La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/06/2003 | FRANCE | N°256657

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 23 juin 2003, 256657


Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme X... , demeurant ... ; Mme demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, la décision du 17 mars 2003 par laquelle le président de l'université Paris III a rejeté son recours gracieux formé contre la délibération du 17 janvier 2003 de la commission de spécialistes ne retenant pas sa candidature sur le poste n° 039 offert au concours au titre de la 14ème secti

on du conseil national des universités, d'autre part, le décret du 27 fé...

Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme X... , demeurant ... ; Mme demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, la décision du 17 mars 2003 par laquelle le président de l'université Paris III a rejeté son recours gracieux formé contre la délibération du 17 janvier 2003 de la commission de spécialistes ne retenant pas sa candidature sur le poste n° 039 offert au concours au titre de la 14ème section du conseil national des universités, d'autre part, le décret du 27 février 2003 portant nomination et titularisation de Mme Catherine épouse Y..., en qualité de professeur des universités à l'université Paris III au titre de la 14ème section ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient qu'il existe, en l'état de l'instruction, plusieurs moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées ; que le décret contesté, qui a un caractère rétroactif est illégal en tant qu'il prend effet au 1er janvier 2003 ; qu'il est entaché d'un vice de procédure, la nomination d'un professeur des universités par décret devant être précédé d'un arrêté ministériel portant déclaration de vacance d'emploi ; que la décision du président de l'université, qui avait pour seul objet de permettre la nomination de Mme épouse Y..., repose sur une motivation entachée d'une erreur de fait, la décision étant fondée sur le constat que l'expérience de Mme dans le domaine de l'enseignement du portugais n'apparaissait pas suffisamment dans son dossier de candidature, alors que, d'une part, celle-ci est parfaitement apte à enseigner dans ce domaine et que, d'autre part, le profil du poste à pourvoir n'était pas orienté sur l'enseignement du portugais ; qu'il est urgent de suspendre les décisions litigieuses eu égard au caractère grave et immédiat du préjudice causé par ces dernières à Mme qui souhaite depuis plusieurs années se rapprocher de son époux exerçant à Genève soit à quelques heures seulement de Paris, et qui, faute de suspension, perdrait le bénéfice des efforts mis en oeuvre pour obtenir ce poste ; qu'il existe, au surplus, un intérêt public à suspendre les décisions contestées eu égard à l'atteinte portée à l'autorité de la chose jugée consécutive à l'absence d'exécution correcte de l'arrêt du Conseil d'Etat en date du 18 octobre 2002 et au caractère patent des irrégularités invoquées ;

Vu le mémoire en défense, présenté par le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, enregistré le 5 juin 2003 ; le ministre de l'éducation nationale soutient que la condition d'urgence n'est pas caractérisée dès lors que le rapprochement des conjoints n'entre pas dans les critères d'appréciation pour le recrutement des enseignants-chercheurs, et que la suspension des deux décisions contestées serait sans effet sur la situation de la requérante ; que les décisions litigieuses, qui ne sont entachées d'aucune illégalité, ne préjudicient pas à un intérêt public ; qu'il n'existe, en l'état de l'instruction, aucun moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ; que la motivation de la délibération de la commission des spécialistes n'est pas entachée d'une erreur de fait dès lors que l'enseignement de la langue portugaise entrait bien dans le profil du poste à pourvoir ; que le décret du 27 février 2003, qui n'avait pas à être précédé d'un nouvel arrêté ministériel, n'est entaché d'aucun vice de procédure ; que le caractère rétroactif du décret n'affecte sa légalité qu'en tant qu'il prend effet à une date antérieure à sa signature ;

Vu le mémoire en défense, présenté pour l'université Paris III, enregistré le 11 juin 2003 ; l'université Paris III soutient que la condition d'urgence n'est pas caractérisée, l'exécution des décisions litigieuses ne constituant pas pour Mme , qui est professeur à l'université de Pérouse, un obstacle grave et immédiat à la poursuite de son activité professionnelle et ne la privant pas des avantages statutaires liés à son activité ; qu'en cas de nomination à Paris III, les règles statutaires de la fonction publique obligeraient Mme à résider à Paris, ce qui l'éloignerait de Genève où elle réside actuellement ; que la requérante ne peut valablement invoquer la perte du bénéfice des efforts mis en oeuvre pour sa candidature dans le cadre d'un concours sur titres et non sur épreuves ; que les décisions contestées ne préjudicient à aucun intérêt public mais qu'au contraire l'intérêt général tenant à la continuité du service public de l'enseignement supérieur fait obstacle à leur suspension ; qu'il n'existe, en l'état de l'instruction, aucun moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ; que l'université a correctement exécuté l'arrêt du Conseil d'Etat du 18 octobre 2002 ; que le décret du 27 février 2003 a bien été pris selon une procédure régulière ; que la commission des spécialistes n'a pas commis d'erreur de fait en estimant la requérante inapte à enseigner la langue portugaise, ni d'erreur de droit en jugeant que son expérience dans le domaine de l'enseignement du portugais n'apparaissait pas suffisamment dans son dossier de candidature, dès lors que le profil du poste à pourvoir impliquait l'enseignement de cette matière ;

