La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/11/2003 | FRANCE | N°247309

France | France, Conseil d'État, 8eme sous-section jugeant seule, 05 novembre 2003, 247309


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mai et 27 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARS DE LA-FERTE-SOUS-JOUARRE, dont le siège est ... ; la société requérante demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 12 mars 2002 de la cour administrative d'appel de Paris, en tant que celui-ci rejette son appel dirigé contre le jugement du 3 février 2000 par lequel le tribunal administratif de Versailles, statuant après jugement avant-dire droit du 8 juillet 1999, a re

jeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mai et 27 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARS DE LA-FERTE-SOUS-JOUARRE, dont le siège est ... ; la société requérante demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 12 mars 2002 de la cour administrative d'appel de Paris, en tant que celui-ci rejette son appel dirigé contre le jugement du 3 février 2000 par lequel le tribunal administratif de Versailles, statuant après jugement avant-dire droit du 8 juillet 1999, a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1984 et 1985, ainsi que des pénalités de mauvaise foi dont ces cotisations ont été assorties ;

2°) statuant au fond, de lui accorder la décharge de ces impositions, en droits et pénalités ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Mourier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARS DE LA FERTE-SOUS-JOUARRE,

- les conclusions de M. Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARS DE LA-FERTE-SOUS-JOUARRE a fait l'objet, en matière d'impôt sur les sociétés, d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos de 1984 à 1986 ; qu'à l'issue de ce contrôle, le vérificateur a notamment estimé que les soldes de fin d'exercice du compte clients avaient été systématiquement et délibérément minorés par la passation, au 31 décembre de chaque année, d'écritures d'extourne, suivies de contre-passations de même montant en début d'exercice suivant ; que, par voie de conséquence, le vérificateur a, d'une part, rehaussé les bénéfices imposables de la société au titre des deux premiers exercices vérifiés, d'autre part, réduit le déficit déclaré par l'intéressée au titre de l'exercice clos en 1986 ; que les premiers de ces redressements ont été assortis de majorations pour mauvaise foi ; que la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARS DE LA FERTE-SOUS-JOUARRE a relevé appel des jugements des 8 juillet 1999 et 3 février 2000 par lesquels le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en décharge des droits supplémentaires et pénalités d'impôt sur les sociétés auxquels elle a ainsi été assujettie au titre des exercices clos en 1984 et 1985, et contesté en outre la réduction de son déficit au titre de l'exercice clos en 1986 ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 12 mars 2002 de la cour administrative d'appel de Paris, en tant seulement que celui-ci a rejeté ses conclusions relatives aux deux premiers exercices vérifiés ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'au soutien de son moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition, la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARS DE LA FERTE-SOUS-JOUARRE s'est prévalue, devant la cour, des termes d'une lettre du ministre chargé du budget, datée du 5 avril 1989 et antérieure à la mise en recouvrement des impositions litigieuses ; que la société a alternativement soutenu, d'une part, que cette lettre contenait une prise de position formelle de l'administration fiscale sur sa situation de fait, au sens des dispositions combinées du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales et de l'article L. 80 B du même livre, d'autre part, que cette même lettre constituait une décision administrative individuelle rendue par le ministre et dont les termes emportaient nécessairement une réduction, à concurrence de la somme de 295 608 F, des droits supplémentaires d'impôt sur les sociétés pouvant lui être réclamés au titre de l'ensemble des exercices vérifiés ; qu'en s'abstenant de répondre à la seconde branche de ce moyen, qui n'était pas inopérante, la cour a entaché son arrêt d'une première irrégularité ;

Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la cour a omis de répondre au moyen d'appel par lequel la société requérante contestait le bien-fondé des majorations pour mauvaise foi mises à sa charge ; que, ce faisant, la cour a entaché son arrêt d'une seconde irrégularité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARS DE LA FERTE-SOUS-JOUARRE est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, en tant que celui-ci a rejeté ses conclusions en décharge des droits supplémentaires et pénalités d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1984 et 1985 ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Sur la portée de la lettre ministérielle du 5 avril 1989 :

