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09/07/2003 | FRANCE | N°248828

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 09 juillet 2003, 248828


Vu la requête, enregistrée le 19 juillet 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE GENERALE DE BRASSERIE (SOGEBRA), dont le siège social est situé 19, rue des deux gares à Rueil-Malmaison cedex (92565), représentée par son directeur général en exercice ; la SOCIETE GENERALE DE BRASSERIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté sa demande tendant au retrait de la décision du 8 août 2001 par laquelle le minist

re a saisi le conseil de la concurrence de certaines acquisitions d'entr...

Vu la requête, enregistrée le 19 juillet 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE GENERALE DE BRASSERIE (SOGEBRA), dont le siège social est situé 19, rue des deux gares à Rueil-Malmaison cedex (92565), représentée par son directeur général en exercice ; la SOCIETE GENERALE DE BRASSERIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté sa demande tendant au retrait de la décision du 8 août 2001 par laquelle le ministre a saisi le conseil de la concurrence de certaines acquisitions d'entrepôts réalisées par la SOGEBRA entre 1997 et 2001 ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de retirer ladite saisine ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence ;

Vu la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques ;

Vu le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Robineau-Israël, Auditeur,

- les conclusions de M. Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SOCIETE GENERALE DE BRASSERIE (SOGEBRA) demande l'annulation de la décision implicite du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie rejetant sa demande tendant au retrait de la décision du 8 août 2001 par laquelle le ministre a saisi le conseil de la concurrence, sur le fondement de l'article L. 430-1 du code de commerce, de plusieurs acquisitions d'entrepôts réalisées par la SOGEBRA entre 1997 et 2001 ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 430-1 du titre III du livre IV du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : «Tout projet de concentration ou toute concentration de nature à porter atteinte à la concurrence notamment par création ou renforcement d'une position dominante peut être soumis, par le ministre chargé de l'économie, à l'avis du Conseil de la concurrence (...)» ; qu'aux termes de l'article L. 430-4 : «Le Conseil de la concurrence apprécie si le projet de concentration ou la concentration apporte au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence. Le conseil tient compte de la compétitivité des entreprises en cause au regard de la concurrence internationale» ; qu'aux termes de l'article L. 430-5 : «Le ministre chargé de l'économie et le ministre dont relève le secteur économique intéressé peuvent, à la suite de l'avis du Conseil de la concurrence, par arrêté motivé et en fixant un délai, enjoindre aux entreprises, soit de ne pas donner suite au projet de concentration ou de rétablir la situation de droit antérieure, soit de modifier ou compléter l'opération ou de prendre toute mesure propre à assurer ou à rétablir une concurrence suffisante./ Ils peuvent également subordonner la réalisation de l'opération à l'observation de prescriptions de nature à apporter au progrès économique et social une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence./ Ces injonctions et prescriptions s'imposent quelles que soient les stipulations des parties» ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 430-3 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques : L'opération de concentration doit être notifiée au ministre chargé de l'économie. Cette notification intervient lorsque la ou les parties concernées sont engagées de façon irrévocable (...) ; qu'aux termes de l'article L. 430-4 : La réalisation effective d'une opération de concentration ne peut intervenir qu'après l'accord du ministre chargé de l'économie et, le cas échéant, du ministre chargé du secteur économique concerné (...) ; qu'aux termes de l'article L. 430-5 : I - Le ministre chargé de l'économie se prononce sur l'opération de concentration dans un délai de cinq semaines à compter de la date de réception de la notification complète (...). III- Le ministre chargé de l'économie peut : - soit constater, par décision motivée, que l'opération qui lui a été notifiée n'entre pas dans le champ défini par les articles L. 430-1 et L. 430-2 ; - soit autoriser l'opération, en subordonnant éventuellement, par décision motivée, cette autorisation à la réalisation effective des engagements pris par les parties./ Toutefois, s'il estime que l'opération est de nature à porter atteinte à la concurrence et que les engagements pris ne suffisent pas à y remédier, il saisit pour avis le conseil de la concurrence (...) ; qu'aux termes de l'article L. 430-6 : Si une opération de concentration a fait l'objet, en application du III de l'article L. 430-5, d'une saisine du conseil de la concurrence, celui-ci examine si elle est de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement d'une position dominante ou par création ou renforcement d'une puissance d'achat qui place les fournisseurs en situation de dépendance économique. Il apprécie si l'opération apporte au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence. Le conseil tient compte de la compétitivité des entreprises en cause au regard de la concurrence internationale (...) ; qu'aux termes, enfin, de l'article L. 430-7 : I- Lorsque le conseil de la concurrence a été saisi, l'opération de concentration fait l'objet d'une décision dans un délai de quatre semaines à compter de la remise de l'avis du conseil au ministre chargé de l'économie (...). III- Le ministre chargé de l'économie et, le cas échéant, le ministre chargé du secteur économique concerné peuvent, par arrêté motivé : - soit interdire l'opération de concentration et enjoindre, le cas échéant, aux parties de prendre toute mesure propre à rétablir une concurrence suffisante ; - soit autoriser l'opération en enjoignant aux parties de prendre toute mesure propre à assurer une concurrence suffisante ou en les obligeant à observer des prescriptions de nature à apporter au progrès économique et social une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence (...). IV- Si le ministre chargé de l'économie et le ministre chargé du secteur économique concerné n'entendent prendre aucune des deux décisions prévues au III, le ministre chargé de l'économie autorise l'opération, par une décision motivée (...) ;

