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28/05/2003 | FRANCE | N°247120

France | France, Conseil d'État, 1ere et 2eme sous-sections reunies, 28 mai 2003, 247120


Vu, avec les pièces qui y sont visées, l'arrêt du 28 février 2002, enregistré le 21 mai 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir annulé l'ordonnance du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Nantes du 12 août 1998, a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par le SYNDICAT NATIONAL DES INDUSTRIES DE LA BOULANGERIE, PATISSERIE ET FABRICATIONS ANNEXES, la SOCIETE LE FOURNIL DE SAINT-HERBLAIN ,

la SOCIETE BAMAS , la SOCIETE CROISSANTERIE NANTAISE et la SO...

Vu, avec les pièces qui y sont visées, l'arrêt du 28 février 2002, enregistré le 21 mai 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir annulé l'ordonnance du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Nantes du 12 août 1998, a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par le SYNDICAT NATIONAL DES INDUSTRIES DE LA BOULANGERIE, PATISSERIE ET FABRICATIONS ANNEXES, la SOCIETE LE FOURNIL DE SAINT-HERBLAIN , la SOCIETE BAMAS , la SOCIETE CROISSANTERIE NANTAISE et la SOCIETE ANGIBAUD-FRADET ;

Vu la demande, enregistrée le 9 décembre 1996 au greffe du tribunal administratif de Nantes, présentée pour le SYNDICAT NATIONAL DES INDUSTRIES DE LA BOULANGERIE, PATISSERIE ET FABRICATIONS ANNEXES, dont le siège est ..., la SOCIETE LE FOURNIL DE SAINT-HERBLAIN , dont le siège est ..., la SOCIETE BAMAS , dont le siège est ..., la SOCIETE CROISSANTERIE NANTAISE , dont le siège est ... et la SOCIETE ANGIBAUD-FRADET , dont le siège est ... ; le SYNDICAT NATIONAL DES INDUSTRIES DE LA BOULANGERIE, PATISSERIE ET FABRICATIONS ANNEXES et autres demandent l'annulation, d'une part, de la décision implicite par laquelle le ministre du travail a rejeté leur demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du 6 mars 1995 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a prescrit la fermeture un jour de la semaine des commerces de toute nature dans lesquels s'effectue la vente ou la distribution au public, de pains ou de produits frais panifiés et, d'autre part, de cet arrêté ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme de Clausade, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Gatineau, avocat du SYNDICAT NATIONAL DES INDUSTRIES DE LA BOULANGERIE, PATISSERIE ET FABRICATIONS ANNEXES et autres,

- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 221-17 du code du travail : Lorsqu'un accord est intervenu entre les syndicats d'employeurs et de travailleurs d'une profession et d'une région déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné au personnel suivant un des modes prévus par les articles précédents, le préfet du département peut, par arrêté, sur la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture au public des établissements de la profession ou de la région pendant toute la durée de ce repos. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux activités dont les modalités de fonctionnement et de paiement sont automatisées./ Toutefois, lorsque cet arrêté concerne des établissements concourant d'une façon directe au ravitaillement de la population en denrées alimentaires, il peut être abrogé ou modifié par le ministre chargé du travail. La décision du ministre ne peut intervenir qu'après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la mise en application de l'arrêté préfectoral ; elle doit être précédée de la consultation des organisations professionnelles intéressées ;

Considérant que, sur le fondement des dispositions précitées du premier alinéa de l'article L. 221-17 du code du travail, le préfet de la Loire-Atlantique a, par arrêté du 6 mars 1995, prescrit la fermeture un jour par semaine des boulangeries et boulangeries-pâtisseries de ce département ; que, sur le fondement des dispositions du second alinéa du même article, le SYNDICAT NATIONAL DES INDUSTRIES DE LA BOULANGERIE PATISSERIE ET FABRICATIONS ANNEXES et autres ont saisi le ministre du travail d'une demande d'abrogation de cet arrêté ; que, par un arrêt du 28 février 2002, la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir annulé pour incompétence l'ordonnance du 12 août 1998 du président de la première chambre du tribunal administratif de Nantes rejetant comme irrecevable la demande du SYNDICAT NATIONAL DES INDUSTRIES DE LA BOULANGERIE PATISSERIE ET FABRICATIONS ANNEXES et autres tendant à l'annulation, d'une part, de la décision implicite par laquelle le ministre du travail et des affaires sociales avait rejeté la demande d'abrogation de l'arrêté du 6 mars 1995, d'autre part, de cet arrêté, a transmis au Conseil d'Etat les conclusions dirigées contre la décision du ministre et, eu égard au lien de connexité, celles qui tendent à l'annulation de l'arrêté du préfet ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 6 mars 1995 :

Considérant que les dispositions précitées du premier alinéa de l'article L. 221-17 du code du travail n'ont pas pour effet de faire obstacle à la présentation dans les conditions de droit commun, avant l'expiration du délai de six mois qu'elles instituent, d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet ;

Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 6 mars 1995 a été régulièrement publié au bulletin officiel de la préfecture du mois de mai 1995 et affiché dans les mairies des communes intéressées, au plus tard au cours du même mois ; que les conclusions tendant à l'annulation de cette arrêté n'ont été enregistrées que le 9 décembre 1996 au greffe du tribunal administratif de Nantes, soit après l'expiration du délai de recours contentieux ; que, par suite, ces conclusions ne sont pas recevables ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision par laquelle le ministre du travail et des affaires sociales a rejeté la demande tendant à l'abrogation de l'arrêté préfectoral du 6 mars 1995, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à ces conclusions :

