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03/12/2003 | FRANCE | N°253267

France | France, Conseil d'État, 6eme et 4eme sous-sections reunies, 03 décembre 2003, 253267


Vu le recours, enregistré le 13 janvier 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE ; le MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance du 19 décembre 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, à la demande de la SCP Bayle-Geoffroy, a suspendu l'exécution de l'arrêté du 4 juillet 2002 du préfet de la Moselle par lequel Me X... a été mis en demeure de déposer dans un délai de 15 jours un dossier comprenant un plan

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Vu le recours, enregistré le 13 janvier 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE ; le MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance du 19 décembre 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, à la demande de la SCP Bayle-Geoffroy, a suspendu l'exécution de l'arrêté du 4 juillet 2002 du préfet de la Moselle par lequel Me X... a été mis en demeure de déposer dans un délai de 15 jours un dossier comprenant un plan des terrains d'emprise de la décharge interne de l'entreprise ainsi qu'un mémoire sur l'état du site, de l'arrêté du 26 juillet 2002 par lequel le préfet de la Moselle lui a prescrit la réalisation d'une étude préliminaire pour le secteur de la décharge interne et des anciennes lagunes de décantation du site de Moussey exploité par la société Bata, et de l'arrêté du 8 novembre 2002 mettant Me X... en demeure de respecter les dispositions de l'article 1er de l'arrêté du 26 juillet 2002 précité ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ducarouge, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la SCP Bayle-Geoffroy,

- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à l'appréciation des juges du fond que la société Bata-Hellocourt, qui exploitait sur le territoire des communes de Moussey et de Réchicourt le Château une fabrique de chaussures impliquant diverses activités relevant de la législation des installations classées, a été mise en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de grande instance de Metz du 13 juillet 2001 ; qu'après avoir constaté que les activités exercées excédaient celles autorisées par arrêté préfectoral, le préfet de la Moselle, par arrêté du 4 juillet 2002, pris sur le fondement de l'article L. 514-1 du code de l'environnement et de l'article 34-1 du décret du 21 septembre 1977, a mis en demeure Me X..., en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société Bata-Hellocourt, de déposer dans un délai de 15 jours un dossier comprenant le plan à jour des terrains d'emprise de la décharge interne du site exploité à Moussey par la société Bata-Hellocourt ; que par arrêté du 26 juillet 2002, le préfet de la Moselle a demandé à Me X..., en cette même qualité, de procéder à la réalisation d'une étude préliminaire pour le secteur de la décharge interne et des anciennes lagunes de décantation ; que Me X... n'ayant pas déféré à ces demandes, le préfet l'a mis en demeure par arrêté du 8 novembre de respecter les prescriptions de l'article 1 de son arrêté du 26 juillet ;

Considérant que, saisi par la société civile professionnelle Bayle-Geoffroy de demandes de suspension d'une part des arrêtés des 4 et 26 juillet 2002, d'autre part de l'arrêté du 8 novembre 2002, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a, par une ordonnance en date du 19 décembre 2002, suspendu l'exécution des trois arrêtés du préfet de la Moselle ; que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ;

Sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du recours du ministre de l'écologie et du développement durable :

Considérant qu'aux termes de l'article R.523-1 du code de justice administrative : Le pourvoi en cassation contre les ordonnances rendues par le juge des référés en application des articles L. 521-1 ... est présenté dans les quinze jours de la notification qui en est faite en application de l'article R. 522-12 ; qu'aux termes de l'article R. 522-12 du même code : l'ordonnance est notifiée sans délai et par tous moyens aux parties ; qu'aux termes de l'article R. 751-8 du code de justice administrative : Lorsque la notification d'une décision du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel doit être faite à l'Etat, et sauf lorsque la décision statue sur une demande présentée, en application du code général des collectivités territoriales, par le préfet, l'expédition doit dans tous les cas être adressée au ministre dont relève l'administration intéressée au litige./ Une copie est également transmise au préfet ainsi que, s'il y a lieu, à l'autorité qui assure la défense de l'Etat devant la juridiction, lorsque la décision n'a pas à lui être notifiée ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que seule la notification au ministre, qui a seul qualité pour introduire un recours en cassation, était susceptible de faire courir en l'espèce le délai du recours contentieux, sans que puisse y faire obstacle la circonstance qu'en cas de suspension ordonnée, il appartiendrait au préfet de s'y conformer ; que le ministre a reçu notification de l'ordonnance de suspension le 31 décembre 2002 ; que par suite la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du recours du ministre, dont il n'est pas contesté qu'il a été introduit, par voie de télécopie, le 13 janvier 2003, et régularisé le 20 janvier 2003, doit être écartée ;

