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30/07/2003 | FRANCE | N°241019

France | France, Conseil d'État, 3eme sous-section jugeant seule, 30 juillet 2003, 241019


Vu la requête, enregistrée le 13 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE ; le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 17 novembre 2001 par lequel le vice-président délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 6 novembre 2001 décidant la reconduite à la frontière de M. Nedzat X et fixant le pays de destination ;

2°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution dudit jugement ;

3°) de rejeter la demande prése

ntée par M. Nedzat X devant le tribunal administratif de Rennes ;

Vu les autres pièces d...

Vu la requête, enregistrée le 13 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE ; le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 17 novembre 2001 par lequel le vice-président délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 6 novembre 2001 décidant la reconduite à la frontière de M. Nedzat X et fixant le pays de destination ;

2°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution dudit jugement ;

3°) de rejeter la demande présentée par M. Nedzat X devant le tribunal administratif de Rennes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Crépey, Auditeur,

- les observations de Me Brouchot, avocat de M. Nedzat X,

- les conclusions de M. Séners, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Nedzat X, porteur d'un passeport macédonien, est entré en France le 30 juin 2000 muni d'un visa dont la validité expirait le 14 août 2000 ; qu'au moment de son interpellation, le 11 juillet 2001, il a déclaré demander l'asile en France ; que le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE a saisi l'office français de protection des réfugiés et apatrides de cette demande selon la procédure prioritaire prévue à l'alinéa 6 de l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 ; que cette demande a été rejetée par l'office le 23 juillet 2001 ; que par une décision en date du 26 juillet 2001, qui n'a pu être notifiée que le 10 septembre 2001 en raison d'un changement d'adresse de M. Nedzat X, le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour à ce dernier et l'a invité à quitter le territoire français ; que s'étant maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, M. Nedzat X se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que les dispositions du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de subordonner la légalité d'un arrêté de reconduite à la frontière pris sur ce fondement à l'examen préalable d'une nouvelle demande de titre de séjour que l'étranger a pu présenter sur un fondement juridique différent de celui du titre de séjour antérieur dont la délivrance lui a été refusée ;

Considérant que la circonstance que M. Nedzat X a formé, le 5 octobre 2001, une nouvelle demande de titre de séjour en qualité d'étudiant, à la suite de son inscription, le même jour, à l'université de Rennes I, n'obligeait pas le préfet à surseoir à l'édiction de son arrêté de reconduite à la frontière jusqu'à ce qu'il ait statué sur cette nouvelle demande ; que, par suite, c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur l'absence d'examen préalable de la nouvelle demande de titre de séjour pour annuler l'arrêté en date du 6 novembre 2001 décidant la reconduite à la frontière de M. Nedzat X, et, par voie de conséquence, la décision du même jour fixant le pays de destination ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Nedzat X devant le tribunal administratif de Rennes et devant le Conseil d'Etat ;

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

Considérant que l'arrêté par lequel le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE a décidé la reconduite à la frontière de M. Nedzat X comporte l'exposé des faits et des considérations de droit sur lesquels il se fonde et est ainsi suffisamment motivé ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne saurait être accueilli ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE n'aurait pas procédé à l'examen de la situation personnelle de M. Nedzat X ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ledit arrêté serait intervenu au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté ;

Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la loi du 25 juillet 1952 modifiée : L'examen de la demande d'admission au titre de l'asile présentée à l'intérieur du territoire français relève du représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, du préfet de police (...). L'admission en France d'un demandeur d'asile ne peut être refusée que si : (...) 4° la demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une procédure d'éloignement prononcée ou imminente ;

Considérant que M. Nedzat X n'a présenté une demande tendant à ce que lui soit reconnu le statut de réfugié que le jour de son interpellation, à l'occasion de laquelle il fut constaté qu'il faisait l'objet d'un signalement au système d'information Schengen, émis par les autorités allemandes aux fins de non-admission ; que, bien que le document de saisine de l'office français de protection des réfugiés et apatrides ne mentionnât que ce signalement, cette demande, formulée plus d'un an après l'arrivée en France de l'intéressé, avait un caractère dilatoire au sens des dispositions du 4° de l'article 10 de la loi du 25 juillet 1952 précitée ; qu'ainsi M. Nedzat X se trouvait dans l'un des cas de non-admission prévus audit article ; qu'il suit de là que le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE pouvait légalement refuser son admission sur le territoire français ;

Considérant que le moyen tiré de l'illégalité de la décision implicite de refus de titre de séjour en qualité d'étudiant ne peut qu'être écarté dès lors que, comme il a été dit, la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière n'est pas subordonnée à l'examen préalable de la nouvelle demande de titre de séjour présentée par l'intéressé ;

Considérant que M. Nedzat X, qui est célibataire et sans enfant, soutient qu'il vivait, à la date de l'arrêté attaqué, en concubinage depuis 4 mois à Rennes, où il participe d'ailleurs à la vie étudiante, associative et sportive, et qu'il ne peut regagner l'ancienne République yougoslave de Macédoine, d'où une partie importante de sa famille a dû fuir ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de ce que l'intéressé, qui est entré en France à une date récente et muni d'un visa délivré pour un séjour limité à un mois et demi, est dépourvu de toute attache familiale en France alors que ses parents demeurent dans son pays d'origine, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET D'ILLE-ET-VILAINE en date du 6 novembre 2001 n'a pas porté au droit de M. Nedzat X au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'ainsi il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision distincte fixant le pays de renvoi :

Considérant que l'arrêté du 6 novembre 2001 décidant la reconduite à la frontière de M. Nedzat X comporte une décision distincte par laquelle le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE a décidé que l'intéressé serait éloigné à destination de l'ancienne République yougoslave de Macédoine ; que si l'intéressé, dont la demande d'admission au statut de réfugié a d'ailleurs été rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 23 juillet 2001, soutient que son retour dans son pays d'origine l'exposerait à des traitements inhumains ou dégradants en raison de son appartenance au parti politique S.D.A., il n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité des risques personnels que comporterait pour lui un tel retour ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 17 novembre 2001, le vice-président délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 6 novembre 2001 décidant la reconduite à la frontière de M. Nedzat X et fixant le pays de destination ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du 17 novembre 2001 du vice-président délégué par le président du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes par M. Nedzat X est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET D'ILLE-ET-VILAINE, à M. Nedzat X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 3eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 241019
Date de la décision : 30/07/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 jui. 2003, n° 241019
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur ?: M. Edouard Crépey
Rapporteur public ?: M. Séners

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:241019.20030730
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