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25/06/2003 | FRANCE | N°233119

France | France, Conseil d'État, 3eme et 8eme sous-sections reunies, 25 juin 2003, 233119


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 avril 2001 et 31 août 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE SAILLAGOUSE, représentée par son maire en exercice domicilié en cette qualité à l'Hôtel de ville de Saillagouse (66800) ; la COMMUNE DE SAILLAGOUSE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 21 décembre 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du 21 mars 1997 du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté du 17 juillet 1992 du maire de S

aillagouse accordant un permis de construire à la société civile immobili...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 avril 2001 et 31 août 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE SAILLAGOUSE, représentée par son maire en exercice domicilié en cette qualité à l'Hôtel de ville de Saillagouse (66800) ; la COMMUNE DE SAILLAGOUSE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 21 décembre 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du 21 mars 1997 du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté du 17 juillet 1992 du maire de Saillagouse accordant un permis de construire à la société civile immobilière Les Isards ;

2°) de condamner la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement catalan et l'association Cerdagne notre terre à lui payer la somme de 30 000 F (4 573,47 euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi n° 95-101 du 2 février 1995 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Verclytte, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la COMMUNE DE SAILLAGOUSE et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement catalan et de l'association Cerdagne notre terre,

- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le maire de Saillagouse a délivré le 17 juillet 1992 à la SCI Les Isards le permis de construire un hangar à usage artisanal ; que Mme X..., la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement catalan et l'association Cerdagne notre terre ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir ce permis de construire ; que le tribunal administratif a rejeté leur demande par un jugement en date du 21 mars 1997 ; que la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement catalan et l'association Cerdagne notre terre ont fait appel de ce jugement ; que par un arrêt en date du 21 décembre 2000, la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif, a annulé le permis de construire ; que la COMMUNE DE SAILLAGOUSE se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que le juge d'appel, auquel est déféré un jugement ayant rejeté au fond des conclusions sans que le juge de première instance ait eu besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées devant lui, ne peut faire droit à ces conclusions qu'après avoir écarté expressément ces fins de non-recevoir, alors même que le défendeur, sans pour autant les abandonner, ne les aurait pas reprises en appel ;

Considérant qu'il ressort des pièces soumises aux juges du fond que la COMMUNE DE SAILLAGOUSE avait opposé devant le tribunal administratif plusieurs fins de non recevoir, dont l'une était tirée de ce que le président de la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement catalan n'avait pas été habilité à agir dans l'instance et l'autre était fondée sur ce que la demande de l'association Cerdagne notre terre avait été présentée après l'expiration du délai de recours contentieux ; que la cour administrative d'appel, en faisant droit aux conclusions des deux associations sans avoir au préalable écarté expressément ces fins de non recevoir qui, même non reprises en appel, n'avaient pas été abandonnées par la commune, a méconnu son office ; que son arrêt doit, pour ce motif, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur les fins de non-recevoir opposées en première instance et en appel par la COMMUNE DE SAILLAGOUSE :

En ce qui concerne les conclusions de la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement catalan :

Considérant qu'il résulte de l'article 2 des statuts de la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement catalan que cette association a pour objet la connaissance, la défense et la gestion éventuelle du patrimoine architectural, des sites, des espaces et milieux naturels régionaux ainsi que la défense et la mise en valeur de l'environnement catalan pris dans tous ses aspects, naturels et écologiques, culturels ou sportifs, ruraux ou urbains, sociaux ou économiques ; que ces dispositions donnent pour objet à la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement catalan de défendre les sites et le cadre de vie dans l'ensemble du département des Pyrénées-Orientales ; qu'eu égard à cet objet statutaire, l'association ne justifiait pas, à la date d'introduction de sa demande, d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation d'un permis de construire délivré en vue de permettre l'édification d'un hangar sur le territoire d'une commune du département ;

