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22/10/2003 | FRANCE | N°245685

France | France, Conseil d'État, 1ere et 2eme sous-sections reunies, 22 octobre 2003, 245685


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 avril et 22 août 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Denise X, demeurant ... ; Mme X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 28 mars 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 8 octobre 1997 qui a prononcé le sursis à exécution de l'arrêté du 27 mai 1997 l'autorisant à créer une officine de pharmacie à Moulins-les-Metz et du jugement du

tribunal administratif de Strasbourg du 9 juillet 1998 qui a rejeté sa dem...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 avril et 22 août 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Denise X, demeurant ... ; Mme X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 28 mars 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 8 octobre 1997 qui a prononcé le sursis à exécution de l'arrêté du 27 mai 1997 l'autorisant à créer une officine de pharmacie à Moulins-les-Metz et du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 juillet 1998 qui a rejeté sa demande d'annulation de la décision du secrétaire d'Etat à la santé du 6 octobre 1997 retirant l'arrêté du 27 mai 1997 ;

2°) statuant au fond, d'annuler l'arrêté du 6 octobre 1997 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Boulouis, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de Mme X et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du Conseil régional de l'Ordre des pharmaciens de Lorraine et de la chambre syndicale des pharmaciens de Moselle,

- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en application de l'article L. 571 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable, aucune création d'officine pharmaceutique nouvelle ne peut être autorisée dans les communes où une licence a déjà été délivrée à un nombre d'officines déterminé en fonction du nombre d'habitants de la localité ; que, toutefois, aux termes des sixième et septième alinéas du même article, dans sa rédaction issue de la loi du 18 janvier 1994, applicable à la date de la décision contestée, y compris dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle : Si les besoins réels de la population résidente et de la population saisonnière l'exigent, des dérogations à ces règles peuvent être accordées par le préfet (...)/ Les besoins réels de la population résidente et de la population saisonnière (...) sont appréciés au regard, notamment, de l'importance de la population concernée, des conditions d'accès aux officines les plus proches et de la population que celles-ci resteraient appelées à desservir. Le préfet précise, dans sa décision, les populations prises en compte pour l'octroi des licences ;

