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09/07/2003 | FRANCE | N°247678

France | France, Conseil d'État, 7eme sous-section jugeant seule, 09 juillet 2003, 247678


Vu la requête, enregistrée le 7 juin 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 9 avril 2002 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris qui a annulé son arrêté du 4 décembre 2001 décidant la reconduite à la frontière de Mme Guadalupe X, épouse Igouzoul et fixant le pays de destination et a condamné l'Etat à verser à l'intéressée la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

2°) de rejeter la

demande présentée par Mme X devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les aut...

Vu la requête, enregistrée le 7 juin 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 9 avril 2002 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris qui a annulé son arrêté du 4 décembre 2001 décidant la reconduite à la frontière de Mme Guadalupe X, épouse Igouzoul et fixant le pays de destination et a condamné l'Etat à verser à l'intéressée la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Denis-Linton, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que pour annuler l'arrêté du 19 juillet 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X, le juge du fond a relevé qu'il était fondé sur un refus de titre de séjour qui méconnaissait l'article 12 bis 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : que si, pour écarter le moyen tiré de l'absence de consultation de la commission du titre de séjour prévu par l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le jugement indique que Mme X n'entre pas dans le champ d'application des articles 12 à 15 de la même ordonnance, ce motif qui est surabondant n'a pu déterminer le sens de la décision ; qu'ainsi le moyen tiré d'une contradiction de motifs de la décision attaquée doit être écarté ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêté (...) ;

Sur la légalité de l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, de nationalité philippine, s'est maintenue sur le territoire français après la notification, le 19 juillet 2001 de l'arrêté du même jour par lequel le PREFET DE POLICE lui a refusé un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et des libertés d'autrui ;

Considérant qu'à l'appui de l'exception d'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour, Mme X, née en 1964, fait valoir qu'elle est entrée en France en 1996 et qu'elle a vécu maritalement depuis son arrivée avec un ressortissant marocain titulaire d'une carte de résident avec lequel elle s'est mariée le 3 mars 2001 ; qu'il ressort des pièces du dossier que le motif invoqué par le PREFET DE POLICE selon lequel Mme X n'établit pas par des documents suffisamment probants l'ancienneté de sa communauté de vie avec M. Igouzoul est entaché d'une inexactitude matérielle ; que, toutefois, alors même que l'intéressée aurait vécu pendant cinq ans avec M. Igouzoul, compte tenu du caractère récent du mariage, de l'absence d'enfant, de ses attaches familiales aux Philippines où résident ses parents, de la durée et des conditions de son séjour en France et de la faculté dont dispose son mari de solliciter à son bénéfice, le regroupement familial, le refus de séjour qui lui a été opposé n'a pas porté dans les circonstances de l'espèce à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, c'est à tort que le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions de l'article 12 bis 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour déclarer illégal le refus de séjour opposé à Mme X ;

Considérant toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X devant le tribunal administratif de Paris ;

Sur l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour :

Considérant que M. Yves Nardin, attaché principal d'administration centrale, était titulaire d'une délégation de signature du préfet de police par un arrêté du 11 juillet 2001, publié le 20 juillet 2001, au bulletin municipal officiel de la ville de Paris à l'effet de signer notamment les décisions de refus de séjour ; qu'ainsi le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision, manque en fait ;

Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance de 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement qu'il s'agisse d'un arrêté d'expulsion pris selon la procédure normale ou d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à la frontière à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, Mme X n'établit pas qu'elle pouvait prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 12 bis 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;

Considérant que si l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée impose au préfet de consulter la commission du titre de séjour lorsqu'il envisage de délivrer ou de renouveler une carte de séjour à un étranger relevant de l'une ou l'autre des catégories mentionnées aux articles 12 bis à 15 de cette ordonnance, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme X, qui ne peut, ainsi qu'il a été dit précédemment, se prévaloir d'un droit au séjour au titre du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, appartienne à l'une de ces catégories ; qu'il en résulte que le moyen tiré de l'irrégularité de la décision de refus de séjour du PREFET DE POLICE faute d'avoir été précédée de la consultation de la commission du titre de séjour, doit être écarté ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le refus de séjour ne porte pas une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme X ; que dès lors et notamment eu égard aux effets d'une mesure de reconduite, l'arrêté de reconduite du 4 décembre 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de l'intéressé ne méconnaît ni l'article 12 bis 7° de l'ordonnance modifiée de 1945 ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement du 9 avril 2002 du président du tribunal administratif de Paris qui a annulé son arrêté du 4 décembre 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X ainsi que la décision du même jour fixant le pays à destination duquel ce dernier doit être reconduit ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante, soit condamné à payer à Mme X la somme qu'elle demande à ce titre ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du 9 avril 2002 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme X devant ce tribunal et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mme Guadalupe X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 7eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 247678
Date de la décision : 09/07/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 jui. 2003, n° 247678
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: Mme Denis-Linton
Rapporteur public ?: M. Piveteau

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:247678.20030709
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