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16/06/2003 | FRANCE | N°212134

France | France, Conseil d'État, 10eme et 9eme sous-sections reunies, 16 juin 2003, 212134


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 septembre 1999 et 10 janvier 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme René X, demeurant Avenue des Sapins à Donville-les-Bains (50350) ; M. et Mme X demandent que le Conseil d'Etat :

1°) annule l'arrêt du 8 juin 1999 de la cour administrative d'appel de Nantes, en tant qu'après avoir annulé l'article 4 du jugement du 18 octobre 1995 du tribunal administratif de Caen, et évoqué l'affaire, il a rejeté le surplus de leur requête tendant à la décharge des cotisatio

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 septembre 1999 et 10 janvier 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme René X, demeurant Avenue des Sapins à Donville-les-Bains (50350) ; M. et Mme X demandent que le Conseil d'Etat :

1°) annule l'arrêt du 8 juin 1999 de la cour administrative d'appel de Nantes, en tant qu'après avoir annulé l'article 4 du jugement du 18 octobre 1995 du tribunal administratif de Caen, et évoqué l'affaire, il a rejeté le surplus de leur requête tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et du prélèvement social de 1 % qui leur ont été réclamées au titre des années 1986 et 1987 ;

2°) leur accorde la décharge des impositions litigieuses ;

3°) condamne l'Etat à leur verser une somme de 14 000 F au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Salesse, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Brouchot, avocat M. et Mme X,

- les conclusions de Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le moyen tiré de ce que l'arrêt attaqué ne serait pas revêtu des signatures exigées par l'article R. 204 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors en vigueur manque en fait ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X a exercé, sous forme d'entreprise individuelle, une activité de négoce de matériaux de carrières et de location de matériel, de 1952 à novembre 1988 ; que cette entreprise a édifié des constructions sur des terrains dont certains appartenaient en propre à Mme X, séparée de biens de son époux ; que la valeur de ces constructions était inscrite à l'actif du bilan de l'entreprise jusqu'au 31 décembre 1986 ; que ces biens, terrains et constructions, ont fait l'objet d'une mesure d'expropriation par la commune de Donville-les-Bains ; que les indemnités correspondantes, fixées par un jugement du tribunal de grande instance de Coutances du 30 novembre 1984 et deux arrêts de la cour d'appel de Caen des 20 juillet 1987 et 3 septembre 1987, ont été versées en 1986 et 1987 ; qu'une notification de redressements a été adressée le 20 décembre 1989 à M. et Mme X les informant notamment que les plus-values afférentes aux immeubles figurant à l'actif de l'entreprise de M. X étaient imposables au titre des années 1986 et 1987 ; que les impositions supplémentaires correspondantes à l'impôt sur le revenu et au prélèvement social de 1 % dues au titres des années 1986 et 1987 ont été mises en recouvrement le 30 septembre 1990 ; que l'administration a rejeté les réclamations de M. et Mme X ;

Considérant qu'en jugeant que l'administration, dans la notification de redressements comme dans sa réponse aux observations du contribuable, a retenu le même motif d'imposition de la plus-value réalisée à l'occasion de l'expropriation des immeubles retirés de l'actif de l'entreprise, la cour administrative d'appel n'a ni commis d'erreur de droit ni dénaturé les faits de l'espèce ;

Considérant que les immeubles édifiés sur des terrains appartenant à Mme X par l'entreprise de M. NORAIS devaient être inscrits au bilan de celle-ci ; qu'en jugeant que la plus-value née de leur expropriation était une plus-value professionnelle, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant toutefois qu'il ressort des dispositions des articles 38, 39 duodecies, 39 quaterdecies et 39 quindecies du code général des impôts, dans leur rédaction applicable, que les plus-values dégagées à l'occasion de l'expropriation d'immeubles figurant à l'actif de l'entreprise sont passibles de l'impôt sur le revenu au titre de l'année au cours de laquelle la créance du contribuable est devenue certaine dans son principe et déterminée dans son montant par l'effet d'un jugement définitif rendu par le juge de l'expropriation et relatif au montant de l'indemnité d'expropriation ;

Considérant que l'indemnité d'expropriation accordée par le jugement du 30 novembre 1984 du tribunal de grande instance de Coutances ne pouvait être réduite dès lors que la commune de Donville-les-Bains n'a pas fait appel de ce jugement ; que l'appel de M. et Mme X n'était pas suspensif ; que la créance de M. et Mme X est donc devenue certaine dans son principe et déterminée dans son montant à la date à laquelle ce jugement a fixé leur indemnisation ; qu'ainsi, la plus-value née de cette indemnisation doit être regardée comme ayant été réalisée en 1984 ; qu'en jugeant que le fait générateur de cette plus-value a été la sortie des immeubles, en 1986, de l'actif de l'entreprise de M. X, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que, par suite, M. et Mme X sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en ce qui concerne la plus-value réalisée en 1984 imposée au titre de l'année 1986 ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler sur ce point l'affaire au fond ;

Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que M. X aurait dû, en 1984, sortir de son bilan les immeubles expropriés et y inscrire la créance née du jugement du tribunal de grande instance de Coutances ;

Considérant toutefois que les erreurs qui entachent un bilan et qui entraînent une sous-estimation de l'actif net de l'entreprise peuvent, à l'initiative du contribuable ou à celle de l'administration à la suite d'une vérification, être corrigées dans les bilans de clôture des exercices non couverts par la prescription ;

Considérant, ainsi qu'il a été dit précédemment, que le premier acte interruptif de l'exercice du droit de répétition est intervenu le 20 décembre 1989 ; que le premier exercice non prescrit est l'exercice 1986 ; que les erreurs susmentionnées pouvaient être corrigées dans le bilan de clôture de cet exercice alors que son bilan d'ouverture était intangible ; que le supplément d'actif net en résultant était imposable au titre de l'année 1986 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les erreurs qui avaient été commises dans l'assiette des impositions litigieuses ont été corrigées et que les immeubles inscrits à l'actif de l'entreprise de M. X n'ont pas fait l'objet d'une double imposition ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à demander la décharge de l'imposition litigieuse ;

Sur les conclusions de M. et Mme X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. et Mme X la somme que demandent ceux-ci au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 8 juin 1999 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. et Mme X relatives à l'année 1986.

Article 2 : Les conclusions de M. et Mme X relatives à l'année 1986 présentées devant la cour administrative d'appel de Nantes et le surplus des conclusions de leur requête devant le Conseil d'Etat sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme René X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 10eme et 9eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 212134
Date de la décision : 16/06/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-03-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - ÉVALUATION DE L'ACTIF - PLUS ET MOINS-VALUES DE CESSION - PLUS-VALUE RÉALISÉE À L'OCCASION DE L'EXPROPRIATION D'IMMEUBLES - FAIT GÉNÉRATEUR - JUGEMENT FIXANT LE MONTANT DE L'INDEMNITÉ D'EXPROPRIATION.

19-04-02-01-03-03 La plus-value née de l'indemnisation d'expropriation d'immeubles doit être regardée comme ayant été réalisée à la date du jugement fixant le montant de cette indemnité. Commet une erreur de droit la cour administrative d'appel qui juge que le fait générateur de cette plus-value a été la sortie des immeubles de l'actif de l'entreprise.


Références :



Publications
Proposition de citation : CE, 16 jui. 2003, n° 212134
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Yves Salesse
Rapporteur public ?: Mme Mitjavile
Avocat(s) : BROUCHOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:212134.20030616
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