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16/06/2003 | FRANCE | N°251114

France | France, Conseil d'État, 9eme sous-section jugeant seule, 16 juin 2003, 251114


Vu la requête, enregistrée le 21 octobre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 6 septembre 2002 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 27 février 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Ahou Béatrice Y..., épouse Y ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y..., épouse Y devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dos

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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés ...

Vu la requête, enregistrée le 21 octobre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 6 septembre 2002 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 27 février 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Ahou Béatrice Y..., épouse Y ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y..., épouse Y devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant signé à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Ménéménis, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Vallée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y..., épouse Y, de nationalité ivoirienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 19 juin 2001, de la décision du même jour du PREFET DE POLICE lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que, si Mme Y..., épouse Y fait valoir qu'elle est entrée en France en 1989 et y a continûment résidé jusqu'au début de l'année 1999, qu'après avoir brièvement quitté le territoire français en exécution d'un premier arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, elle a épousé un ressortissant togolais résidant régulièrement en France avec lequel elle vivait auparavant en concubinage et qu'un enfant est né de cette union en France en septembre 2000, de telles circonstances ne permettent pas de regarder l'arrêté du 27 février 2002 par lequel le PREFET DE POLICE a ordonné sa reconduite à la frontière comme portant au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et comme méconnaissant pour ce motif les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors notamment que Mme Y..., épouse Y, dont le mariage est récent et qui n'établit pas avoir vécu en concubinage avec son futur mari depuis 1995, peut prétendre au bénéfice d'une procédure de regroupement familial ; qu'ainsi, c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté attaqué ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Y..., épouse Y ;

Considérant, en premier lieu, que si Mme Y..., épouse Y soutient que la décision du 19 juin 2001 par laquelle le PREFET DE POLICE a refusé de lui délivrer un titre de séjour a été prise irrégulièrement faute d'une consultation préalable de la commission du titre de séjour, un tel moyen doit en tout état de cause être écarté dès lors que Mme Y..., épouse Y n'est pas recevable à contester, par la voie de l'exception, la décision, devenue définitive, du 19 juin 2001 ;

Considérant, en deuxième lieu que, par un arrêté du 11 juillet 2001, régulièrement publié le 20 juillet 2001 au Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, le PREFET DE POLICE a donné à M. X... délégation pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait ;

Considérant, en troisième lieu, que l'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;

Considérant, en quatrième lieu, que Mme Y..., épouse Y a, ainsi qu'il a été dit, quitté le territoire français au début de l'année 1999 et n'avait ainsi pas vécu habituellement pendant plus de dix ans en France à la date de l'arrêté attaqué ; que, dès lors, elle ne saurait se prévaloir des dispositions du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 à l'appui de sa demande d'annulation ;

Considérant, en cinquième lieu, que Mme Y..., épouse Y n'invoque aucune raison qui lui interdirait de poursuivre sa vie familiale ailleurs qu'en France et peut par ailleurs, ainsi qu'il a été dit, prétendre au bénéfice d'une procédure de regroupement familial ; que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme portant atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant de l'intéressée et comme méconnaissant, pour ce motif, les stipulations de l'article 3-I de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 27 février 2002 ;

Sur les conclusions de Mme Y..., épouse Y tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mme Y..., épouse Y la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris du 6 septembre 2002 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme Y..., épouse Y devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mme Ahou Béatrice Y..., épouse Y et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 16 jui. 2003, n° 251114
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Ménéménis
Rapporteur public ?: M. Vallée

Origine de la décision
Formation : 9eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 16/06/2003
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 251114
Numéro NOR : CETATEXT000008201661 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2003-06-16;251114 ?
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