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30/07/2003 | FRANCE | N°203766

France | France, Conseil d'État, 7eme et 5eme sous-sections reunies, 30 juillet 2003, 203766


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 22 janvier et 20 mai 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT DE DEFENSE DU CAP D'ANTIBES, dont le siège est situé ..., représenté par son président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ; le SYNDICAT DE DEFENSE DU CAP D'ANTIBES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 24 novembre 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du 16 février 1995 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé

le permis de construire octroyé le 30 juin 1994 à la SAIC La Gauloise et ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 22 janvier et 20 mai 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT DE DEFENSE DU CAP D'ANTIBES, dont le siège est situé ..., représenté par son président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ; le SYNDICAT DE DEFENSE DU CAP D'ANTIBES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 24 novembre 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du 16 février 1995 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé le permis de construire octroyé le 30 juin 1994 à la SAIC La Gauloise et constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la légalité du permis délivré le 6 juillet 1992 ;

2°) de condamner la SAIC La Gauloise et la commune d'Antibes à lui verser la somme de 20 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Lenica, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat du SYNDICAT DE DEFENSE DU CAP D'ANTIBES, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la commune d'Antibes et de Me Choucroy, avocat de la SAIC La Gauloise,

- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire d'Antibes a délivré le 30 juin 1994, après avoir recueilli l'avis conforme du préfet en application du dernier alinéa de l'article L.146-4-II du code de l'urbanisme, un permis de construire, retirant un précédent permis octroyé le 6 juillet 1992, à la société anonyme immobilière de construction La Gauloise, en vue de la réalisation d'un immeuble d'habitations au lieu-dit villa Saint-Georges, à Juan-lès-Pins ; que, sur la demande du SYNDICAT DE DEFENSE DU CAP D'ANTIBES, le tribunal administratif de Nice, par deux jugements n° 94-2707 et n° 92-2625 du 16 février 1995, a annulé les permis de 1994 et 1992 ; que ce même syndicat se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 24 novembre 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, faisant droit au double appel de la société La Gauloise, après avoir annulé ces deux jugements, a rejeté la demande présentée contre le permis de 1994 et constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande du syndicat dirigé contre le permis de 1992 ;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt de la cour en tant qu'il statue sur le permis accordé le 30 juin 1994 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme : II. L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage (...) doit être justifiée et motivée, dans le plan d'occupation des sols, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau (...) ; que ces dispositions sont applicables indépendamment du caractère urbanisé ou non de l'espace dans lequel se situent les constructions envisagées ; qu'ainsi, en estimant que le projet autorisé par le permis de construire, dès lors qu'il était situé dans une partie déjà urbanisée d'un espace proche du rivage, ne pouvait quelle que soit son importance être regardé comme constitutif d'une extension de l'urbanisation au sens de ces dispositions, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit ; qu'il suit de là que le SYNDICAT DE DEFENSE DU CAP D'ANTIBES est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, à demander l'annulation de l'article 1er de l'arrêt attaqué, en tant qu'il annule le jugement du tribunal administratif de Nice n° 94-2707 du 16 février 1995, et de l'article 2 du même arrêt ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler sur ce point l'affaire au fond ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est situé à moins de trois cents mètres du rivage ; que le permis de construire accordé le 30 juin 1994 devait donc respecter les prescriptions du II de l'article L.146-4 du code de l'urbanisme, et ne permettre ainsi qu'une extension limitée de l'urbanisation au sens de ces dispositions ;

Considérant que l'espace dans lequel se situe le terrain d'assiette du projet autorisé par le permis litigieux, situé entre une zone à l'urbanisation diffuse et une zone fortement urbanisée, est composé de terrains très partiellement boisés ; que le projet consiste en la réalisation d'un ensemble de trois immeubles édifiés sur quatre étages au-dessus du rez-de-chaussée, entourant un jardin paysager et disposés aux angles du triangle formé par le terrain d'assiette ; qu'ainsi, nonobstant la circonstance que l'opération, qui conduira à la création de 143 appartements à usage d'habitation, présente une surface hors ouvre nette de 14 449 m² sur une parcelle de même superficie, l'extension de l'urbanisation qu'elle implique doit être regardée, en dépit de sa densité, mais eu égard à son implantation, son importance et à la destination des constructions envisagées, comme présentant un caractère limité au sens des dispositions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ; qu'il suit de là que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice s'est fondé sur la méconnaissance des prescriptions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme pour annuler le permis litigieux ;

