Vu la requête, enregistrée le 22 mars 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement n° 0115908/3 en date 29 janvier 2002 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris, en tant qu'il a annulé sa décision du 22 octobre 2001 fixant le Sri Lanka comme pays à destination duquel M. Jotheiskanna X devait être reconduit ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Debat, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par le jugement susvisé du 29 janvier 2002, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a, d'une part, rejeté les conclusions de M. Jotheiskanna X dirigées contre l'arrêté du 22 octobre 2001, par lequel le PREFET DE POLICE a décidé sa reconduite à la frontière et, d'autre part, annulé le même arrêté en tant qu'il a fixé le Sri Lanka comme pays de renvoi de l'intéressé ; que le PREFET DE POLICE fait appel de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision fixant le pays à destination duquel M. X devrait être reconduit et que ce dernier, par la voie de l'appel incident, conclut à l'annulation du même jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision de reconduite à la frontière ;
Sur l'appel principal :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M. X ;
Considérant qu'aux termes de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des documents produits par l'intéressé postérieurement aux décisions par lesquelles la commission des recours des réfugiés lui a refusé le bénéfice du statut de réfugié, que M. X d'origine tamoule, a personnellement participé à l'organisation séparatiste dite mouvement des tigres de libération de l'Eelam tamoul (LLTE) ; que lui-même et les membres de sa famille ont subi des persécutions en raison de leur sympathie à l'égard du LLTE et que, en particulier, son père a été tué lors d'opérations menées par les autorités militaires sri-lankaises à l'encontre des séparatistes tamouls ; qu'ainsi M. X courrait des risques graves pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine ; que dès lors, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a pu, à bon droit, juger que la décision du PREFET DE POLICE fixant le Sri Lanka comme pays de renvoi était entachée d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 22 octobre 2001 en tant qu'il a fixé le Sri Lanka comme pays de destination ;
Sur l'appel incident :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...). ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 25 avril 2001, de l'arrêté du même jour par lequel le PREFET DE POLICE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour : qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application des dispositions précitées, le préfet de police peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant que si M. X soutient être dans l'impossibilité de revenir au Sri Lanka eu égard aux risques auxquels il y serait exposé, un tel moyen est, en tout état de cause, inopérant à l'encontre de l'arrêté attaqué en tant qu'il a décidé sa reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la mesure de reconduite ;
Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à M. X la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de la décision de reconduite à la frontière prise à son encontre, ensemble ses conclusions incidentes présentées devant le Conseil d'Etat, sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Jotheiskanna X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.