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10/10/2003 | FRANCE | N°244144

France | France, Conseil d'État, 8eme et 3eme sous-sections reunies, 10 octobre 2003, 244144


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 mars et 25 avril 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Patrice X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 15 janvier 2002 du tribunal administratif de Melun rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'ordonnance du 3 décembre 2001 par laquelle le juge des référés fiscal près ce même tribunal a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à ce qu'il soit dispensé de garanties pour obtenir le sursis de paiement des cotisations supplémen

taires à l'impôt sur le revenu, à la contribution sociale générali...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 mars et 25 avril 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Patrice X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 15 janvier 2002 du tribunal administratif de Melun rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'ordonnance du 3 décembre 2001 par laquelle le juge des référés fiscal près ce même tribunal a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à ce qu'il soit dispensé de garanties pour obtenir le sursis de paiement des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, à la contribution sociale généralisée et à la contribution au remboursement de la dette sociale auxquelles il a été assujetti au titre des années 1996 à 1998, à titre subsidiaire, à ce que les garanties qu'il a présentées, aux fins de sursis de paiement, au trésorier principal de Vincennes, soient déclarées suffisantes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil, notamment ses articles 2073 à 2084 ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 modifiée portant réforme des procédures civiles d'exécution, ensemble le décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 pris pour son application, notamment son article 168 ;

Vu le décret n° 53-968 du 30 septembre 1953 modifié, relatif à la vente à crédit de véhicules automobiles ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bereyziat, Auditeur,

- les observations de Me Choucroy, avocat de M. X,

- les conclusions de M. Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du référé fiscal que M. X a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale au titre des années 1996 à 1998, mises en recouvrement le 30 avril 2001 à la caisse du trésorier principal de Vincennes ; que M. X a assorti la réclamation contentieuse qu'il a formée contre ces impositions d'une demande de sursis de paiement présentée sur le fondement de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, à l'appui de laquelle il a offert en garantie son véhicule professionnel ainsi qu'un contrat d'assurance-vie ; qu'il se pourvoit en cassation contre le jugement du 15 janvier 2002 du tribunal administratif de Melun rejetant son appel dirigé contre l'ordonnance du 3 décembre 2001 par laquelle le juge du référé fiscal de ce tribunal a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à ce qu'il soit dispensé de constituer une quelconque garantie à l'appui de sa demande de sursis de paiement, à titre subsidiaire, à ce que les garanties susmentionnées soient déclarées suffisantes pour assurer le recouvrement de sa dette fiscale ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales : Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge peut (...) être autorisé à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. Le sursis de paiement ne peut être refusé au contribuable que s'il n'a pas constitué auprès du comptable les garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor (...) ; que l'article L. 279 de ce livre dispose : (...) Lorsque les garanties offertes par le contribuable ont été refusées, celui-ci peut, dans les quinze jours de la réception de la lettre recommandée qui lui a été adressée par le comptable, porter la contestation, par simple demande écrite, devant le juge du référé administratif (...)./ Le juge du référé décide (...) si les garanties offertes répondent aux conditions prévues à l'article L. 277 et si, de ce fait, elles doivent être acceptées par le comptable. Il peut également (...) dispenser le redevable de garanties autres que celles déjà constituées (...)./ Lorsque le juge des référés estime suffisantes les garanties initialement offertes, les sommes consignées sont restituées. Dans le cas contraire, les garanties supplémentaires à présenter sont diminuées à due concurrence ; que l'article R. 277-1 du même livre dispose que les garanties susceptibles d'assurer le recouvrement des créances du Trésor dans les conditions prévues à l'article L. 277 peuvent être constituées par un versement en espèces (...), par des créances sur le Trésor, par la présentation d'une caution, par des valeurs mobilières, des marchandises déposées dans des magasins agréés par l'Etat et faisant l'objet d'un warrant endossé à l'ordre du Trésor, par des affectations hypothécaires, par des nantissements de fonds de commerce ; qu'enfin, en vertu de l'article R. 277-3 dudit livre, les garanties autres que celles prévues à l'article R. 277-1 précité peuvent également être acceptées à l'appui d'une demande de sursis de paiement, sous les conditions de forme et de procédure que le premier article prévoit ;

