Vu la requête, enregistrée le 29 janvier 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU VAL-DE-MARNE ; le PREFET DU VAL-DE-MARNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 7 décembre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 3 décembre 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. Viorel Adrian X et la décision du même jour fixant la Roumanie comme pays de destination. ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le décret n° 95-304 du 21 mars 1995 portant publication de la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Burguburu, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 susmentionnée : I. Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation de visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) II. Les dispositions du 1° du I sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de la Communauté économique européenne : a) S'il ne remplit pas les conditions d'entrée prévues à l'article 5 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ; b) Ou si, en provenance directe du territoire d'un Etat partie à cette convention, il ne peut justifier être entré sur le territoire métropolitain en se conformant aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, 21, paragraphe 1 ou 2, de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ; que les étrangers mentionnés aux articles 19, 20 et 21 de ladite convention et qui sont respectivement titulaires d'un visa uniforme, non soumis à l'obligation de visa ou titulaires d'un titre de séjour délivré par une des parties contractantes, doivent également remplir les conditions d'entrée visées à l'article 5 de la même convention ; que ledit article 5 prévoit que : Pour un séjour n'excédant pas trois mois, l'entrée sur les territoires des parties contractantes peut être accordée à l'étranger qui remplit les conditions ci-après : a) Posséder un document ou des documents valables permettant le franchissement de la frontière, déterminés par le Comité exécutif ; b) Etre en possession d'un visa valable si celui-ci est requis (...) ; qu'enfin, la liste de l'annexe II du règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 modifié par le règlement susmentionné du 7 décembre 2001 mentionne les ressortissants de Roumanie parmi les ressortissants des pays tiers exemptés de l'obligation de visa pour des séjours dont la durée totale n'excède pas trois mois ; que lesdites stipulations de l'annexe II du règlement du 15 mars 2001 modifié sont, en application de l'article 8 du même règlement, entrées en vigueur le 1er janvier 2002 ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions et stipulations précitées que M. Viorel Adrian X, né le 14 juin 1961 en Roumanie, et entré, selon ses propres dires, le 7 février 2002 en France sous couvert de son passeport, se trouvait en situation irrégulière sur le territoire national lorsqu'il a été interpellé sur le territoire national le 3 décembre 2002 ; que le même jour le PREFET DU VAL-DE-MARNE a ordonné qu'il soit reconduit à la frontière ; qu'ainsi, le PREFET DU VAL-DE-MARNE est fondé à soutenir pour la première fois en appel qu'il a pu légalement ordonner la reconduite à la frontière de M. X ; que c'est dès lors à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 3 décembre 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X et, par voie de conséquence, la décision distincte du même jour fixant la Roumanie comme pays de destination ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le tribunal administratif de Melun ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué a été signé par M. Alain Perret, secrétaire général de la préfecture de Seine-et-Marne, qui a reçu délégation de signature par un arrêté préfectoral du 18 novembre 2002 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département le 30 novembre 2002 ;
Considérant que l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision de reconduite à la frontière ; qu'ainsi, il répond aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 susvisée relative à la motivation des actes administratifs ;
Considérant que le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 4 du protocole additionnel n° 4 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui stipule que les expulsions collectives d'étrangers sont interdites, est inopérant à l'appui d'un recours contre un arrêté de reconduite à la frontière qui ne constitue pas une expulsion collective ;
Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant, enfin, que si M. X soutient, à l'encontre de la décision distincte fixant la Roumanie comme pays de destination, que son retour dans ce pays l'exposerait à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, il n'apporte aucun élément précis à l'appui de son moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ce dernier moyen doit, par suite, être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU VAL-DE-MARNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 3 décembre 2002 ;
Sur les conclusions de M. X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que l'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M.X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 7 décembre 2002 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU VAL-DE-MARNE, à M. Viorel Adrian X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.