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24/10/2003 | FRANCE | N°250471

France | France, Conseil d'État, 7eme sous-section jugeant seule, 24 octobre 2003, 250471


Vu la requête, enregistrée le 20 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Ouali A..., élisant domicile chez Me Alban Y..., avocat au barreau de Grenoble, demeurant Y ; M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 24 août 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 16 juillet 2002 par lesquels le préfet de l'Isère a ordonné sa reconduite à la frontière et fixé l'Algérie comme pays à destination duquel

il doit être reconduit ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces arrêtés ;
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Vu la requête, enregistrée le 20 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Ouali A..., élisant domicile chez Me Alban Y..., avocat au barreau de Grenoble, demeurant Y ; M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 24 août 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 16 juillet 2002 par lesquels le préfet de l'Isère a ordonné sa reconduite à la frontière et fixé l'Algérie comme pays à destination duquel il doit être reconduit ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces arrêtés ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 820 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. J. Boucher, Auditeur,

- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A..., dans son mémoire enregistré le 22 août 2002 au greffe du tribunal administratif de Grenoble, avait soulevé, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 juillet 2002 ordonnant sa reconduite à la frontière, un moyen tiré de l'erreur manifeste commise par le préfet de l'Isère dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle ; que, toutefois, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif n'a pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant ; que, par suite, M. A... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'un défaut de réponse à un moyen et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 6° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé ; qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile : L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit à s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la commission des recours. Il dispose d'un délai d'un mois à compter de la notification du refus de renouvellement ou du retrait de son autorisation de séjour pour quitter volontairement le territoire français ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en application des dispositions précitées de l'article 12 de la loi du 25 juillet 1952, le préfet de l'Isère a, par une décision du 1er février 2002 notifiée le 5 du même mois, refusé à M. A..., ressortissant algérien, dont la demande de reconnaissance du statut de réfugié avait été rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 8 juin 2001, confirmée par une décision de la commission des recours des réfugiés du 23 janvier 2002, le renouvellement de son récépissé de demande de carte de séjour ; que M. A... s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification de la décision du 1er février 2002 ; qu'ainsi l'intéressé se trouvait dans le cas prévu par les dispositions combinées du 6° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et de l'article 12 de la loi du 25 juillet 1952, où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Sur la légalité externe des arrêtés du 16 juillet 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A... et fixant l'Algérie comme pays à destination duquel il doit être reconduit :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les arrêtés litigieux ont été signés par délégation du préfet de l'Isère et pour le secrétaire général absent, par le sous-préfet chargé de mission, secrétaire général adjoint, M. Patrick Z... ; que ce dernier a reçu, par un arrêté du 18 mars 2002 publié au recueil des actes administratifs du département du même mois, délégation du préfet de l'Isère à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Dominique X..., secrétaire général, tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances diverses à l'exception de certains actes limitativement énumérés, parmi lesquels ne figurent ni les arrêtés de reconduite à la frontière ni les décisions fixant le pays de destination de la reconduite ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et qu'il n'est d'ailleurs pas soutenu, que M. X... n'ait pas été absent à la date d'édiction des arrêtés litigieux ; que, par suite, le moyen tiré par M. A... de l'incompétence du signataire de ces arrêtés manque en fait ;

Considérant, en second lieu, que les arrêtés litigieux, qui comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, sont suffisamment motivés ;

Sur la légalité interne de l'arrêté du 16 juillet 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A... :

Considérant, en premier lieu, que si M. A... fait valoir qu'une de ses sours et plusieurs de ses oncles et tantes résident régulièrement en France, et s'il soutient qu'il est parfaitement intégré dans la société française, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé, qui est célibataire et sans enfants, soit dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, où vivent notamment ses parents ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet de l'Isère du 16 juillet 2002 n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la circonstance que M. A... résidait en France depuis presque trois ans à la date de l'arrêté litigieux, que la mesure de reconduite à la frontière prise à l'encontre de ce dernier soit entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Considérant, en troisième lieu, que, si l'arrêté litigieux indique à tort que M. A... est entré irrégulièrement en France, alors qu'il n'est pas contesté qu'il y est entré sous couvert d'un visa de court séjour, cette erreur est sans influence sur la légalité de cet arrêté, dès lors que le préfet de l'Isère ne s'est pas fondé sur cette circonstance pour décider la reconduite à la frontière de l'intéressé ;

Considérant, en quatrième lieu, que si M. A... excipe de l'illégalité du refus d'asile territorial qui lui a été opposé par une décision du ministre de l'intérieur du 19 septembre 2000, confirmée sur recours gracieux le 12 janvier 2001, il ressort des pièces du dossier que la décision du 1er février 2002 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de renouveler le récépissé de demande de carte de séjour de M. A... et l'a invité à quitter le territoire français dans le délai d'un mois n'est pas fondée sur le refus d'asile territorial opposé à l'intéressé par la décision précitée du 19 septembre 2000 ; que, par suite, le moyen tiré par M. A... de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité interne de l'arrêté du 16 juillet 2002 fixant l'Algérie comme pays à destination duquel M. A... doit être reconduit :

Considérant que, si M. A... soutient qu'il aurait fait l'objet de menaces de la part de groupes islamistes armés à l'occasion de l'accomplissement de ses obligations militaires, il n'établit pas la réalité des risques auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour en Algérie ; que, par suite, l'arrêté litigieux n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation des arrêtés du 16 juillet 2002 ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant l'Algérie comme pays à destination duquel il doit être reconduit ;

Sur les conclusions de M. A... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. A... la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble du 24 août 2002 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Ouali A..., au préfet de l'Isère et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 7eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 250471
Date de la décision : 24/10/2003
Type d'affaire : Administrative

Publications
Proposition de citation : CE, 24 oct. 2003, n° 250471
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: M. J. Boucher
Rapporteur public ?: M. Piveteau

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:250471.20031024
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