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25/06/2003 | FRANCE | N°240817

France | France, Conseil d'État, 3eme et 8eme sous-sections reunies, 25 juin 2003, 240817


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 décembre 2001 et 8 avril 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mlle Sophie X, demeurant ... ; Mlle X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler un arrêt du 11 octobre 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 1er mars 2000 du tribunal administratif de Paris et rejeter la contestation qu'elle a formulé à la suite de trois avis à tiers détenteur décernés le 3 avril 1995 à l'encontre de Mme Dominique Correia née de Bejarry, par le com

ptable du Trésor de Puteaux pour avoir paiement d'une somme de 666 622 F...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 décembre 2001 et 8 avril 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mlle Sophie X, demeurant ... ; Mlle X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler un arrêt du 11 octobre 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 1er mars 2000 du tribunal administratif de Paris et rejeter la contestation qu'elle a formulé à la suite de trois avis à tiers détenteur décernés le 3 avril 1995 à l'encontre de Mme Dominique Correia née de Bejarry, par le comptable du Trésor de Puteaux pour avoir paiement d'une somme de 666 622 F se rapportant à des impositions à l'impôt sur revenu établies au nom de M. et Mme Charles Correia au titre des années 1981, 1982 et 1984 augmentées de la majoration de retard de 10 % et des frais de poursuites et déclarant également irrecevable par le même arrêt la demande de la requérante tendant à la restitution d'une somme de 64 536,13 F versée par l'administrateur de la succession X ;

2°) statuant au fond, de la décharger de l'obligation de payer la somme de 666 622 F et d'ordonner la restitution des versements effectués à concurrence de 64 536,13 F ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Boulard, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Richard, Mandelkern, avocat de Mlle Sophie X,

- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que des cotisations à l'impôt sur le revenu au titre des années 1981, 1982 et 1984 ont été mises en recouvrement le 31 octobre 1987 au nom de M. et Mme Charles Correia pour un montant de 666 622 F ; qu'à la suite du décès de M. Charles Correia survenu le 3 février 1988, le comptable du Trésor a décerné le 17 novembre 1988 un avis à tiers détenteur à l'administrateur de la succession X pour la totalité de l'imposition mis en recouvrement ; que ne parvenant pas à obtenir le paiement de l'impôt de la part de la succession, il a décerné le 3 avril 1995 trois avis à tiers détenteur à l'encontre de Mme de Bejarry, veuve de M. Correia co-débitrice dudit impôt ; que l'administrateur de la succession X a versé au Trésor le 13 avril 1995 une somme de 64 536 13 F correspondant au solde créditeur du compte qu'il gérait en tant qu'administrateur de cette succession ; que Mlle Sophie X, fille de M. Charles Correia, a contesté devant le tribunal administratif de Paris les avis à tiers détenteur du 3 avril 1995 en soutenant qu'ils portaient sur des sommes qui avaient cessé d'être exigibles en application de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales et a demandé la restitution de la somme de 64 536 13 F versée par l'administrateur de la succession ; qu'elle se pourvoit contre un arrêt du 11 octobre 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 1er mars 2000 et évoqué, a rejeté comme irrecevable sa contestation des trois avis à tiers détenteur du 3 avril 1995 ainsi que sa demande en restitution ;

Considérant qu'en application de l'article 870 du code civil, Mlle X était tenue, à proportion de ses droits dans la succession de son père, de contribuer au paiement des impôts susmentionnés mis à la charge de M. Charles Correia ; qu'elle était donc au nombre des ayants cause contre lesquels les rôles concernés étaient exécutoires en vertu de l'article 1682 du code général des impôts ; qu'elle avait ainsi, en tant que codébitrice partielle de ces impôts, qualité pour contester les actes de poursuite effectués à l'encontre de Mme de Bejarry sa belle-mère, codébitrice solidaire des mêmes impôts pour l'intégralité de leur montant en vertu de l'article 1685 du code général des impôts ; que la cour administrative d'appel de Paris a donc commis une erreur de droit en lui déniant cette qualité ; que son arrêt doit être annulé en tant qu'il a rejeté la demande en décharge de l'obligation de payer de Mlle X ;

