Vu la requête, enregistrée le 7 février 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU VAL-D'OISE ; le PREFET DU VAL-D'OISE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 25 janvier 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 9 janvier 2002 décidant la reconduite à la frontière de Mme Agnès X..., Y ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme de Salins, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de Mme X..., Y,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y, de nationalité ghanéenne, s'est maintenue dans de telles conditions sur le territoire français ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, l'intéressée était mariée depuis près de trois ans à un compatriote entré en France en 1992 où il a obtenu la reconnaissance du statut de réfugié et qui est désormais titulaire d'une carte de résident ; qu'il n'est pas contesté que son conjoint souffrait d'une affection de longue durée rendant nécessaire la présence à ses côtés de son épouse tant pour lui-même que pour s'occuper de deux enfants mineurs qu'il a eus d'un précédent mariage ; que, dans les circonstances de l'espèce, nonobstant la brièveté de son séjour en France et alors même qu'elle a conservé des attaches dans son pays d'origine, où vivent deux enfants qu'elle a eus d'un précédent mariage, et qu'elle pourrait bénéficier de la procédure de regroupement familial, la mesure de reconduite à la frontière a porté à la vie familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et méconnaît, par suite, l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU VAL-D'OISE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 9 janvier 2002 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction de Mme Y :
Considérant qu'aux termes du III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le jugement attaqué ait été suivi de la délivrance de cette autorisation provisoire ; que, par suite, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et d'enjoindre au PREFET DU VAL-D'OISE de délivrer à Mme Y une autorisation provisoire de séjour ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que Mme Y a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de Mme Y, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de condamner l'Etat à payer à la SCP Boré, Xavier et Boré la somme de 2 300 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du PREFET DU VAL-D'OISE est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint au PREFET DU VAL-D'OISE de délivrer à Mme Y une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de Mme Y, une somme de 2 300 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ladite société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU VAL-D'OISE, à Mme Agnès X..., Y et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.