La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/10/2003 | FRANCE | N°251503

France | France, Conseil d'État, 1ere et 2eme sous-sections reunies, 13 octobre 2003, 251503


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 novembre 2002 et 7 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le GROUPEMENT DES ENTREPRISES DE PORTAGE DE PRESSE, dont le siège est ..., représenté par son président en exercice ; le GROUPEMENT DES ENTREPRISES DE PORTAGE DE PRESSE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2002-792 du 3 mai 2002 pris pour l'application des articles L. 213-2, L. 213-3, L. 213-4 et L. 213-5 du code du travail ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser l

a somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du co...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 novembre 2002 et 7 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le GROUPEMENT DES ENTREPRISES DE PORTAGE DE PRESSE, dont le siège est ..., représenté par son président en exercice ; le GROUPEMENT DES ENTREPRISES DE PORTAGE DE PRESSE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2002-792 du 3 mai 2002 pris pour l'application des articles L. 213-2, L. 213-3, L. 213-4 et L. 213-5 du code du travail ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 modifiée ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme de Salins, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Devys, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 213-1-1 du code du travail : Tout travail entre 21 heures et 6 heures est considéré comme travail de nuit ; que le second alinéa du même article prévoit les conditions dans lesquelles les partenaires conventionnels peuvent substituer à cette période une période équivalente ; qu'aux termes de l'article L. 213-2 du même code : Est travailleur de nuit tout travailleur qui : 1° Soit accomplit, au moins deux fois par semaine, selon son horaire de travail habituel, au moins trois heures de son temps de travail quotidien durant la période définie à l'article L. 213-1-1 ;/ 2° Soit accomplit, au cours d'une période de référence, un nombre minimal d'heures de travail de nuit au sens de l'article L. 213-1-1./ Le nombre minimal d'heures de travail de nuit et la période de référence mentionnés au 2° sont fixés par convention ou accord collectif étendu ou, à défaut, par décret en Conseil d'Etat pris après consultation des organisations syndicales les plus représentatives au plan national des employeurs et des salariés ; qu'aux termes de l'article 1er du décret attaqué du 3 mai 2002 pris notamment en application de l'article L. 213-2 du code du travail : En l'absence de définition par une convention ou un accord collectif étendu du nombre minimal d'heures de travail de nuit et de la période de référence mentionnés au 2° de l'article L. 213-2, ce nombre d'heures minimal est de 270 heures de travail accomplies pendant une période de douze mois consécutifs ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la directive n° 93/104 du 23 novembre 1993 modifiée : Aux fins de la présente directive, on entend par : (...) 4) travailleur de nuit : a) d'une part, tout travailleur qui accomplit durant la période nocturne au moins trois heures de son temps de travail journalier accomplies normalement ; b) d'autre part, tout travailleur qui est susceptible d'accomplir, durant la période nocturne, une certaine partie de son temps de travail annuel, définie selon le choix de l'Etat membre concerné : i) par la législation nationale, après consultation des partenaires sociaux ou ii) par des conventions collectives ou accords conclus entre partenaires sociaux au niveau national ou régional ;

Considérant, en premier lieu, que le décret attaqué n'a ni pour objet ni pour effet d'ouvrir aux partenaires conventionnels la faculté de fixer le nombre minimal d'heures de travail de nuit et la période de référence mentionnés au 2° de l'article L. 213-2 du code du travail ; qu'en son article 1er, il se borne à fixer les règles supplétives qui s'appliquent en la matière en l'absence d'accord collectif ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la faculté ouverte par la loi aux partenaires conventionnels de fixer une période de référence éventuellement supérieure à un an serait incompatible avec les objectifs de l'article 4 précité de la directive n° 93/104 modifiée du 23 novembre 1993 qui prévoit un cadre annuel est inopérant à l'encontre du décret attaqué ;

Considérant, en deuxième lieu, que le requérant ne peut non plus soutenir utilement que la définition du travailleur de nuit retenue au 1° de l'article L. 213-2 du code du travail serait incompatible avec les objectifs de la directive précitée dès lors que le décret attaqué ne fait pas application de la règle posée par le législateur sur ce point ;

Considérant, en troisième lieu, d'une part, que, contrairement à ce que soutient le requérant, l'article 1er du décret attaqué n'introduit aucune rupture d'égalité au détriment des salariés travaillant de nuit à titre habituel et au profit de ceux travaillant de nuit de façon irrégulière ; qu'en effet, les premiers peuvent être qualifiés de travailleurs de nuit dès qu'ils accomplissent au moins trois heures de travail de nuit au moins deux fois par semaine et sans qu'il soit donc besoin de comptabiliser leurs heures de travail de nuit aux fins de vérifier si, sur une année, ils atteignent le seuil de 270 heures de travail de nuit, fixé par le décret attaqué ; que, d'autre part, le principe d'égalité n'implique pas que les personnes se trouvant dans des situations différentes soient soumises à des régimes distincts ; qu'ainsi, le décret attaqué a pu fixer un seuil minimal d'heures de travail de nuit unique, sans tenir compte de la nature de l'activité des entreprises ; qu'enfin, si la condition de 270 heures sur douze mois consécutifs retenue par le décret peut avoir pour effet qu'une meilleure protection sera accordée au salarié travaillant deux fois par semaine trois heures de nuit qu'à celui accomplissant un nombre d'heures de nuit plus important dans une semaine mais ne remplissant ni la condition susmentionnée de deux fois trois heures au moins par nuit ni la condition annuelle de 270 heures, cette différence de traitement résulte directement de la loi, qui a retenu le critère du nombre d'heures de travail accomplies au cours d'une nuit de travail, plutôt que celui du nombre d'heures de travail de nuit accomplies dans la semaine ; qu'ainsi, le moyen tiré de la rupture d'égalité ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le GROUPEMENT DES ENTREPRISES PORTAGE DE PRESSE n'est pas fondé à demander l'annulation du décret attaqué ;

Considérant, enfin, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que le GROUPEMENT DES ENTREPRISES DE PORTAGE DE PRESSE demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du GROUPEMENT DES ENTREPRISES DE PORTAGE DE PRESSE est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au GROUPEMENT DES ENTREPRISES DE PORTAGE DE PRESSE, au Premier ministre et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 1ere et 2eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 251503
Date de la décision : 13/10/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 oct. 2003, n° 251503
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: Mme Catherine de Salins
Rapporteur public ?: M. Devys

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:251503.20031013
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award