Considérant, toutefois, que postérieurement à l'introduction de sa demande, la fédération a été agréée par le préfet des Pyrénées-Orientales sur le fondement des dispositions de l'article L. 242-1 du code de l'environnement, qui permettent à toute association agréée par le préfet pour la protection de l'environnement de contester tout acte ayant des effets sur tout ou partie du territoire pour lequel elle a reçu l'agrément ; qu'elle peut se prévaloir de cet agrément pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour contester le permis litigieux ; qu'il ressort des statuts de cette association que son président avait qualité pour introduire en son nom la demande présentée devant le tribunal administratif de Montpellier ;

Considérant que par suite, les fins de non-recevoir opposées aux conclusions de la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement catalan doivent être écartées ;

En ce qui concerne les conclusions de l'association Cerdagne notre terre :

Considérant que la circonstance, à la supposer établie, que l'association Cerdagne notre terre n'aurait pas été déclarée est sans influence sur la capacité de cette association à contester par la voie du recours pour excès de pouvoir toute décision portant atteinte aux intérêts qu'elle entend défendre ; que si la commune soutient que l'association Cerdagne notre terre a en réalité pour unique objet de permettre la présentation des demandes contentieuses préparées par sa présidente, elle n'apporte aucun élément à l'appui de cette allégation ; qu'il résulte de l'article 2 des statuts de cette association qu'elle a notamment pour objet de défendre le site de la Cerdagne, la géophysique externe et interne de son environnement, sa qualité de vie ; qu'eu égard à ces dispositions, l'association justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation d'un permis de construire destiné à permettre l'édification d'un bâtiment sur le territoire d'une commune de la Cerdagne ; que l'article R. 490-7 du code de l'urbanisme dispose que le délai de recours contentieux contre un permis de construire court à l'égard des tiers à compter de la plus tardive des deux dates définies par cet article, à savoir le jour de l'affichage sur le terrain et le jour de l'affichage en mairie ; que l'affichage en mairie du permis litigieux, faute d'avoir précisé l'adresse du terrain d'assiette, n'a pas pu faire courir le délai de recours contre ce permis de construire ; que par suite, les fins de non-recevoir opposées aux conclusions de l'association Cerdagne notre terre doivent être écartées ;

Sur la légalité du permis de construire attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme, applicable dans la COMMUNE DE SAILLAGOUSE, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : (...) II. Les documents et décisions relatifs à l'occupation des sols comportent les dispositions propres à préserver les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard./ III. L'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs et villages existants, sauf si le respect des dispositions prévues aux I et II ci-dessus ou la protection contre les risques naturels imposent la délivrance de hameaux nouveaux intégrés à l'environnement (...) ;

Considérant que le terrain d'assiette du projet litigieux est situé à plus de six cent mètres de l'agglomération de Saillagouse, dont il est séparé par des terres à usage agricole ; que la circonstance que plusieurs bâtiments à usage industriel et commercial soient construits à proximité ne permet pas de regarder ce bâtiment comme inséré dans une zone urbanisée ; que dès lors, le permis de construire litigieux autorise une construction qui n'est pas en continuité avec le village de Saillagouse ; que ce permis méconnaît, par suite, les dispositions du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme précité ;

Considérant, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, qu'aucun autre moyen n'est de nature à justifier l'annulation du permis de construire attaqué ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement catalan et l'association Cerdagne notre terre sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement catalan et l'association Cerdagne notre terre qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soit condamnées à payer à la COMMUNE DE SAILLAGOUSE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la COMMUNE DE SAILLAGOUSE à payer à la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement catalan et à l'association Cerdagne notre terre la somme de 380 euros chacune ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 21 décembre 2000 de la cour administrative d'appel de Marseille, le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 mars 1997 et l'arrêté du maire de Saillagouse du 17 juillet 1992 sont annulés.

Article 2 : La COMMUNE DE SAILLAGOUSE versera la somme de 380 euros tant à la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement catalan qu'à l'association Cerdagne notre terre.

Article 3 : Les conclusions de la COMMUNE DE SAILLAGOUSE tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE SAILLAGOUSE, à la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement catalan, à l'association Cerdagne notre terre, à la SCI Les Isards et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.


Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - DEVOIRS DU JUGE - JUGEMENT DE PREMIÈRE INSTANCE AYANT REJETÉ AU FOND DES CONCLUSIONS ALORS QU'ÉTAIENT OPPOSÉES EN DÉFENSE DES FINS DE NON RECEVOIR - OBLIGATION POUR LE JUGE D'APPEL D'ÉCARTER CES FINS DE NON RECEVOIR AVANT DE FAIRE DROIT AUX CONCLUSIONS - EXCEPTION - FINS DE NON RECEVOIR EXPRESSÉMENT ABANDONNÉES [RJ1].

54-07-01-07 Le juge d'appel, auquel est déféré un jugement ayant rejeté au fond des conclusions sans que le juge de première instance ait eu besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées devant lui, ne peut faire droit à ces conclusions qu'après avoir écarté expressément ces fins de non-recevoir, alors même que le défendeur, sans pour autant les abandonner, ne les aurait pas reprises en appel.

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - OBLIGATIONS DU JUGE D'APPEL - JUGEMENT DE PREMIÈRE INSTANCE AYANT REJETÉ AU FOND DES CONCLUSIONS ALORS QU'ÉTAIENT OPPOSÉES EN DÉFENSE DES FINS DE NON RECEVOIR - OBLIGATION D'ÉCARTER CES FINS DE NON RECEVOIR AVANT DE FAIRE DROIT AUX CONCLUSIONS - EXCEPTION - FINS DE NON RECEVOIR EXPRESSÉMENT ABANDONNÉES [RJ1].

54-08-01 Le juge d'appel, auquel est déféré un jugement ayant rejeté au fond des conclusions sans que le juge de première instance ait eu besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées devant lui, ne peut faire droit à ces conclusions qu'après avoir écarté expressément ces fins de non-recevoir, alors même que le défendeur, sans pour autant les abandonner, ne les aurait pas reprises en appel.

URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - QUALITÉ POUR CONTESTER LE PERMIS DE CONSTRUIRE UN BÂTIMENT DANS UNE COMMUNE DU DÉPARTEMENT - A) ABSENCE - ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT DONT L'OBJET S'ÉTEND À L'ENSEMBLE DU DÉPARTEMENT [RJ2] - B) EXISTENCE - AGRÉMENT DE CETTE ASSOCIATION PAR LE PRÉFET (ARTICLE L - 242-1 DU CODE DE L'ENVIRONNEMENT) POSTÉRIEUREMENT À L'INTRODUCTION DE L'INSTANCE [RJ3].

68-06-01 a) Une association pour la protection de l'environnement dont l'objet consiste à défendre les sites et le cadre de vie dans l'ensemble d'un département ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation d'un permis de construire délivré en vue de permettre l'édification d'un bâtiment sur le territoire d'une commune du département.,,b) Postérieurement à l'introduction de sa demande, l'association a été agréée par le représentant de l'Etat dans le département sur le fondement des dispositions de l'article L. 242-1 du code de l'environnement, qui permettent à toute association agréée par le préfet pour la protection de l'environnement de contester tout acte ayant des effets sur tout ou partie du territoire pour lequel elle a reçu l'agrément. Elle peut se prévaloir de cet agrément pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour contester le permis litigieux.


Références :

[RJ1]

Cf. Assemblée, 12 janvier 1968, Entente mutualiste de la Porte Océane, p. 40 ;

Rappr. 28 novembre 1956, Dame Schuhl, p. 450 ;

20 novembre 1968, Commissaire du gouvernement près la commission régionale des dommages de guerre de Lille c/ Sieur Vandele, p. 582 ;

19 février 1975, Préfet de la Martinique, p. 143 ;

Comp. 28 janvier 1987, Comité de défense des espaces verts, p. 20.,,

[RJ2]

Cf. 9 décembre 1996, Assaupamar, p. 479,,

[RJ3]

Rappr. Assemblée, 1er avril 1938, Société L'alcool dénaturé de Coubert et Legrand, p. 337.


Publications
Proposition de citation: CE, 25 jui. 2003, n° 233119
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Lasserre
Rapporteur ?: M. Stéphane Verclytte
Rapporteur public ?: M. Austry
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Formation : 3eme et 8eme sous-sections reunies
Date de la décision : 25/06/2003
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 233119
Numéro NOR : CETATEXT000008183604 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2003-06-25;233119 ?
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