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19/08/2003 | FRANCE | N°259340

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 19 août 2003, 259340


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 11 août 2003, présentée par l'association CONVENTION VIE ET NATURE POUR UNE ECOLOGIE RADICALE dont le siège est à Francbaudie, 24380 Veyrines de Vergt, représentée par son président en exercice ; l'association demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de prononcer la suspension de l'arrêté du ministre de l'écologie et du développement durable en date du 5 août 2003 modifiant l'arrêté du 21 juillet 2003 relatif aux dates d'ouverture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibie

r d'eau en 2003 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 800 eur...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 11 août 2003, présentée par l'association CONVENTION VIE ET NATURE POUR UNE ECOLOGIE RADICALE dont le siège est à Francbaudie, 24380 Veyrines de Vergt, représentée par son président en exercice ; l'association demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de prononcer la suspension de l'arrêté du ministre de l'écologie et du développement durable en date du 5 août 2003 modifiant l'arrêté du 21 juillet 2003 relatif aux dates d'ouverture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d'eau en 2003 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient qu'il y a urgence à suspendre l'exécution d'un règlement dont les effets ne peuvent être réparés par une annulation postérieure ; que l'urgence existe d'autant plus que le ministre réitère, par l'arrêté contesté, l'illégalité de son précédent arrêté du 21 juillet relevée par l'ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat en date du 4 août 2003 ; qu'en raison des échanges constants qui existent entre le domaine public maritime et les eaux intérieures, l'arrêté constaté permet en réalité de chasser des espèces pendant leur période de reproduction ; qu'il est, dans cette mesure, incompatible avec les objectifs de l'article 7 de la directive du 2 avril 1979 ;

Vu l'arrêté dont la suspension est demandée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 août 2003, présenté par le ministre de l'écologie et du développement durable ; le ministre conclut au rejet de la requête ; il soutient que la cour de justice des communautés européennes a déjà admis la possibilité d'échelonner des dates d'ouverture de la chasse en fonction des territoires ; que la nouvelle définition des territoires sur lesquels la chasse est autorisée dès le 9 août aboutit à limiter ces derniers en fonction d'un double critère géographique et juridique visant les territoires amodiés aux associations de chasse maritime ; que cette définition, qui fait référence aux dispositions du décret n° 75-293 du 21 avril 1975 modifié, est claire et conforme aux préconisations des experts scientifiques de l'observatoire national de la faune sauvage et de ses habitats, qui ont estimé qu'il n'y avait plus d'espèces nicheuses dans ces zones à partir de la fin de la première décade d'août et qu'à cette date, les espèces nichant sur ces zones avaient terminé leur reproduction ;

Vu le mémoire en intervention, enregistré le 13 août 2003, présenté pour la Fédération nationale des chasseurs, dont le siège est ..., représentée par son président en exercice ; la fédération intervient au soutien de l'arrêté contesté ; elle fait valoir que la requête de l'association CONVENTION VIE ET NATURE POUR UNE ECOLOGIE RADICALE est irrecevable faute d'avoir été accompagnée d'une requête en annulation de l'arrêté contesté et de justifier de la qualité pour agir de la requérante, compte tenu de l'objet très flou et très large que s'est donnée l'association dans ses statuts ; que la demande de suspension n'est pas fondée dès lors que l'arrêté du 5 août 2003 respecte strictement, compte tenu de la restriction des territoires de chasse, les recommandations de l'observatoire national de la faune sauvage dont l'impartialité et la légitimité ne peuvent être mises en doute ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 14 août 2003, présenté par la CONVENTION VIE ET NATURE POUR UNE ECOLOGIE RADICALE ; elle reprend les conclusions de sa requête par les mêmes moyens ; elle fait valoir en outre que sa demande de suspension est recevable, dès lors qu'elle a été accompagnée d'une requête en annulation et que l'objet statutaire de l'association lui donne qualité pour agir ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 17 août 2003, présenté pour la CONVENTION VIE ET NATURE POUR UNE ECOLOGIE RADICALE ; elle reprend les conclusions de sa requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive européenne 79/409 modifiée du conseil en date du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;

Vu le code rural ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le décret n° 75-293 modifié du 21 avril 1975 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part la CONVENTION VIE ET NATURE POUR UNE ECOLOGIE RADICALE, d'autre part le ministre de l'écologie et du développement durable et la Fédération nationale des chasseurs ;

Vu le procès verbal de l'audience publique du 18 août 2003 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- le représentant de la CONVENTION VIE ET NATURE POUR UNE ECOLOGIE RADICALE,

- les représentants du ministre de l'écologie et du développement durable,

- Maître Hélène X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Fédération nationale des chasseurs ;

Considérant que par une ordonnance en date du 4 août 2003, le juge des référés du Conseil d'Etat a suspendu, à la demande de l'Association pour la protection des animaux sauvages, l'arrêté du ministre de l'écologie et du développement durable du 21 juillet 2003 relatif aux dates d'ouverture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d'eau pour 2003, dans ses dispositions qui fixaient au 9 août la date d'ouverture de la chasse aux canards et rallidés, à l'exception de l'eider à duvet, sur le domaine public maritime ; que le 5 août, le ministre de l'écologie et du développement durable a pris un nouvel arrêté, modifiant son précédent arrêté du 21 juillet, qui définit plus précisément les territoires sur lesquels la chasse maritime au gibier d'eau est autorisée tout en maintenant au 9 août la date d'ouverture de cette chasse, y compris pour les canards et rallidés ; que la CONVENTION VIE ET NATURE POUR UNE ECOLOGIE RADICALE demande la suspension de ce nouvel arrêté, en tant qu'il maintient au 9 août la date d'ouverture de la chasse maritime aux canards et rallidés, à l'exception de l'eider à duvet ;

