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30/07/2003 | FRANCE | N°239381

France | France, Conseil d'État, 8eme sous-section jugeant seule, 30 juillet 2003, 239381


Vu la requête, enregistrée le 25 octobre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SAVOIE ; le PREFET DE LA SAVOIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 21 septembre 2001 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 30 août 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Ali X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la conventio

n européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'acc...

Vu la requête, enregistrée le 25 octobre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SAVOIE ; le PREFET DE LA SAVOIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 21 septembre 2001 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 30 août 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Ali X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

Vu la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Morellet-Steiner, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, pour annuler l'arrêté du PREFET DE LA SAVOIE ordonnant la reconduite à la frontière de M. X, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur l'illégalité, soulevée par la voie de l'exception, du refus opposé par le ministre de l'intérieur à la demande d'asile territorial présentée par M. Naalamene ; que si M. Naalamene soutenait que deux de ses proches parents avaient été victimes d'attentats commis en Algérie, qu'il avait lui-même été destinataire d'une lettre de menaces émanant d'un groupe islamiste et que deux membres de sa famille avaient été admis au bénéfice de l'asile territorial, il ressort, toutefois, des pièces du dossier que le frère de M. Naalamene, grièvement blessé dans un attentat en décembre 1998 dans son pays, y est reparti volontairement après s'être vu refuser l'asile territorial et l'admission sur le territoire français ; que M. Naalamene n'a pas fait état des menaces dont il aurait été destinataire à l'appui de sa demande d'asile territorial alors qu'il avait pourtant complété son dossier à une date postérieure à la réception du courrier dont il s'est prévalu devant le tribunal ; que ni l'admission de deux membres de sa famille au bénéfice de l'asile territorial, ni le décès de sa cousine dans un attentat en janvier 2000 ne sauraient, en eux-mêmes, établir la réalité des risques que l'intéressé encourrait personnellement en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du PREFET DE LA SAVOIE en date du 30 août 2001, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur l'erreur manifeste d'appréciation que le ministre de l'intérieur aurait commise en refusant à l'intéressé le bénéfice de l'asile territorial ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Sur la légalité du refus d'asile territorial :

Sur la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 susvisée : Dans des conditions compatibles avec les intérêts du pays, l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur, après consultation du ministre des affaires étrangères, à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les décisions du ministre n'ont pas à être motivées ; qu'il résulte de ces dispositions que la décision par laquelle le ministre de l'intérieur se prononce sur une demande d'asile territorial n'a pas à être motivée ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la réponse du ministre de l'intérieur serait stéréotypée ne peut qu'être rejeté ;

Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient le requérant, M. Lieutaud, signataire de la décision attaquée, disposait, en vertu de l'arrêté du 23 avril 2001 publié au Journal officiel du 6 mai 2001, d'une délégation de signature du ministre de l'intérieur régulièrement publiée ;

Considérant, en troisième lieu, que, si M. Naalamène allègue que la procédure d'instruction des demandes d'asile territorial prévue par le décret du 23 juin 1998 susvisé n'a pas été respectée par le PREFET DE LA SAVOIE et demande à ce dernier de démontrer, par la production de diverses pièces, la régularité de la procédure suivie, il n'apporte, toutefois, comme il lui incombe de le faire, aucun élément probant au soutien de ses allégations ;

Sur la légalité interne :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. Naalamène, dont la demande de reconnaissance de la qualité de réfugié a d'ailleurs été définitivement rejetée par la commission des recours des réfugiés le 8 novembre 2000, n'établit pas la réalité des risques auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, le refus du ministre de l'intérieur de lui accorder l'asile territorial n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation et n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions précitées de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Naalamène n'est pas fondé à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision du ministre de l'intérieur en date du 17 mai 2001 lui refusant l'asile territorial ;

Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

Considérant que M. Naalamène excipe également de l'illégalité de la décision en date du 5 juin 2001 du PREFET DE LA SAVOIE lui refusant un titre de séjour ;

Sur la légalité externe :

Considérant que, si M. Naalamène soutient que Mme Pépin, chef de bureau, ne justifiait pas d'une délégation de signature à effet de signer la décision attaquée, il ressort toutefois des pièces du dossier que seule l'ampliation de la décision attaquée a été signée par Mme Pépin ; que l'arrêté par lequel le PREFET DE LA SAVOIE a décidé de refuser la délivrance d'un titre de séjour à M. Naalamène a été signé par M. Pierre Ravanat, directeur de l'administration générale et de la réglementation de ce département, qui disposait, en vertu de l'arrêté préfectoral du 15 novembre 1999 modifié, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département dans son édition spéciale du 15 novembre 1999, d'une délégation de signature à cet effet ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par un délégataire incompétent manque en fait ;

Sur la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement invoqué à l'encontre de la décision du PREFET DE LA SAVOIE refusant l'admission au séjour du requérant, dès lors que l'exécution de cette décision n'implique pas, par elle-même, le retour de l'intéressé dans son pays d'origine ;

Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE LA SAVOIE ait méconnu l'étendue de ses compétences en n'examinant pas si l'intéressé pouvait prétendre à un titre de séjour après le refus du ministre de l'intérieur de l'admettre au bénéfice de l'asile territorial ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Naalamène n'est pas davantage fondé à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité du refus du PREFET DE LA SAVOIE au soutien de ses conclusions dirigées contre l'arrêté de reconduite du 30 août 2001 ;

Sur les autres moyens soulevés à l'appui des conclusions dirigées contre l'arrêté de reconduite :

Sur la légalité externe :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 15 novembre 1999, le PREFET DE LA SAVOIE a donné délégation à M. Gervasoni, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous notes, arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents à l'exception : des réquisitions de la force armée, des arrêtés de conflits, des actes de procédure devant les juridictions administratives, judiciaires et financières ; / des décisions portant nomination des chefs de bureau de la préfecture et des sous-préfectures ; qu'il résulte de ces dispositions que M. Gervasoni était compétent pour signer l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. Naalamène ;

Sur la légalité interne :

Considérant que M. Naalamène ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 30 août 2001 qui ne désigne pas le pays de renvoi ;

Considérant que, si M. Naalamène soutient que l'arrêté du PREFET DE LA SAVOIE porte à son droit au respect de sa vie familiale et privée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, il ressort, toutefois, des pièces du dossier que l'intéressé, célibataire et sans enfant, n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où demeurent sa mère et trois de ses frères et sours ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être rejeté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 30 août 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Naalamène ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement en date du 21 septembre 2001 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant ce tribunal par M. Naalamène est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE SAVOIE, à M. Ali X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 8eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 239381
Date de la décision : 30/07/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 jui. 2003, n° 239381
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme de Saint Pulgent
Rapporteur ?: Mme Paquita Morellet-Steiner
Rapporteur public ?: M. Bachelier

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:239381.20030730
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