Considérant, en premier lieu, qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 279 du livre des procédures fiscales, il revient au juge du référé fiscal et au tribunal administratif statuant en appel, non de statuer sur la légalité de la décision du comptable, mais d'apprécier eux-mêmes si les garanties offertes répondent aux conditions prévues à l'article L. 277 du même livre ; que, dès lors, était inopérant le moyen d'appel présenté par M. X devant le tribunal administratif de Melun et tiré de ce que la décision du 24 octobre 2001, par laquelle le trésorier principal de Vincennes avait rejeté les garanties offertes par l'intéressé à l'appui de sa demande de sursis de paiement, était insuffisamment motivée ; que, par suite, M. X ne peut utilement contester, devant le juge de cassation, le motif par lequel le juge d'appel a écarté ce moyen ;

Considérant, en deuxième lieu, que si les dispositions précitées de l'article L. 279 du livre des procédures fiscales autorisent le juge du référé fiscal à dispenser le redevable de garanties autres que celles qu'il a déjà constituées auprès du comptable, elles ne prévoient pas que le contribuable puisse saisir le juge du référé fiscal de conclusions tendant à être dispensé de toute constitution de garanties à l'appui de la demande de sursis de paiement qu'il a formulée ; que, dès lors, les conclusions présentées à cette fin par M. X devant le tribunal administratif de Melun ne pouvaient qu'être rejetées ; que, par suite, M. X ne peut utilement contester, devant le juge de cassation, le motif par lequel le tribunal a refusé d'y faire droit ;

Considérant, en troisième lieu, que pour rejeter celles des conclusions de la requête de M. X tendant à ce que le contrat d'assurance-vie qu'il avait souscrit auprès d'une compagnie d'assurance soit admis en garantie du recouvrement des impositions litigieuses, le tribunal administratif de Melun a pu, sans dénaturer les pièces du dossier qui lui était soumis ni entacher son jugement d'erreur de droit, se fonder sur la circonstance que le contribuable n'avait pas établi, devant le comptable du Trésor, la réalité de ce contrat, ni la consistance du droit de rachat qui lui aurait été reconnu, ni justifié les sommes que l'exercice de ce droit lui aurait permis de recouvrer ; que, dès lors, M. X ne peut utilement faire valoir, au soutien de son pourvoi, qu'en jugeant, par un motif surabondant, que la faculté de rachat d'un tel contrat n'était pas ouverte au Trésor public, ce tribunal aurait commis une erreur de droit et insuffisamment motivé son jugement ;

Mais considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 2073 du code civil : Le gage confère au créancier le droit de se faire payer sur la chose qui en est l'objet, par privilège et préférence aux autres créanciers ; qu'aux termes de l'article 2074 de ce code : Ce privilège n'a lieu à l'égard des tiers qu'autant qu'il y a un acte authentique ou sous seing privé, dûment enregistré (...) ; que l'article 2076 du même code prévoit : Dans tous les cas, le privilège ne subsiste sur le gage qu'autant que ce gage a été mis et est resté en la possession du créancier ou d'un tiers convenu entre les parties ; qu'aux termes de l'article 2078 dudit code : Le créancier ne peut, à défaut de paiement, disposer du gage, sauf à lui à faire ordonner en justice que ce gage lui demeurera en paiement et jusqu'à due concurrence, d'après une estimation faite par experts, ou qu'il sera vendu aux enchères ; que l'article 1er du décret du 30 septembre 1953 dispose : Tout contrat de vente à crédit ou de prêt destiné à l'achat de véhicules automobiles (...) doit faire l'objet d'un acte sous seing privé dans les conditions fixées à l'article 2074 du code civil (...) ; que l'article 2 de ce décret dispose : Les vendeurs, cessionnaires de créance, escompteurs et prêteurs de deniers pour l'achat des véhicules ou engins visés à l'article 1er devront, pour conserver leur gage, en faire mention sur un registre spécial (...). La déclaration sera faite à la préfecture qui aura délivré la carte grise (...). Un reçu de cette déclaration devra être délivré au créancier gagiste (...). Par la délivrance de ce reçu le créancier gagiste sera réputé avoir conservé la marchandise en sa possession (...) ; que l'article 5 du même décret dispose : Le gage constitué sur un véhicule automobile ou un engin visé à l'article premier (...) doit être déclaré dans les trois mois de la délivrance du récépissé de déclaration de mise en circulation. Le droit du créancier gagiste n'est opposable aux tiers qu'à dater de l'inscription de gage./ Toutefois, le délai de trois mois fixé à l'alinéa précédent n'est pas applicable aux déclarations de gages effectuées par le Trésor public ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, ni les dispositions précitées du décret du 30 septembre 1953, ni aucune disposition législative ou réglementaire ne font obstacle à ce que le Trésor public constitue, le cas échéant, dans les conditions de droit commun prévues par les dispositions précitées du code civil, un gage sur le véhicule que l'un de ses débiteurs aurait remis en sa possession ou en celle d'un tiers, alors même que ce véhicule n'aurait pas été acquis auprès du Trésor ou sur des fonds prêtés au débiteur par ce dernier ; que, dès lors, en jugeant que le Trésor n'est pas au nombre des créanciers pouvant bénéficier d'un gage sur un véhicule automobile, le tribunal administratif de Melun a commis une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué, en tant que celui-ci a statué sur celles des conclusions de sa requête tendant à ce que son véhicule professionnel soit admis en garantie du recouvrement des impositions dont il a demandé le sursis de paiement ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire, dans cette mesure, au titre de la procédure de référé engagée ;