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête :

Considérant qu'aux termes de ses statuts, l'association dénommée CONVENTION VIE ET NATURE POUR UNE ECOLOGIE RADICALE a notamment pour objet d'agir contre la chasse en saisissant, parmi d'autres moyens, les juridictions pour faire sanctionner les textes réglementaires contraires aux droits de la nature et plus particulièrement les arrêtés relatifs à la chasse ; qu'elle justifie ainsi d'un intérêt lui donnant qualité pour demander au juge des référés administratifs la suspension de l'arrêté contesté, alors même que les dispositions de ce dernier ne concernent que la chasse au gibier d'eau sur les territoires situés dans les zones de chasse maritime et que les statuts de l'association, s'ils évoquent la possibilité de saisir le juge de l'excès de pouvoir de requêtes en annulation, ne mentionnent pas expressément celle de demander au juge des référés la suspension des actes ainsi déférés ; que la fin de non-recevoir opposée par la Fédération nationale des chasseurs ne peut, par suite, être accueillie ;

Sur la demande de suspension :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant que l'arrêté contesté a pour objet d'autoriser dès le 9 août la chasse aux canards et rallidés sur les territoires situés dans les zones de chasse maritime ; qu'ainsi son exécution est susceptible de porter une atteinte grave et immédiate aux intérêts que l'association requérante s'est donnée pour mission de défendre ; que la condition d'urgence est, par suite, remplie ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7 § 4 de la directive CEE du Conseil, du 2 avril 1979, les Etats membres veillent en particulier à ce que les espèces auxquelles s'applique la législation de la chasse ne soient pas chassées pendant la période nidicole ni pendant les différents stades de reproduction et de dépendance. Lorsqu'il s'agit d'espèces migratrices, ils veillent en particulier à ce que les espèces auxquelles s'applique la législation de la chasse ne soient pas chassées pendant leur période de reproduction et pendant leur trajet de retour vers leur lieu de nidification (...) ; que l'article L. 424-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi du 9 juillet 2001, prévoit que : Nul ne peut chasser en dehors des périodes d'ouverture de la chasse fixées par l'autorité administrative. Les oiseaux ne peuvent être chassés ni pendant la période nidicole, ni pendant les différents stades de reproduction et de dépendance. Les oiseaux migrateurs ne peuvent en outre être chassés pendant leur trajet de retour vers leur lieu de nidification ... ; qu'il en résulte, notamment, que la protection prévue pour ces espèces, tant pour la période nidicole et les différents stades de reproduction et de dépendance que pour le trajet de retour des espèces migratrices vers leur lieu de nidification, doit être une protection complète, compatible, au regard des données scientifiques et techniques disponibles, avec les objectifs de la directive du 2 avril 1979 ; qu'il y a lieu, pour apprécier la légalité des dispositions prises à cet effet, de se référer à l'interprétation qu'a donnée la Cour de justice des Communautés européennes de l'article 7 § 4 de la directive du 2 avril 1979 ; qu'en vertu de l'article R. 224-6 du code rural, dans la rédaction que lui a donnée le décret du 17 juillet 2002, il appartient au ministre de l'écologie et du développement durable de fixer les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d'eau, après avis du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage, par un arrêté qui prévoit les conditions spécifiques de la chasse de ces gibiers ;

Considérant que l'arrêté contesté maintient au 9 août à 6 heures, sauf pour l'eider à duvet dont la chasse n'est autorisée qu'à compter du 30 août, la date d'ouverture de la chasse maritime aux canards et rallidés ; que s'il définit plus précisément les territoires sur lesquels cette chasse est autorisée, qui correspondent désormais à ceux amodiés aux associations de chasse maritime telle qu'elle est définie aux 1° et 4° de l'article L. 422-28 du code de l'environnement, c'est-à-dire la mer dans la limite des eaux territoriales et le domaine public maritime à l'exception des étangs reliés à la mer, cette précision apportée au champ géographique couvert par le précédent arrêté, qui concernait le domaine public maritime à l'exception des étangs lagunaires, n'est pas, à ce stade de l'instruction et en l'état des règles applicables et de la jurisprudence, de nature à lever le doute sérieux sur la légalité des dispositions en cause que fait naître le moyen tiré de ce qu'à la date du 9 août les différents types de canards et de rallidés énumérés par l'arrêté du 21 juillet 2003 n'ont pas terminé leur période de reproduction ou de dépendance ;

Considérant que les deux conditions énoncées par l'article L. 521-1 précité du code de justice administrative étant remplies, il y a lieu de prononcer la suspension de l'arrêté du 5 août 2003 en tant qu'il maintient, sur les territoires qu'il définit, l'autorisation de la chasse aux canards et rallidés, à l'exception de l'eider à duvet, avant le 30 août ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à l'association requérante la somme de 800 euros qu'elle demande au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'arrêté du ministre de l'écologie et du développement durable en date du 5 août 2003 est suspendu en tant qu'il maintient au 9 août, sur les territoires qu'il définit, la date d'ouverture de la chasse aux canards et rallidés à l'exception de l'eider à duvet.

Article 2 : L'Etat versera à la CONVENTION VIE ET NATURE POUR UNE ECOLOGIE RADICALE la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la CONVENTION VIE ET NATURE POUR UNE ECOLOGIE RADICALE et au ministre de l'écologie et du développement durable et à la Fédération nationale des chasseurs.


Synthèse
Formation : Juge des referes
Numéro d'arrêt : 259340
Date de la décision : 19/08/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 aoû. 2003, n° 259340
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Lasserre
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:259340.20030819
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