Considérant que, tant sous le régime de contrôle des concentrations issu de l'ordonnance du 1er décembre 1986 que sous celui issu de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, la saisine du conseil de la concurrence par le ministre chargé de l'économie n'est qu'un élément de la procédure qui permet aux autorités compétentes soit d'interdire l'opération de concentration, soit de l'autoriser, sous la réserve éventuelle de l'observation de prescriptions de nature à assurer une concurrence suffisante ou à contribuer au progrès économique et social ; qu'elle a, dès lors, le caractère d'un acte préparatoire et ne constitue pas par elle-même une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; qu'il en est de même de la décision par laquelle le ministre chargé de l'économie refuse de retirer cette saisine ; qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de la SOGEBRA tendant à l'annulation de la décision attaquée ne sont pas recevables ;

Considérant, au surplus, que si la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques a rendu obligatoire la notification au ministre chargé de l'économie des projets de concentration entrant dans le champ d'application des articles L. 430-1 et L. 430-2 du code de commerce et si celui-ci a, de ce fait, perdu, dans le nouveau régime issu de la loi précitée, le pouvoir de contrôler a posteriori, sauf dans les cas prévus à l'article L. 430-8 du code de commerce, les opérations de concentration définitivement réalisées, il résulte des dispositions du deuxième alinéa de l'article 94 de ladite loi que le ministre a conservé ce pouvoir s'agissant des opérations de concentration engagées de façon irrévocable avant la date d'entrée en vigueur du nouveau régime de contrôle des concentrations, laquelle résulte des dispositions combinées de l'article 94 de la loi du 15 mai 2001 et de l'article 51 du décret du 30 avril 2002, pris pour son application ; qu'il résulte des mêmes dispositions que l'examen de ces dernières opérations reste régi, dans le cas où le ministre décide de les soumettre au conseil de la concurrence, aux règles de fond et de procédure fixées par les articles L. 430-1 à L. 430-7 du code de commerce dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ainsi que par les règlements pris pour leur application ;

Considérant qu'il est constant que les acquisitions d'entrepôts réalisées par la SOGEBRA entre 1997 et 2001, qui ont fait l'objet de la saisine du conseil de la concurrence en date du 8 août 2001, sont antérieures à la date d'entrée en vigueur fixée par les textes mentionnés ci-dessus ; que, par suite, le moyen tiré par la société requérante de ce que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ne serait plus compétent, depuis l'entrée en vigueur du nouveau régime de contrôle des concentrations issu de la loi du 15 mai 2001, pour contrôler ces opérations ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOGEBRA n'est pas recevable et, en tout état de cause, pas fondée à demander l'annulation de la décision implicite du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie refusant de retirer la décision du 8 août 2001 par laquelle il a saisi le conseil de la concurrence ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : «Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution» ;

Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la société requérante, n'appelle aucune mesure d'exécution ; qu'ainsi, les conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à la SOGEBRA la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la SOCIETE GENERALE DE BRASSERIE (SOGEBRA) est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE GENERALE DE BRASSERIE (SOGEBRA) et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 248828
Date de la décision : 09/07/2003
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ÉCONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - DÉFENSE DE LA CONCURRENCE - CONSEIL DE LA CONCURRENCE - DÉCISION SUSCEPTIBLE DE RECOURS POUR EXCÈS DE POURVOIR - ABSENCE - A) SAISINE DU CONSEIL PAR LE MINISTRE CHARGÉ DE L'ÉCONOMIE - B) RETRAIT DE SA SAISINE PAR LE MINISTRE DE L'ÉCONOMIE.