Vu le mémoire en défense, présenté par Mme Catherine épouse Y..., enregistré le 12 juin 2003 ; Mme épouse Y... soutient que la condition d'urgence n'est pas caractérisée eu égard au caractère tardif des requêtes en annulation et en référé de Mme , à l'absence de gravité du préjudice causé par celles-ci et au caractère peu crédible de l'argumentation selon laquelle le poste convoité lui permettrait de se rapprocher de son époux ; que l'intérêt général tenant à la continuité de l'enseignement public supérieur fait obstacle à la suspension des décisions contestées ; qu'il n'existe, en l'état de l'instruction, aucun moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des deux décisions ; que le décret a été pris selon une procédure régulière ; que l'université a correctement déféré à l'injonction du Conseil d'Etat ; que la motivation de la commission des spécialistes n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation sur les mérites de Mme par rapport au profil du poste ;

Vu le mémoire en réplique, présenté par Mme , enregistré le 17 juin 2003 ; Mme reprend les mêmes conclusions par les mêmes moyens ;

Vu le nouveau mémoire, présenté par le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, enregistré le 18 juin 2003 ; le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche reprend les mêmes conclusions par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme X... , d'autre part, le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, l'université Paris III et Mme Catherine épouse Y... ;

Vu le procès verbal de l'audience publique du jeudi 19 juin 2003 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- la SCP Peignot et Garreau, avocat au Conseil d'Etat et à la cour de cassation, avocat de Mme ,

- la SCP Vier et Barthélemy, avocat au Conseil d'Etat et à la cour de cassation, avocat de l'université Paris III,

- Mme Catherine épouse Y...,

- le représentant de l'université Paris III,

- les représentants du ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche ;

Considérant que, par une décision en date du 18 octobre 2002, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé la délibération du 9 mai 2000 par laquelle la commission de spécialistes de l'université Paris III a rejeté la candidature de Mme , professeur des universités italiennes, à l'emploi de professeur des universités au titre de la section 14 du conseil national des universités, au motif qu'en entendant subordonner la nomination de l'intéressée à l'exercice préalable de fonctions enseignantes dans les universités françaises, la commission avait méconnu les stipulations de l'article 39 su traité instituant la Communauté européenne ; qu'il a, par voie de conséquence, annulé le décret du 28 mai 2001 nommant Mme , épouse Y..., à l'emploi auquel postulait Mme ; qu'il a, enfin, enjoint à l'université Paris III de procéder, dans le délai de deux mois, à un nouvel examen de la question du recrutement d'un professeur sur le poste 039 de la section 14 du conseil national des universités ;

Considérant qu'à la suite de cette décision contentieuse, la commission de spécialistes, réunie le 28 novembre 2002, s'est prononcée à nouveau sur la candidature de Mme et a décidé de la rejeter au motif que le dossier de cette dernière ne faisait pas apparaître son expérience dans le domaine de l'enseignement du portugais ; que cette décision, confirmée le 17 janvier 2003, a fait l'objet d'un recours gracieux présenté par la requérante auprès du président de l'université, qui l'a rejeté le 17 mars 2003 ; que, par un décret en date du 27 février 2003, Mme , épouse Y..., a été nommée en qualité de professeur des universités sur le poste 039 de la section 14 du conseil supérieur des universités ; que Mme demande la suspension d'une part, de la décision du 17 mars 2003, d'autre part, du décret du 27 février 2003 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant que si Mme fait valoir que le rejet de sa candidature à l'emploi de professeur pour lequel elle postulait à l'université Paris III compromet son souhait d'obtenir un poste plus proche de Genève, où elle réside avec son mari, que ne l'est Pérouse, en Italie, où elle enseigne actuellement, cette circonstance n'est pas de nature à caractériser une atteinte grave et immédiate à ses intérêts ; que les efforts dont elle se prévaut, déployés à nouveau, après l'annulation de la décision écartant en mai 2000 sa première candidature, pour constituer son dossier ne sont pas tels, s'agissant d'un concours sur titres, qu'ils puissent être regardés comme justifiant une situation d'urgence ; que si Mme invoque enfin l'intérêt public qui s'attache à ce que la décision du Conseil d'Etat du 18 octobre 2002 soit pleinement exécutée dans le délai imparti par l'injonction dont elle était assortie, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un tel intérêt public, à supposer qu'il puisse être pris en compte au titre de l'urgence, ait été méconnu ; que, dans ces conditions, Mme ne justifie pas de l'urgence à suspendre les deux décisions qu'elle conteste ; que l'une des deux conditions exigées par les dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'étant pas remplie, il y a lieu de rejeter sa requête ainsi que ses conclusions fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête de Mme est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme X... , au ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, à l'université Paris III et à Mme Catherine épouse Y....


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 23 jui. 2003, n° 256657
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Lasserre
Rapporteur ?: M. Lasserre

Origine de la décision
Formation : Juge des referes
Date de la décision : 23/06/2003
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 256657
Numéro NOR : CETATEXT000008202837 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2003-06-23;256657 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award