelier Gilles
Avocat(s) : SCP RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:250002.20030507
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