14-05-005 a) Tant sous le régime de contrôle des concentrations issu de l'ordonnance du 1er décembre 1986 que sous celui issu de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, la saisine du conseil de la concurrence par le ministre chargé de l'économie n'est qu'un élément de la procédure qui permet aux autorités compétentes soit d'interdire l'opération de concentration, soit de l'autoriser, sous la réserve éventuelle de l'observation de prescriptions de nature à assurer une concurrence suffisante ou à contribuer au progrès économique et social. Elle a, dès lors, le caractère d'un acte préparatoire et ne constitue pas par elle-même une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.... ...b) Il en est de même de la décision par laquelle le ministre chargé de l'économie refuse de retirer cette saisine.

COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ÉCONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - DÉFENSE DE LA CONCURRENCE - CONTRÔLE DE LA CONCENTRATION ÉCONOMIQUE - CONTRÔLE A POSTERIORI DES OPÉRATIONS DE CONCENTRATION ENGAGÉES AVANT L'ENTRÉE EN VIGUEUR DU NOUVEAU RÉGIME DE CONTRÔLE ISSU DE LA LOI DU 15 MAI 2001 - DITE LOI NRE - A) POUVOIR DU MINISTRE CHARGÉ DE L'ÉCONOMIE - B) RÈGLES DE FOND ET DE PROCÉDURE APPLICABLES - ARTICLES L - 430-1 À L - 430-7 DU CODE DE COMMERCE DANS LA RÉDACTION ISSUE DE L'ORDONNANCE DU 1ER DÉCEMBRE 1986 - ET RÈGLEMENT D'APPLICATION DE CES DISPOSITIONS.

14-05-01 a) Si la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques a rendu obligatoire la notification au ministre chargé de l'économie des projets de concentration entrant dans le champ d'application des articles L. 430-1 et L. 430-2 du code de commerce et si celui-ci a, de ce fait, perdu, dans le nouveau régime issu de la loi précitée, le pouvoir de contrôler a posteriori, sauf dans les cas prévus à l'article L. 430-8 du code de commerce, les opérations de concentration définitivement réalisées, il résulte des dispositions du deuxième alinéa de l'article 94 de ladite loi que le ministre a conservé ce pouvoir s'agissant des opérations de concentration engagées de façon irrévocable avant la date d'entrée en vigueur du nouveau régime de contrôle des concentrations, laquelle résulte des dispositions combinées de l'article 94 de la loi du 15 mai 2001 et de l'article 51 du décret du 30 avril 2002, pris pour son application.,,b) Il résulte des mêmes dispositions que l'examen de ces dernières opérations reste régi, dans le cas où le ministre décide de les soumettre au conseil de la concurrence, aux règles de fond et de procédure fixées par les articles L. 430-1 à L. 430-7 du code de commerce dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ainsi que par les règlements pris pour leur application.

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - DÉCISIONS POUVANT OU NON FAIRE L'OBJET D'UN RECOURS - ACTES NE CONSTITUANT PAS DES DÉCISIONS SUSCEPTIBLES DE RECOURS - MESURES PRÉPARATOIRES - A) SAISINE DU CONSEIL DE LA CONCURRENCE PAR LE MINISTRE CHARGÉ DE L'ÉCONOMIE - B) RETRAIT DE LA SAISINE.

54-01-01-02-02 a) Tant sous le régime de contrôle des concentrations issu de l'ordonnance du 1er décembre 1986 que sous celui issu de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, la saisine du conseil de la concurrence par le ministre chargé de l'économie n'est qu'un élément de la procédure qui permet aux autorités compétentes soit d'interdire l'opération de concentration, soit de l'autoriser, sous la réserve éventuelle de l'observation de prescriptions de nature à assurer une concurrence suffisante ou à contribuer au progrès économique et social. Elle a, dès lors, le caractère d'un acte préparatoire et ne constitue pas par elle-même une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.... ...b) Il en est de même de la décision par laquelle le ministre chargé de l'économie refuse de retirer cette saisine.


Publications
Proposition de citation : CE, 09 jui. 2003, n° 248828
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Lasserre
Rapporteur ?: Mme Aurélie Robineau-Israël
Rapporteur public ?: M. Séners

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:248828.20030709
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