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19/11/2003 | FRANCE | N°255439

France | France, Conseil d'État, 6eme et 4eme sous-sections reunies, 19 novembre 2003, 255439


Vu le recours, enregistré le 26 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES ; le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 11 mars 2003 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, à la demande de l'association X... France Nature Environnement Aquitaine a, d'une part, suspendu l'exécution de la décision implicite du préfet de la Gironde refusant d'abroger

ses arrêtés des 17 avril 1980 et 23 septembre 1980 portant orga...

Vu le recours, enregistré le 26 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES ; le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 11 mars 2003 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, à la demande de l'association X... France Nature Environnement Aquitaine a, d'une part, suspendu l'exécution de la décision implicite du préfet de la Gironde refusant d'abroger ses arrêtés des 17 avril 1980 et 23 septembre 1980 portant organisation de la lutte contre les ragondins et, d'autre part, enjoint au préfet de modifier l'arrêté du 17 avril 1980 en abrogeant les articles 4 et 5 relatifs à l'utilisation de bromadiolone, dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l'ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de l'association X... France Nature Environnement Aquitaine tendant en premier lieu à la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle le préfet de la Gironde a refusé d'abroger ses arrêtés des 17 avril 1980 et 23 septembre 1980 portant organisation de la lutte contre les ragondins, en second lieu à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde d'abroger ces arrêtés dans le délai le plus bref possible et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, en troisième lieu à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 92/43/CEE, du Conseil, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que la faune et la flore sauvage ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code rural ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Henrard, Auditeur,

- les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de l'association X... France Nature Environnement Aquitaine,

- les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'abrogation et le remplacement, par l'arrêté du MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES du 8 juillet 2003 relatif notamment à la lutte contre le ragondin, de l'arrêté du même ministre du 12 juillet 1979 ayant le même objet, sur le fondement duquel ont été pris les arrêtés du préfet de la Gironde des 17 avril 1980 et 23 septembre 1980 précédemment en vigueur, ne prive pas ceux-ci d'effets dès lors que l'autorité préfectorale dispose d'un délai raisonnable pour assurer leur mise en conformité avec le nouvel arrêté ministériel et que celui-ci ne les a pas implicitement abrogés ; que dès lors le recours du MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES, tendant à l'annulation de l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a suspendu l'exécution de la décision implicite du préfet de la Gironde refusant d'abroger les arrêtés précités, n'est pas privé d'objet ; que, par suite, il y a lieu de statuer sur ce recours ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du recours :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant que la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou, le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ;

Considérant qu'il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que pour accueillir la demande de l'association X... France Nature Environnement Aquitaine, tendant notamment à la suspension de l'exécution de la décision implicite du préfet de la Gironde refusant d'abroger ses arrêtés des 17 avril 1980 et 23 septembre 1980 portant organisation de la lutte contre les ragondins, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a constaté l'urgence justifiant la suspension de la décision attaquée à partir du ... caractère non sélectif des appâts additionnés de bromadiolone dont il ressort d'une étude récente figurant au dossier que l'usage n'est pas exempt de risques importants à la fois pour la faune sauvage et domestique et la santé humaine ... ;

Considérant qu'il résulte de l'examen des pièces du dossier soumis au juge des référés que l'étude en question, intitulée Plan national de restauration du vison d'Europe - mise en évidence d'intoxications secondaires aux anticoagulants chez les mustélidés semi-aquatiques : implications pour la conservation du vison d'Europe, dont l'objet est de cerner les conséquences indirectes de la lutte chimique contre les ragondins sur la mortalité du vison d'Europe, espèce protégée, ne contient aucune mention de risques pour l'être humain ou la faune domestique ; que, par suite, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en attribuant à cette étude, pour justifier l'urgence, des conclusions manifestement étrangères à son contenu ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Gironde :

Considérant que les moyens avancés par l'association et tirés, en premier lieu, du défaut de base légale des arrêtés préfectoraux des 17 avril 1980 et 23 septembre 1980, du fait de l'illégalité de l'arrêté du ministre chargé de l'agriculture du 12 juillet 1979 sur lequel ils sont fondés au regard de l'article R. 5167 du code de la santé publique, en second lieu, de l'illégalité des arrêtés préfectoraux précités au regard de la directive 92/43/CEE, du Conseil, dite Habitats et de l'arrêté du ministre chargé de la chasse du 1er août 1986, enfin en troisième lieu, de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet de la Gironde en refusant implicitement d'abroger les arrêtés précités, ne sont pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité de cette dernière décision de refus ; que, par suite, la demande de suspension de l'association X... France Nature Environnement Aquitaine ne peut être accueillie ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à l'association X... France Nature Environnement Aquitaine la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 11 mars 2003 du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux est annulée.

Article 2 : La requête de l'association X... France Nature Environnement Aquitaine devant le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de l'association X... France Nature Environnement Aquitaine tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES et à l'association X... France Nature Environnement Aquitaine.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 19 nov. 2003, n° 255439
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Henrard
Rapporteur public ?: M. Guyomar
Avocat(s) : SCP BORE, XAVIER ET BORE

Origine de la décision
Formation : 6eme et 4eme sous-sections reunies
Date de la décision : 19/11/2003
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 255439
Numéro NOR : CETATEXT000008139674 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2003-11-19;255439 ?
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