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11/06/2003 | FRANCE | N°223404

France | France, Conseil d'État, 9eme et 10eme sous-sections reunies, 11 juin 2003, 223404


Vu le recours, enregistré le 21 juillet 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 16 mai 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, en réformant le jugement en date du 28 mars 1995 du tribunal administratif de Paris, a accordé à M. Guy X la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1984 et 1985 ;
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Vu les autres pièces du dossier ;

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Vu le recours, enregistré le 21 juillet 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 16 mai 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, en réformant le jugement en date du 28 mars 1995 du tribunal administratif de Paris, a accordé à M. Guy X la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1984 et 1985 ;

2°) de régler l'affaire au fond ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 ;

Vu la loi n° 92-1376 du 30 décembre 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Wauquiez-Motte, Auditeur,

- les observations de Me Blanc, avocat de M. Ayache,

- les conclusions de M. Vallée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Paris que M. X a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour son activité professionnelle au titre des années 1983 à 1985 et d'une vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble pour les années 1982 à 1985 ; qu'à l'issue de celles-ci, il a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu selon la procédure contradictoire, d'une part, et selon la procédure de taxation d'office pour des revenus d'origine indéterminée, d'autre part ; que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a été saisie au titre des seules années 1982 et 1983, l'administration fiscale ayant en revanche refusé de la saisir pour les années 1984 et 1985 ; que M. X a sollicité par voie contentieuse la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1982 à 1985 ; que la cour administrative d'appel de Paris a, par l'arrêt attaqué, fait partiellement droit à ses conclusions, en prononçant la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 1984 et 1985 au motif que la procédure de taxation d'office était entachée d'irrégularité ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du recours :

Considérant qu'aux termes de l'article 108 de la loi du 30 décembre 1992, portant loi de finances pour 1993, dont le I a été codifié à l'article L. 284 du livre des procédures fiscales : I. Sauf disposition contraire, les règles de procédure fiscale ne s'appliquent qu'aux formalités accomplies après leur date d'entrée en vigueur, quelle que soit la date de mise en recouvrement des impositions. II. Les dispositions du I s'appliquent aux formalités accomplies avant la publication de la présente loi ;

Considérant que l'article 9-V de la loi du 8 juillet 1987, entrée en vigueur le 11 juillet 1987, a complété le premier alinéa de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales par les dispositions suivantes : Lorsque le contribuable est taxé d'office en application de l'article L. 69, à l'issue d'un examen contradictoire de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut être saisie dans les conditions prévues à l'article L. 59 ; qu'aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : Lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis (...) de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (...) ;

Considérant que l'article 9-V précité a ouvert la possibilité pour le contribuable taxé d'office sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires en cas de désaccord persistant avec l'administration fiscale ; que cette nouvelle procédure suppose que la notification de redressement invite le contribuable à présenter d'éventuelles observations aux redressements notifiés, afin qu'il puisse, en cas de désaccord persistant, demander la saisine de la commission départementale ; que cette garantie de procédure introduite par la loi du 8 juillet 1987 constitue une formalité au sens de l'article 108 de la loi du 30 décembre 1992 ; que, dès lors, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit, en jugeant que la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires constituait une garantie de procédure n'entrant pas à ce titre dans le champ d'application de l'article 108 de la loi du 30 décembre 1992 ; que son arrêt doit être annulé, pour ce seul motif, en tant qu'il a prononcé la décharge des compléments d'impôts sur le revenu auxquels a été assujetti M. X au titre des années 1984 et 1985 ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2, premier alinéa, du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, l'administration peut taxer d'office un contribuable à l'impôt sur le revenu, si l'intéressé s'est abstenu de répondre aux demandes de justifications qui lui ont été adressées sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que l'administration a adressé le 24 mars 1987 à M. X des demandes de justifications de sommes portées au crédit de ses comptes bancaires en 1984 et en 1985 ; que M. X s'est abstenu de répondre à ces demandes ou n'a apporté que des réponses imprécises, sans les assortir d'éléments de justification ; que M. X n'a pas répondu aux demandes de précisions complémentaires adressées par l'administration le 7 mai 1987 ; que, contrairement à ce qu'il soutient, il se trouvait ainsi dans le cas où l'administration, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, pouvait taxer d'office les sommes pour lesquelles il n'avait pas répondu à ces demandes ;

