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28/11/2003 | FRANCE | N°254014

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 28 novembre 2003, 254014


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 février et 7 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Armen A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 31 août 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision de reconduite à la frontière que révèlerait son placement en centre de rétention administrative ordonné par le préfet de l'Isère, le 29 août 2002, en e

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 février et 7 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Armen A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 31 août 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision de reconduite à la frontière que révèlerait son placement en centre de rétention administrative ordonné par le préfet de l'Isère, le 29 août 2002, en exécution de l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre le 8 juillet 2000 par le préfet du Rhône et, d'autre part, de la décision du même jour par laquelle le préfet du Rhône aurait implicitement décidé de l'éloigner à destination de l'Arménie ;

2°) d'annuler ces deux décisions ;

3°) de condamner l'Etat à payer 2 300 euros à la SCP Peignot et Garreau en application des dispositions de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales signée le 4 novembre 1950 ;

Vu le code civil ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme von Coester, Auditeur,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que lorsqu'un arrêté de reconduite à la frontière a été dépourvu de mesure d'exécution pendant une durée anormalement longue, caractérisée par un changement de circonstances de fait ou de droit, et que ce retard est exclusivement imputable à l'administration, l'exécution d'office d'une reconduite à la frontière doit être regardée comme fondée non sur l'arrêté initial mais sur un nouvel arrêté de reconduite à la frontière, dont l'existence est révélée par la mise en oeuvre de l'exécution d'office elle-même et qui doit être regardé comme s'étant substitué à l'arrêté initial ;

Considérant qu'en l'espèce deux années se sont écoulées entre l'intervention de l'arrêté du 8 juillet 2000 décidant la reconduite à la frontière de M. A et la décision du 29 août 2002 ordonnant son maintien dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire en vue d'assurer l'exécution dudit arrêté ; qu'il n'est pas contesté qu'entre-temps, le 12 juin 2002, M. A a saisi le tribunal de grande instance de Lyon en vue de se voir reconnaître la nationalité française ; qu'il ne ressort pas du dossier que le retard mis à exécuter l'arrêté de reconduite à la frontière du 8 juillet 2000 trouverait son origine dans la volonté de l'intéressé de s'y soustraire ou dans une autre cause étrangère à l'autorité administrative ; qu'en particulier, le caractère exécutoire de cet arrêté n'étant pas suspendu ni à l'issue du recours formé à son encontre par M. A, ni, plus encore, à l'issue de la procédure engagée deux ans après devant le tribunal de grande instance de Lyon, l'administration ne saurait utilement invoquer les délais de la procédure contentieuse ; que dès lors, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce et à la durée de la période écoulée depuis la notification de l'arrêté du 8 juillet 2000, le préfet de l'Isère, en décidant le maintien en rétention administrative de M. A en vue de procéder à son éloignement du territoire français, a pris une nouvelle mesure de reconduite à la frontière qui s'est substituée à l'arrêté initial et pouvait faire l'objet d'un recours contentieux ;

Considérant qu'il suit de là que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour rejeter sa demande d'annulation, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur ce que sa requête n'était pas dirigée contre des décisions distinctes de l'arrêté du préfet du Rhône en date du 8 juillet 2000 ordonnant sa reconduite à la frontière ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Lyon ;

Considérant que M. A est de nationalité française ainsi qu'il ressort du jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 4 septembre 2003 ; que, par suite, la mesure de reconduite à la frontière de M. A ordonnée par le préfet de l'Isère se trouve privée de base légale ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ladite décision ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer la somme de 2 300 euros à la SCP Peignot et Garreau, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon en date du 31 août 2002 et la mesure de reconduite à la frontière de M. A ordonnée par le préfet de l'Isère le 29 août 2002 sont annulés.

Article 2 : L'Etat paiera la somme de 2 300 euros à la SCP Peignot et Garreau, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Armen A, au préfet du Rhône, au préfet de l'Isère et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 254014
Date de la décision : 28/11/2003
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 nov. 2003, n° 254014
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: Mme Suzanne Von Coester
Avocat(s) : SCP PEIGNOT, GARREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:254014.20031128
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