Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 15 octobre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 27 février 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Kamal X ;
2°) de rejeter la demande de M. X devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45 ;2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Courrèges, Auditeur,
- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : « Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au ;delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité marocaine, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 13 juillet 2001, de la décision du même jour du PREFET DE POLICE lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il se trouvait ainsi dans un des cas où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant toutefois qu'il résulte des dispositions combinées du 11° de l'article 12 bis et du 8° de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée qu'un étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, ne peut faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'en l'espèce, M. X fait valoir qu'entré en France en décembre 1999, il suit depuis janvier 2000 une hormonothérapie féminisante préparatoire à une intervention chirurgicale dont l'interruption pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'à l'appui de ses affirmations, il produit des pièces, notamment des certificats médicaux circonstanciés, faisant état de changements physiques importants et de troubles de l'identité sexuelle ayant été à l'origine d'épisodes dépressifs graves ; que, toutefois, l'état du dossier ne permet pas au Conseil d'Etat d'apprécier la réalité et l'importance des troubles invoqués par M. X, l'état d'avancement du traitement hormonal suivi, ainsi que la nature et la gravité des risques pour la santé de l'intéressé liés à une éventuelle interruption de ce traitement ; que, dès lors, il y a lieu, avant de statuer sur la requête du PREFET DE POLICE, d'ordonner une expertise sur ces points ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête du PREFET DE POLICE, procédé par un expert unique, désigné par le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, à une expertise avec mission pour l'expert de fournir tous éléments médicaux de nature à permettre au Conseil d'Etat d'apprécier la réalité et l'importance des troubles invoqués par M. X, l'état d'avancement du traitement hormonal suivi et la nature et la gravité des risques pour la santé de l'intéressé liés à une éventuelle interruption de ce traitement.
Article 2 : L'expert prêtera serment par écrit ou devant le secrétaire du contentieux du Conseil d'Etat ; le rapport d'expertise sera déposé au secrétariat du contentieux dans le délai de quatre mois suivant la prestation de serment.
Article 3 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Kamal X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.