Sur l'erreur de droit sur l'existence d'un moyen de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du recours :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, (...), fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, (...), lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1844-7 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi du 5 janvier 1988 : La société prend fin : ...7°) par l'effet d'un jugement ordonnant la liquidation judiciaire ou la cession totale des actifs de la société ;

Considérant qu'il ressort des pièces soumises au juge des référés de première instance, et notamment des énonciations du jugement du tribunal de grande instance de Metz du 26 novembre 2001 arrêtant un plan de cession que seules les activités de fabrication de chaussures, de dépôt et d'imprimerie exercées par la société Bata-Hellocourt ont fait l'objet d'une reprise ; que n'ont notamment pas été reprises les activités de transport, de mécanique et de serrurerie ; qu'il ne ressort pas du plan de cession que la totalité des terrains appartenant à la société Bata-Hellocourt, et notamment ceux servant d'assiette à la décharge litigieuse, ait fait l'objet d'une cession ; qu'il ne ressort pas des pièces soumises au juge des référés qu'à la date à laquelle il a ordonné la suspension de l'exécution des arrêtés préfectoraux la clôture de la liquidation judiciaire ait été prononcée ; que la société Bata-Hellocourt n'a pas fait connaître à l'administration qu'elle avait cessé définitivement son activité, comme les prescriptions de l'article 34-1-II du décret du 21 septembre 1977 le lui imposaient ; qu'en jugeant que la société avait juridiquement disparu et que les moyens tirés de ce que le préfet ne pouvait plus imputer à l'administrateur judiciaire la remise en état du site étaient propres à créer en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité des arrêtés, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a commis une erreur de droit dans l'interprétation et la combinaison des dispositions de l'article 1844-7. 7° du code civil et de l'article 34-I du décret du 21 septembre 1977 ; que le ministre de l'écologie et du développement durable est dès lors fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution des décisions du préfet de la Moselle soit suspendue ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'inspecteur des installations classées du 30 janvier 2002, que des fûts contenant des produits chimiques pouvant constituer de graves dangers ont été enterrés par la société Bata-Hellocourt sur son site de Moussey ; qu'eu égard à l'intérêt public qui s'attache à la prévention du risque de pollution que fait peser, notamment sur les eaux souterraines, la présence de ces fûts, il n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, que l'urgence, qui, ainsi qu'il a été dit, doit s'apprécier objectivement et globalement, justifie la suspension de l'exécution des arrêtés des 4, 26 juillet et 8 novembre 2002 ; qu'il en résulte que la demande de suspension doit, sans qu'il soit besoin d'examiner sa recevabilité, être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la société civile professionnelle Bayle-Geoffroy la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 19 décembre 2002 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg est annulée.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par la société civile professionnelle Bayle-Geoffroy, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Bata-Hellocourt devant le tribunal administratif de Strasbourg et tendant à la suspension des arrêtés du préfet de la Moselle en date des 4, 26 juillet et 8 novembre 2002, ainsi que celles, présentées devant le Conseil d'Etat, tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE et à la SCP Bayle-Geoffroy, administrateurs judiciaires associés.


Synthèse
Formation : 6eme et 4eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 253267
Date de la décision : 03/12/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 déc. 2003, n° 253267
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mme Ducarouge
Rapporteur public ?: M. Lamy
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:253267.20031203
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