Considérant que si les dispositions précitées du code de la santé publique font obligation à l'autorité administrative de préciser, lorsqu'elle autorise la création d'une officine, les populations normalement appelées à être desservies par cette officine, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'une requête dirigée contre une telle décision, d'apprécier sa légalité au regard des conditions fixées par le code de la santé publique, en examinant notamment, sans être tenu par les énonciations de la décision, si, compte tenu de son implantation, la création de l'officine répond aux besoins réels de la population résidente et de la population saisonnière ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par arrêté du 27 mai 1997, le ministre du travail et des affaires sociales, statuant sur recours hiérarchique formé par Mme X contre la décision de refus du préfet de la Moselle en date du 16 août 1996, a autorisé l'intéressée à ouvrir par voie dérogatoire une officine de pharmacie à Moulins-les-Metz ; que, sur recours gracieux, le secrétaire d'Etat à la santé a retiré, par arrêté du 6 octobre 1997, la licence accordée à Mme X ; que, dans sa requête dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 juillet 1998 rejetant sa demande d'annulation de la décision du secrétaire d'Etat à la santé du 6 octobre 1997, Mme X soutenait que l'arrêté ministériel du 27 mai 1997 n'était pas illégal et ne pouvait donc être retiré dès lors que l'autorisation qu'il lui avait délivrée répondait aux besoins réels d'autres communes que celles qu'il mentionnait ; qu'il appartenait à la cour administrative d'appel de Nancy d'examiner si les besoins réels de l'ensemble de la population susceptible d'être desservie par l'officine, y compris la population résidant dans d'autres communes que celles mentionnées par l'arrêté ministériel, justifiaient sa création ; que, par suite, en écartant comme inopérant le moyen soulevé devant elle par Mme X, la cour a commis une erreur de droit ; que la requérante est, par suite, fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, en tant qu'il a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 juillet 1998 ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant, en premier lieu, que, pour retirer l'arrêté du 27 mai 1997 autorisant Mme X a créer une officine de pharmacie à Moulins-les-Metz, le secrétaire d'Etat à la santé s'est notamment fondé sur la circonstance que la population susceptible d'être concernée par cette création (...) serait en fait une population de passage (...) , que la population des communes de Jouy-aux-Arches et de Corny-sur-Moselle peut s'approvisionner en médicaments dans les officines situées à Ars et Novéant, communes plus proches de Jouy-aux-Arches et de Corny-sur-Moselle que le lieu de création et que la création autorisée ne répond pas dans ces conditions à des besoins réels de la population résidente et saisonnière au sens de l'article L. 571, alinéas 8 et 9 du code de la santé publique ; que le secrétaire d'Etat à la santé a ainsi, par là-même, exposé les raisons qui motivaient sa décision de retirer l'arrêté du 27 mai 1997, qui reposait sur une appréciation erronée, selon lui, desdits besoins ; qu'ainsi, l'arrêté litigieux est, contrairement à ce que soutient la requérante, suffisamment motivé ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la zone d'activité commerciale de Moulins-les-Metz au sein de laquelle l'arrêté retiré par la décision attaquée a autorisé la création d'une officine pharmaceutique ne comporte aucune population résidente ou saisonnière ; que la population des communes de Jouy-aux-Arches, de Corny-sur-Moselle et d'Arry peut s'approvisionner en médicaments, sans réelle difficulté, dans les officines situées à Ars et Novéant, communes plus proches de Jouy-aux-Arches, de Corny-sur-Moselle et d'Arry que la zone d'activité commerciale de Moulins-les-Metz ; qu'ainsi, l'officine dont la création avait été autorisée par l'arrêté retiré par la décision attaquée ne pouvait être regardée comme répondant à des besoins réels au sens des dispositions précitées du code de la santé publique ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le secrétaire d'Etat à la santé saisi d'un recours gracieux dirigé contre l'arrêté du 27 mai 1997, ne pouvait légalement en prononcer le retrait, ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 9 juillet 1998, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 6 octobre 1997 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à Mme X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner Mme X à verser respectivement à la pharmacie Maleterre, à la pharmacie de la plage, à Mlle Y, à la société Jankowski Leduc, à M. Z, à M. A, à la pharmacie de la République, à M. B, à M. C, à M. D, à M. E, à M. F, à Mme G, au Conseil régional de l'Ordre des pharmaciens de Lorraine, à la chambre syndicale des pharmaciens de Moselle et à M. H, une somme de 100 euros à ce titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 28 mars 2002 est annulé en tant qu'il a rejeté la requête de Mme X dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 juillet 1998.

Article 2 : La requête présentée par Mme X devant la cour administrative d'appel de Nancy et dirigée contre ledit jugement est rejetée.

Article 3 : Mme X versera à la pharmacie Maleterre, à la pharmacie de la plage, à Mlle Y, à la société Jankowski Leduc, à M. Z, à M. A, à la pharmacie de la République, à M. B, à M. C, à M. D, à M. E, à M. F, à Mme G, au Conseil régional de l'Ordre des pharmaciens de Lorraine, à la chambre syndicale des pharmaciens de Moselle et à M. H, une somme de 100 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Denise X, à la pharmacie Maleterre, à la pharmacie de la plage, à Mlle Marie-Françoise Y, à la société Jankowski Leduc, à M. Jacques Z, à M. Alain A, à la pharmacie de la République, à M. Lionel B, à M. Benoît C, à M. Philippe D, à M. Jean-Marie E, à M. Philippe F, à Mme G, au Conseil régional de l'Ordre des pharmaciens de Lorraine, à la chambre syndicale des pharmaciens de Moselle et à M. Jean-Jacques H et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.


Synthèse
Formation : 1ere et 2eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 245685
Date de la décision : 22/10/2003
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 oct. 2003, n° 245685
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Robineau
Rapporteur ?: M. Boulouis
Rapporteur public ?: M. Stahl
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:245685.20031022
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