Considérant, d'autre part, qu'il n'est pas contesté qu'à la date d'entrée en vigueur de la loi du 8 juillet 1987, une notification de revenus taxés d'office avait été régulièrement adressée à M. X conformément à la procédure alors en vigueur ; que les dispositions de l'article 108 de la loi du 30 décembre 1992 font donc obstacle à ce que les dispositions de l'article 9-V de la loi du 8 juillet 1987 soient applicables à la notification de redressement adressée à M. X ; que, dès lors, M. X n'est pas fondé à soutenir que la méconnaissance de la procédure instituée par l'article 9-V a entaché d'irrégularité la procédure de taxation d'office suivie à son encontre ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant que M. X fait état pour les années 1984 et 1985 de prêts familiaux ou amicaux pour justifier de différentes sommes enregistrées au crédit de ses comptes ; que, s'il a produit quelques attestations émanant des auteurs ou bénéficiaires des prêts allégués, celles-ci sont peu précises, sans date certaine et ne sont pas accompagnées d'éléments, tels que des justificatifs bancaires, permettant d'en vérifier l'exactitude ; qu'ainsi M. X n'apporte pas la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration pour les années 1984 et 1985 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a refusé de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1984 et 1985 ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1er et 2 de l'arrêt du 16 mai 2000 de la cour administrative d'appel de Paris sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la requête de M. X présentées devant la cour administrative d'appel de Paris et tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1984 et 1985 sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à M. Guy X.


Synthèse
Formation : 9eme et 10eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 223404
Date de la décision : 11/06/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01-02-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - CONTRÔLE FISCAL - VÉRIFICATION DE COMPTABILITÉ - GARANTIES ACCORDÉES AU CONTRIBUABLE - POSSIBILITÉ POUR LE CONTRIBUABLE TAXÉ D'OFFICE SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE L. 69 DU LPF DE SAISIR LA COMMISSION DÉPARTEMENTALE DES IMPÔTS EN CAS DE DÉSACCORD PERSISTANT AVEC L'ADMINISTRATION (ARTICLE 9-V DE LA LOI DU 8 JUILLET 1987, CODIFIÉ À L'ARTICLE L. 76 DU LPF) - FORMALITÉ AU SENS DE L'ARTICLE 108 DE LA LOI DU 30 DÉCEMBRE 1992 - EXISTENCE [RJ1].

19-01-03-01-02-03 Aux termes de l'article 108 de la loi du 30 décembre 1992, portant loi de finances pour 1993, dont le I a été codifié à l'article L. 284 du livre des procédures fiscales : I. Sauf disposition contraire, les règles de procédure fiscale ne s'appliquent qu'aux formalités accomplies après leur date d'entrée en vigueur, quelle que soit la date de mise en recouvrement des impositions. II. Les dispositions du I s'appliquent aux formalités accomplies avant la publication de la présente loi. L'article 9-V de la loi du 8 juillet 1987, entrée en vigueur le 11 juillet 1987, a complété le premier alinéa de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales par des dispositions qui ouvrent la possibilité pour le contribuable taxé d'office sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires en cas de désaccord persistant avec l'administration fiscale. Cette nouvelle procédure suppose que la notification de redressement invite le contribuable à présenter d'éventuelles observations aux redressements notifiés, afin qu'il puisse, en cas de désaccord persistant, demander la saisine de la commission départementale. Cette garantie de procédure introduite par la loi du 8 juillet 1987 constitue une formalité au sens de l'article 108 de la loi du 30 décembre 1992.


Références :

[RJ1]

Cf. sol. contr. 24 novembre 1997, Brun, p. 439.


Publications
Proposition de citation : CE, 11 jui. 2003, n° 223404
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Robineau
Rapporteur ?: M. Laurent Wauquiez-Motte
Rapporteur public ?: M. Vallée
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:223404.20030611
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