Considérant qu'à la différence du gage constitué sans que le débiteur soit dépossédé de son bien, conformément aux dispositions particulières du décret du 30 septembre 1953 modifié applicables aux seuls contrats de vente à crédit ou de prêt destinés à l'achat d'un véhicule automobile, le gage d'un bien opéré au profit du Trésor dans les conditions de droit commun définies par les dispositions précitées du code civil peut être de nature à constituer, eu égard à la consistance des droits et privilèges conférés par ces dernières dispositions au créancier-gagiste, une garantie propre à assurer le recouvrement d'une imposition, au sens de l'article L. 277 précité du livre des procédures fiscales, sous réserve d'une juste appréciation de la valeur vénale du bien en cause et des risques de sa dépréciation ;

Mais considérant qu'il résulte de l'instruction que ne figurent au dossier aucun élément susceptible d'établir la valeur vénale du véhicule professionnel offert en garantie par M. X ainsi que les risques de dépréciation de ce bien, ni, au demeurant, aucun commencement de preuve de ce que le contribuable entendrait remettre effectivement ce véhicule en la possession du Trésor ou d'un tiers, conformément aux dispositions précitées du code civil, et non proposer la seule inscription du gage prévu par le décret du 30 septembre 1953 modifié ; qu'il suit de là que les conclusions de l'appel interjeté par M. X devant le tribunal administratif de Melun tendant à ce que le véhicule professionnel de l'intéressé soit admis en garantie du recouvrement des impositions dont le contribuable a demandé le sursis de paiement, ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 15 janvier 2002 du tribunal administratif de Melun est annulé, en tant qu'il a statué sur celles des conclusions de la requête de M. X tendant à ce que le véhicule professionnel de l'intéressé soit admis en garantie du recouvrement des impositions dont le contribuable a demandé le sursis de paiement.

Article 2 : Les conclusions mentionnées à l'article 1er, ainsi que le surplus des conclusions présentées par M. X devant le Conseil d'Etat sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Patrice X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 8eme et 3eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 244144
Date de la décision : 10/10/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-05-02-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RECOUVREMENT - PAIEMENT DE L'IMPÔT - SURSIS DE PAIEMENT - GAGE SUSCEPTIBLE DE CONSTITUER UNE GARANTIE PROPRE À ASSURER LE RECOUVREMENT DE L'IMPOSITION (ART. L. 277 DU LPF) - A) EXISTENCE - GAGE D'UN BIEN OPÉRÉ AU PROFIT DU TRÉSOR DANS LES CONDITIONS DE DROIT COMMUN DÉFINIES PAR LE CODE CIVIL - B) ABSENCE - GAGE CONSTITUÉ DANS LES CONDITIONS PRÉVUES PAR LE DÉCRET DU 30 SEPTEMBRE 1953 RELATIVE À LA VENTE À CRÉDIT DES VÉHICULES AUTOMOBILES.

19-01-05-02-02 a) Le gage d'un bien opéré au profit du Trésor dans les conditions de droit commun définies par les dispositions des articles 2073, 2074, 2076 et 2078 du code civil peut être de nature à constituer, eu égard à la consistance des droits et privilèges conférés par ces dernières dispositions au créancier-gagiste, une garantie propre à assurer le recouvrement d'une imposition, au sens de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, sous réserve d'une juste appréciation de la valeur vénale du bien en cause et des risques de sa dépréciation.,,b) Tel n'est pas le cas d'un gage constitué sans que le débiteur soit dépossédé de son bien, conformément aux dispositions particulières du décret du 30 septembre 1953 modifié applicables aux seuls contrats de vente à crédit ou de prêt destinés à l'achat d'un véhicule automobile.


Références :



Publications
Proposition de citation : CE, 10 oct. 2003, n° 244144
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Frédéric Bereyziat
Rapporteur public ?: M. Collin
Avocat(s) : CHOUCROY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:244144.20031010
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