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24/11/2003 | FRANCE | N°256856

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 24 novembre 2003, 256856


Vu la requête, enregistrée le 15 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Makan X..., demeurant Y ; M. X... demande au président de la section du contentieux du Conseil d' Etat :

1°) d'annuler le jugement du 24 février 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 septembre 2002 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre

au préfet de réexaminer sa situation dans un délai déterminé ;

4°) de condamner l'Etat à l...

Vu la requête, enregistrée le 15 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Makan X..., demeurant Y ; M. X... demande au président de la section du contentieux du Conseil d' Etat :

1°) d'annuler le jugement du 24 février 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 septembre 2002 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai déterminé ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 800 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

les conclusions de M. Devys, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité malienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification le 26 septembre 2001 de la décision du préfet de police en date du 21 septembre 2001, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées ;

Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale prévue au premier alinéa du même article est délivrée de plein droit : (...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ; (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... réside habituellement en France depuis plus de dix ans ; que, par suite, le préfet de police ne pouvait légalement prendre à son encontre l'arrêté de reconduite à la frontière du 4 septembre 2002 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin de régularisation de la situation administrative de l'intéressé :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ; que le III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dispose que : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas ;

Considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées du III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet de police de se prononcer sur la situation de M. X... dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de condamner l'Etat à payer à M. X... la somme de 800 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du 24 février 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police en date du 4 septembre 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... sont annulés.

Article 2 : Le préfet de police statuera sur la situation de M. X... dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat est condamné à payer à M. X... la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Makan X..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : President de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 256856
Date de la décision : 24/11/2003
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 nov. 2003, n° 256856
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Imbert-Quaretta
Rapporteur ?: M. XX
Rapporteur public ?: M. Devys

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:256856.20031124
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