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24/10/2003 | FRANCE | N°251250

France | France, Conseil d'État, 2eme sous-section jugeant seule, 24 octobre 2003, 251250


Vu la requête, enregistrée le 28 octobre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU VAL-D'OISE ; le PREFET DU VAL-D'OISE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 7 octobre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 23 septembre 2002 décidant la reconduite à la frontière de Mme Y... ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme devant le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Vu les autres pièces du dossie

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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés f...

Vu la requête, enregistrée le 28 octobre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU VAL-D'OISE ; le PREFET DU VAL-D'OISE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 7 octobre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 23 septembre 2002 décidant la reconduite à la frontière de Mme Y... ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme devant le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Mary, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme est entrée régulièrement le 28 mai 1991 en France, qu'elle exerce une activité professionnelle depuis 1992 et qu'elle vit maritalement depuis 1998 avec un ressortissant français, ainsi que l'établissent les attestations produites par l'intéressée ; qu'elle suit un traitement médical qui rend nécessaire la présence de son compagnon auprès d'elle et qu'elle ne pourrait, de ce fait, poursuivre en Algérie ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le PREFET DU VAL-D'OISE, en décidant la reconduite à la frontière de l'intéressée, a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris cette décision ; qu'ainsi, il a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, le PREFET DU VAL-D'OISE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 23 septembre 2002 décidant la reconduite à la frontière de Mme ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public... prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public... prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ; qu'aux termes du III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, ... l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas ;

Considérant que la présente décision rejette la requête du PREFET DU VAL-D'OISE tendant à l'annulation du jugement annulant l'arrêté décidant la reconduite à la frontière de Mme , et non une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour ; que, dès lors, Mme n'est pas fondée à invoquer l'autorité de la chose jugée qui s'attacherait aux motifs de la présente décision pour soutenir que celle-ci implique nécessairement, au sens des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, la délivrance d'une carte de séjour temporaire ;

Mais considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions du III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, non seulement de munir l'intéressée d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée, au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre au PREFET DU VAL-D'OISE de se prononcer sur la situation de Mme dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du PREFET DU VAL-D'OISE est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au PREFET DU VAL-D'OISE de statuer sur la régularisation de la situation de Mme dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme devant le Conseil d'Etat est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU VAL-D'OISE, à Mme X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 2eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 251250
Date de la décision : 24/10/2003
Type d'affaire : Administrative

Publications
Proposition de citation : CE, 24 oct. 2003, n° 251250
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Boyon
Rapporteur ?: M. Jean-François Mary
Rapporteur public ?: Mme de Silva

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:251250.20031024
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