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11/06/2003 | FRANCE | N°251152

France | France, Conseil d'État, 9eme et 10eme sous-sections reunies, 11 juin 2003, 251152


Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 22 octobre 2002, l'ordonnance en date du 7 octobre 2002 par laquelle le président du tribunal administratif de Melun a transmis au Conseil d'Etat, en application des articles R. 311-1 et R. 351-2 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par M. X, demeurant ... ;

Vu ladite demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Melun le 30 septembre 2002 et tendant à ce que le tribunal annule l'arrêté du 29 juillet 2002 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie p

ortant concession de sa pension civile de retraite, en tant qu'i...

Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 22 octobre 2002, l'ordonnance en date du 7 octobre 2002 par laquelle le président du tribunal administratif de Melun a transmis au Conseil d'Etat, en application des articles R. 311-1 et R. 351-2 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par M. X, demeurant ... ;

Vu ladite demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Melun le 30 septembre 2002 et tendant à ce que le tribunal annule l'arrêté du 29 juillet 2002 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie portant concession de sa pension civile de retraite, en tant qu'il ne prend pas en compte les bonifications d'ancienneté mentionnées au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu le Traité sur l'Union européenne et les protocoles qui y sont annexés ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hourdin, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Vallée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne : 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail ; que les pensions servies par le régime français de retraite des fonctionnaires entrent dans le champ d'application de ces stipulations ; que, nonobstant les stipulations de l'article 6, paragraphe 3, de l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au traité sur l'Union européenne, le principe de l'égalité des rémunérations s'oppose à ce qu'une bonification, pour le calcul d'une pension de retraite, accordée aux personnes qui ont assuré l'éducation de leurs enfants, soit réservée aux femmes, alors que les hommes ayant assuré l'éducation de leurs enfants seraient exclus du bénéfice de cette mesure ;

Considérant que le b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite institue, pour le calcul de la pension, une bonification d'ancienneté d'un an par enfant dont il réserve le bénéfice aux femmes fonctionnaires ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'une telle disposition est incompatible avec le principe de l'égalité des rémunérations tel qu'il est affirmé par le traité instituant la Communauté européenne et par l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au Traité sur l'Union européenne ; qu'il suit de là qu'en tant qu'il ne prend pas en compte la bonification prévue par ce texte, alors même que M. X aurait, ainsi qu'il s'en prévaut, assuré l'éducation de deux de ses enfants, l'arrêté du 29 juillet 2002 portant concession à l'intéressé de sa pension militaire de retraite est entaché d'illégalité ; que, dès lors, M. X est fondé à demander pour ce motif l'annulation de l'arrêté attaqué, en tant qu'il lui a refusé le bénéfice de cette bonification ;

Considérant que le contentieux des pensions civiles et militaires de retraite est un contentieux de pleine juridiction ; qu'il appartient, dès lors, au juge saisi de se prononcer lui-même sur les droits des intéressés, sauf à renvoyer à l'administration compétente, et sous son autorité, le règlement de tel aspect du litige dans des conditions précises qu'il lui appartient de lui fixer ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que M. X a, comme il le fait valoir, assuré la charge et l'éducation de ses deux premiers enfants ; que dans la mesure où sont maintenues des dispositions plus favorables aux fonctionnaires de sexe féminin ayant assuré l'éducation de leurs enfants, en ce qui concerne la bonification d'ancienneté retenue pour le calcul de la pension civile de retraite, M. X a droit, ainsi qu'il a été dit plus haut, au bénéfice de la bonification prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite du chef de ses deux premiers enfants ; qu'il y a lieu, dès lors, de prescrire au ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire de modifier les conditions dans lesquelles la pension de M. X lui a été concédée et de revaloriser rétroactivement cette pension ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêté du 29 juillet 2002 concédant à M. X sa retraite est annulé en tant qu'il a refusé à l'intéressé, du chef de deux de ses enfants, le bénéfice de la bonification d'ancienneté d'un an par enfant.

Article 2 : Le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire modifiera en conséquence de l'article 1er de la présente décision les conditions dans lesquelles la pension de M. X lui a été concédée et revalorisera rétroactivement cette pension.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jacques X, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : 9eme et 10eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 251152
Date de la décision : 11/06/2003
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 11 jui. 2003, n° 251152
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Robineau
Rapporteur ?: M. Hourdin
Rapporteur public ?: M. Vallée

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:251152.20030611
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