Considérant qu'il appartient toutefois au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le SYNDICAT DE DEFENSE DU CAP D'ANTIBES tant devant la cour administrative d'appel de Lyon que devant le tribunal administratif de Nice ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ; que, compte tenu du fait que le projet autorisé se situe à proximité d'autres immeubles de même taille, ou dont le coefficient d'occupation des sols est supérieur, et alors même que quelques parcelles voisines du terrain d'assiette du projet ne comportent qu'un habitat de type pavillonnaire, le maire d'Antibes n'a pas, en délivrant le permis de construire, commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R.111-21 précité ;

Considérant que la méconnaissance du schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme d'Antibes, Cannes et Grasse ne peut être directement invoquée à l'encontre du permis de construire attaqué ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme : Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver (...) ; qu'aux termes de l'article de R. 146-1 du même code : En application du premier alinéa de l'article L. 146-6 sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral à (...) g) les parties naturelles des sites inscrits ou classés en application de la loi du 2 mai 1930 modifiée ; que si le terrain d'assiette du projet litigieux se trouve à proximité du site inscrit de Juan-les-Pins et du site classé du cap d'Antibes, il est constant que ce terrain n'est pas situé dans le périmètre de ces sites ; qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner le caractère remarquable de l'espace dans lequel se situe ce terrain, que ledit terrain n'entrait pas dans les prévisions de l'article R. 146-1 ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'il devait bénéficier du régime de protection aménagé par l'article L. 146-6 est inopérant ;

Considérant que par une décision du 21 septembre 1992, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé la délibération du 4 mars 1988 du conseil municipal d'Antibes approuvant le règlement du plan d'occupation des sols de la commune en tant qu'il portait notamment sur la section de la villa Saint-Georges ; que le permis litigieux, accordé postérieurement à cette décision juridictionnelle, a été délivré non sur le fondement des dispositions du règlement du plan d'occupation des sols mais sur celui du règlement national d'urbanisme ; qu'il suit de là que les moyens, soulevés par la voie de l'exception, tirés d'une part de ce que ce règlement aurait méconnu les dispositions du dernier alinéa de l'article L.146-6 du code de l'urbanisme relatif à la protection des espaces boisés et d'autre part de ce que la révision du plan d'occupation des sols n'avait pour autre objet que de rendre possible le projet litigieux ne peuvent qu'être écartés ;

Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société anonyme de construction immobilière La Gauloise et la commune d'Antibes sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé le permis de construire accordé à la société le 30 juin 1994 par le maire d'Antibes ;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt en tant qu'il statue sur le permis octroyé le 6 juillet 1992 :

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le syndicat requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'après avoir annulé le jugement n° 92-2625 du 16 février 1995 du tribunal administratif de Nice, la cour a constaté que le retrait devenu définitif du permis de construire accordé le 6 juillet 1992 à la société La Gauloise rendait sans objet les conclusions dirigées contre ce permis et décidé qu'il n'y avait pas lieu, en conséquence, de statuer sur elles ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la société anonyme de construction immobilière La Gauloise et la commune d'Antibes, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnées à verser au SYNDICAT DE DEFENSE DU CAP D'ANTIBES la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de faire droit à la demande présentée par la commune d'Antibes et de condamner le SYNDICAT DE DEFENSE DU CAP D'ANTIBES à lui verser la somme de 3 000 euros en application des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 1er, en tant qu'il annule le jugement n° 94-2707 du 16 février 1995 du tribunal administratif de Nice, et l'article 2 de l'arrêt du 24 novembre 1998 de la cour administrative d'appel de Lyon sont annulés.

Article 2 : Le jugement n° 94-2707 du 16 février 1995 du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 3 : La demande présentée par le SYNDICAT DE DEFENSE DU CAP D'ANTIBES à l'encontre du permis de construire délivré le 30 juin 1994 devant le tribunal administratif de Nice ainsi que le surplus des conclusions de sa requête devant le Conseil d'Etat sont rejetés.

Article 4 : Le SYNDICAT DE DEFENSE DU CAP D'ANTIBES versera à la commune d'Antibes une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT DE DEFENSE DU CAP D'ANTIBES, à la société anonyme de construction immobilière La Gauloise, à la commune d'Antibes et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 30 jui. 2003, n° 203766
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Lasserre
Rapporteur ?: M. Lenica
Rapporteur public ?: M. Piveteau
Avocat(s) : SCP VIER, BARTHELEMY

Origine de la décision
Formation : 7eme et 5eme sous-sections reunies
Date de la décision : 30/07/2003
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 203766
Numéro NOR : CETATEXT000008204655 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2003-07-30;203766 ?
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