Considérant que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès sa signature, soit que l'illégalité résulte d'une situation de droit ou de fait postérieure à cette date ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le moyen tiré de ce que le secrétaire général de la préfecture de la Loire-Atlantique ne disposait pas d'une délégation publiée manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, que, pour l'application des dispositions de l'article L. 221-17 du code du travail donnant compétence au préfet pour ordonner la fermeture au public des établissements d'une profession déterminée pendant toute la durée du repos hebdomadaire, les boulangeries, boulangeries-pâtisseries et dépôts de pains constituent une même profession, quel que soit le mode de fabrication, artisanal ou industriel, des denrées vendues ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les boulangers industriels constituent une profession distincte et ne pouvaient, de ce fait, être inclus dans le champ de l'obligation de fermeture doit être écarté ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les boulangeries industrielles ne sauraient être regardées comme des activités dont les modalités de fonctionnement et de paiement sont automatisés , exclues de cette obligation par le premier alinéa de l'article L. 221-17 ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le SYNDICAT NATIONAL DE LA BOULANGERIE INDUSTRIELLE ET DES FABRICATIONS ANNEXES a été convié aux réunions qui ont permis la conclusion de l'accord du 26 janvier 1995 qui a précédé l'adoption de l'arrêté préfectoral litigieux ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que ce syndicat n'aurait pas été consulté manque en fait ; que, si les requérants soutiennent que la mesure de fermeture contestée a été décidée sans l'accord des syndicats représentant la profession de boulanger industriel, une telle circonstance n'est pas, par elle-même, de nature à établir que cette fermeture ne correspondrait pas à la volonté de la majorité indiscutable des établissements concernés ; qu'il en va de même de la circonstance que les boulangeries industrielles emploieraient 954 salariés dans le département de la Loire-Atlantique, alors au surplus qu'il ressort des pièces produites par les requérants eux-mêmes que ce nombre est très inférieur à celui des salariés employés dans les boulangeries artisanales de ce département ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une expertise sur la représentativité des syndicats signataires de l'accord, que la fermeture prévue par cet accord et décidée par le préfet de la Loire-Atlantique ne correspondait pas à la volonté de la majorité indiscutable des établissements qui, dans le département, exercent la profession constituée par les boulangeries, boulangeries-pâtisseries et dépôts de pains à laquelle s'applique l'arrêté ;

Considérant, en quatrième lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'obligation de fermeture édictée par l'arrêté attaqué n'est pas incompatible avec les stipulations de la convention collective des activités industrielles de boulangerie et pâtisserie prévoyant que le repos hebdomadaire, qu'elle fixe à deux jours, peut être donné par roulement ;

Considérant, en cinquième lieu, que, eu égard à la finalité des dispositions de l'article L. 221-17, qui visent à préserver la concurrence entre l'ensemble des établissements qui exercent la même profession, le moyen tiré de ce que l'arrêté ne pouvait viser les entreprises n'employant pas de salariés ne peut qu'être écarté ;

Considérant, enfin, qu'il ne résulte pas des dispositions précitées de l'article L. 221-17 du code du travail que le préfet serait tenu de fixer lui-même le jour de fermeture ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux ne pouvait légalement laisser au responsable de chaque établissement le choix du jour hebdomadaire de fermeture ne peut être accueilli ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre du travail et des affaires sociales a refusé d'abroger l'arrêté du 6 mars 1995 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a prescrit la fermeture un jour par semaine des boulangeries et boulangeries-pâtisseries de ce département ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer au SYNDICAT NATIONAL DE LA BOULANGERIE INDUSTRIELLE ET DES FABRICATIONS ANNEXES et autres la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du SYNDICAT NATIONAL DES INDUSTRIES DE LA BOULANGERIE, PATISSERIE ET FABRICATIONS ANNEXES et autres est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT NATIONAL DES INDUSTRIES DE LA BOULANGERIE, PATISSERIE ET FABRICATIONS ANNEXES, à la SOCIETE LE FOURNIL DE SAINT-HERBLAIN , à la SOCIETE BAMAS , à la SOCIETE CROISSANTERIE NANTAISE , à la SOCIETE ANGIBAUD-FRADET et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 1ere et 2eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 247120
Date de la décision : 28/05/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-03-02-02 TRAVAIL ET EMPLOI - CONDITIONS DE TRAVAIL - REPOS HEBDOMADAIRE - FERMETURE HEBDOMADAIRE DES ÉTABLISSEMENTS (ARTICLE L221-17 DU CODE DU TRAVAIL) - FERMETURE CORRESPONDANT À L'EXPRESSION DE LA VOLONTÉ DE LA MAJORITÉ DES ÉTABLISSEMENTS CONCERNÉS - CIRCONSTANCE SANS INFLUENCE - EXISTENCE - NOMBRE DE SALARIÉS EMPLOYÉS PAR UNE CATÉGORIE D'ÉTABLISSEMENTS.

66-03-02-02 Le nombre de salariés employés par une catégorie d'établissements est sans influence sur l'expression de la majorité des établissements concernés par la mesure prescrivant la fermeture des commerces un jour de la semaine.


Références :



Publications
Proposition de citation : CE, 28 mai. 2003, n° 247120
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Lasserre
Rapporteur ?: Mme Josseline de Clausade
Rapporteur public ?: Mlle Fombeur
Avocat(s) : SCP GATINEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:247120.20030528
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