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir reçu notification des redressements initialement envisagés par le vérificateur à l'issue de la vérification de comptabilité dont elle avait fait l'objet, puis accepté certains de ces redressements, la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARS DE LA FERTE-SOUS-JOUARRE a sollicité un parlementaire d'intervenir en sa faveur auprès du ministre chargé du budget ; que dans un premier temps, celui-ci a indiqué au parlementaire en cause, par une lettre datée du 5 avril 1989, d'une part, que les rappels d'impôt sur les sociétés notifiés (...) (seraient) réduits (...) de 295 608 F, d'autre part, que les différends qui persistaient sur certains des redressements seraient soumis à l'appréciation de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que l'avis de cette commission est intervenu le 27 septembre 1989 ; que, par une nouvelle lettre adressée au même parlementaire et datée du 11 décembre 1990, le ministre a, en premier lieu, rappelé que les solutions exposées dans (sa) lettre du 5 avril 1989 (...) (conservaient) toute (leur) valeur (...), les redressements dont l'abandon (avait) été annoncé (n'étant) pas maintenus, en deuxième lieu, précisé que l'administration se rangeait pour le surplus à l'avis de la commission départementale et qu'ainsi les bases d'impositions finalement retenues pour établir les suppléments d'imposition seraient fixées, pour les exercices 1984 et 1985, aux sommes de 1 271 120 F et 60 860 F, le détail de ces bases et des chefs de redressement abandonnés ou maintenus étant présenté dans une annexe jointe à cette lettre, en troisième et dernier lieu, enjoint la société de se rapprocher des services fiscaux pour transiger sur le montant des majorations dont ces suppléments seraient assortis ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, les lettres des 5 avril 1989 et 11 décembre 1990 doivent être regardées comme constituant une unique décision prise par le ministre chargé du budget dans l'exercice de sa juridiction gracieuse ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, les termes de cette décision invoqués par la contribuable se bornent à prévoir la remise d'une partie des droits supplémentaires dus par l'intéressée, à raison de l'abandon de chefs de redressement dont le montant cumulé s'élevait, en base, à la somme de 295 608 F ; qu'il résulte en outre de l'instruction que les suppléments d'imposition mis à la charge de la société par les avis de mise en recouvrement datés du 31 décembre 1990 ont été établis sur les bases ainsi définies par les lettres ministérielles en cause ; qu'il suit de là que le moyen tiré par la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARS DE LA FERTE-SOUS-JOUARRE de ce que les décisions d'imposition litigieuses ne seraient pas conformes aux prévisions de la lettre ministérielle du 5 avril 1989, manque en fait ; que, par voie de conséquence, la société contribuable ne peut utilement faire valoir que cette décision constituerait une prise de position formelle de l'administration fiscale sur sa situation de fait, au sens des dispositions combinées du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales et de l'article L. 80 B du même livre ;

Sur les majorations pour mauvaise foi :

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la clôture de chacun des exercices vérifiés, les soldes du compte clients inscrits dans la comptabilité de la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARS DE LA FERTE-SOUS-JOUARRE ont fait systématiquement et délibérément l'objet d'écritures d'extourne destinées à les faire échapper à l'impôt ; que, par suite, et alors même que ces écritures auraient été contre-passées à due concurrence en début d'exercice suivant, la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARS DE LA FERTE-SOUS-JOUARRE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les suppléments d'impôt mis à sa charge au titre des exercices clos de 1984 à 1985 et correspondant aux minorations de recettes ainsi mises en évidence ont été assortis des majorations exclusives de bonne foi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARS DE LA FERTE-SOUS-JOUARRE devant la cour administrative d'appel de Paris et relatives aux droits supplémentaires et pénalités d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices clos en 1984 et 1985 ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 12 mars 2002 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé, en tant qu'il a statué sur les conclusions en décharge des droits supplémentaires et pénalités d'impôt sur les sociétés auxquels la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARS DE LA FERTE-SOUS-JOUARRE a été assujettie au titre des exercices clos en 1984 et 1985.

Article 2 : Les conclusions de la requête de la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARS DE LA FERTE-SOUS-JOUARRE devant la cour administrative d'appel de Paris, ensemble le surplus des conclusions de son pourvoi devant le Conseil d'Etat, sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARS DE LA FERTE-SOUS-JOUARRE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 8eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 247309
Date de la décision : 05/11/2003
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 05 nov. 2003, n° 247309
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Le Roy
Rapporteur ?: M. Pierre-François Mourier
Rapporteur public ?: M. Collin
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:247309.20031105
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award