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14/11/2003 | FRANCE | N°258384

France | France, Conseil d'État, 1ere et 2eme sous-sections reunies, 14 novembre 2003, 258384


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 juillet et 22 juillet 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE G4 INVESTISSEMENTS, dont le siège est ... ; la SOCIETE G4 INVESTISSEMENTS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 20 juin 2003 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de suspension de l'exécution de l'arrêté du 14 mars 2003 du maire de Crolles décidant d'exercer le droit de préemption de la commune à l'occasion de la vente d'un t

nement industriel sis ... ;

2°) de prononcer la suspension de la décisi...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 juillet et 22 juillet 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE G4 INVESTISSEMENTS, dont le siège est ... ; la SOCIETE G4 INVESTISSEMENTS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 20 juin 2003 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de suspension de l'exécution de l'arrêté du 14 mars 2003 du maire de Crolles décidant d'exercer le droit de préemption de la commune à l'occasion de la vente d'un tènement industriel sis ... ;

2°) de prononcer la suspension de la décision de préemption du 14 mars 2003 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme de Clausade, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Odent, avocat de la SOCIETE G4 INVESTISSEMENTS et de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la commune de Crolles,

- les conclusions de M. Devys, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ;

Considérant que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a, par le motif que la condition d'urgence posée à l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'était selon lui pas remplie, rejeté la demande de la SOCIETE G4 INVESTISSEMENTS qui tendait à la suspension de l'exécution de l'arrêté du maire de Crolles, en date du 14 mars 2003, décidant de préempter, aux prix et conditions stipulés dans la déclaration d'intention d'aliéner, l'immeuble pour l'achat duquel la SOCIETE G4 INVESTISSEMENTS avait signé le 26 juillet 2002 une promesse de vente avec le propriétaire de ce bien ;

Considérant que, pour estimer que la condition d'urgence n'était pas remplie, le juge des référés s'est fondé sur ce que la promesse de vente comportait une clause suspensive au cas où la société Volkswagen ne donnerait pas son accord pour la réalisation du projet de garage envisagé par la société G4 pour le compte de ladite société, et que la SOCIETE G4 INVESTISSEMENTS, nonobstant le fait qu'elle avait renoncé vis-à-vis du propriétaire à se prévaloir de cette clause suspensive, n'apportait pas la preuve qu'elle avait obtenu cet accord ;

Considérant, toutefois, que si le défaut d'un tel accord aurait pu avoir pour effet de mettre fin aux obligations que la promesse de vente imposait à l'acquéreur à l'égard du vendeur, il ne fait pas obstacle à ce qu'en cas d'annulation de la décision de préemption, qui, seule empêche la poursuite de la vente, et si l'acquéreur évincé en est d'accord, la vente soit poursuivie ; qu'il peut ainsi subsister une urgence pour l'acquéreur évincé à obtenir la suspension de la décision de préemption ; que l'ordonnance attaquée est, par suite, entachée d'erreur de droit et doit, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, être annulée ;

Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la SOCIETE G4 INVESTISSEMENTS ;

Considérant, d'une part, qu'eu égard à l'objet d'une décision de préemption et à ses effets vis-à-vis de l'acquéreur évincé, la condition d'urgence doit en principe être constatée lorsque celui-ci demande la suspension d'une telle décision ; qu'il peut toutefois en aller autrement dans le cas où le titulaire du droit de préemption justifie de circonstances particulières, tenant par exemple à l'intérêt s'attachant à la réalisation rapide du projet qui a donné lieu à l'exercice du droit de préemption ; qu'il appartient au juge des référés de procéder à une appréciation globale des circonstances de l'espèce qui lui est soumise ; qu'en l'espèce, alors que la réalité du projet de la SOCIETE G4 INVESTISSEMENTS est établie par les pièces du dossier, et avait d'ailleurs donné lieu à des échanges avec la commune, celle-ci ne fait état d'aucune circonstance particulière caractérisant la nécessité pour elle de réaliser immédiatement le projet qui a motivé l'exercice du droit de préemption ; que, dans ces conditions, la condition d'urgence énoncée à l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie ;

Considérant, d'autre part, que le moyen tiré de ce que la décision de préemption ne correspondait pas à un véritable projet municipal d'aménagement, au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du maire de Crolles en date du 14 mars 2003 ;

Considérant, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, qu'en l'état du dossier aucun autre moyen ne paraît susceptible de fonder la suspension demandée ;

Considérant qu'il y a lieu, dès lors, de suspendre l'exécution de l'arrêté du maire de Crolles en date du 14 mars 2003 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SOCIETE G4 INVESTISSEMENTS qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à la commune de Crolles la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de la SOCIETE G4 INVESTISSEMENTS tendant à ce que la commune soit condamnée, en application des mêmes dispositions, à lui verser une somme de 2 500 euros, au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, en date du 20 juin 2003, est annulée.

Article 2 : L'exécution de l'arrêté en date du 14 mars 2003 par lequel le maire de Crolles a fait usage du droit de préemption de la commune est suspendue.

Article 3 : La commune de Crolles versera à la SOCIETE G4 INVESTISSEMENTS la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Crolles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE G4 INVESTISSEMENTS, à la commune de Crolles, à la société Ugimag et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 1ere et 2eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 258384
Date de la décision : 14/11/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 nov. 2003, n° 258384
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mme de Clausade
Rapporteur public ?: M. Devys
Avocat(s) : ODENT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:258384.20031114
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