Considérant en revanche que la recevabilité du recours de plein contentieux par lequel la personne qui a été conduite à payer indûment l'impôt dû par un tiers peut en demander la restitution est subordonnée à la condition que la personne qui a effectué le versement ne soit ni débitrice ni susceptible de voir sa responsabilité solidaire mise en ouvre pour le paiement de l'impôt ; que Mlle X est solidairement responsable du paiement de l'impôt sur le revenu de M. et Mme Charles Correia pour la fraction correspondant à la quote-part de ses droits dans la succession X ; que par suite la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que Mlle X n'était pas recevable à demander la restitution de la somme versée au Trésor par l'administrateur de la succession de M. Charles Correia ; que les conclusions de la requête concernant cette partie de l'arrêt attaqué doivent donc être rejetées ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative de régler l'affaire au fond sur la contestation de l'obligation de payer les impositions visées par les avis à tiers détenteur du 3 avril 1995 ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. / Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous les actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que si l'échange de lettres, intervenu entre le comptable du Trésor et les avocats des héritiers de la succession X au cours des mois de septembre et novembre 1990, comportait une reconnaissance de la dette fiscale litigieuse de nature à interrompre la prescription et que si, à compter de novembre 1990 un nouveau délai de quatre ans a été ainsi ouvert à l'action en recouvrement, l'administration n'invoque aucun acte postérieur à novembre 1990 susceptible d'interrompre la prescription acquise à compter de décembre 1994 ; que par suite Mlle X est fondée à soutenir que l'action en recouvrement était prescrite le 3 avril 1995, date à laquelle les avis à tiers détenteur ont été décernés, et à demander leur annulation en tant qu'ils concernent la fraction d'imposition sur le revenu dont elle est débitrice solidaire en sa qualité d'héritière de la succession X ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 761 du code de justice administrative, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à Mlle X la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il a déclaré irrecevable la demande de Mlle X tendant à la décharge de l'obligation de payer les impositions visées par les avis à tiers détenteur du 3 avril 1995.

Article 2 : Mlle X déchargée de l'obligation de payer les sommes visées par les avis à tiers détenteurs du 3 avril 1995 en tant qu'ils concernent la fraction de l'imposition sur le revenu mis en recouvrement le 31 octobre 1987 dont Mlle X est débitrice solidaire en qualité d'héritière de la succession X.

Article 3 : L'Etat versera à Mlle X la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mlle X est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mlle Sophie X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 3eme et 8eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 240817
Date de la décision : 25/06/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RECOUVREMENT - ACTION EN RECOUVREMENT - ACTES DE POURSUITE - ACTES EFFECTUÉS À L'ENCONTRE DU CONJOINT SURVIVANT - CONTENTIEUX - INTÉRÊT À AGIR - EXISTENCE - AUTRES HÉRITIERS.

19-01-05-01-03 En application de l'article 870 du code civil, un héritier est tenu, à proportion de ses droits dans la succession, de contribuer au paiement des impôts mis à la charge du défunt. Il est donc au nombre des ayants cause contre lesquels les rôles concernés sont exécutoires en vertu de l'article 1682 du code général des impôts. Il a ainsi, en tant que codébiteur partiel de ces impôts, qualité pour contester les actes de poursuite effectués à l'encontre du conjoint survivant, codébiteur solidaire des mêmes impôts pour l'intégralité de leur montant en vertu de l'article 1685 du code général des impôts.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - DEMANDES ET OPPOSITIONS DEVANT LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF - DEMANDE EN RESTITUTION - IMPÔTS PAYÉS ALORS QU'ILS ÉTAIENT DUS PAR UN TIERS - RECEVABILITÉ - CONDITIONS - REQUÉRANT NON DÉBITEUR DE L'IMPÔT NI SUSCEPTIBLE DE VOIR SA RESPONSABILITÉ SOLIDAIRE MISE EN ŒUVRE POUR LE PAIEMENT.

19-02-03 La recevabilité du recours de plein contentieux par lequel la personne qui a été conduite à payer indûment l'impôt dû par un tiers peut en demander la restitution est subordonnée à la condition que la personne qui a effectué le versement ne soit ni débitrice ni susceptible de voir sa responsabilité solidaire mise en oeuvre pour le paiement de l'impôt.


Références :



Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2003, n° 240817
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Lasserre
Rapporteur ?: M. Jean-Claude Boulard
Rapporteur public ?: M. Austry
Avocat(s) : SCP RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:240817.20030625
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