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03/12/2003 | FRANCE | N°258480

France | France, Conseil d'État, 8eme et 3eme sous-sections reunies, 03 décembre 2003, 258480


Vu le recours, enregistré le 11 juillet 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'article 1er de l'ordonnance du 16 juin 2003 par lequel le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a suspendu, à la demande de la société Hornet computer international, l'exécution de l'avis de mise en recouvrement en date du 29 octobre 2002 mettant à la charge de cette société un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période courant du 1er janvier 1

998 au 31 décembre 1999, pour un montant de 11 778 680 euros ...

Vu le recours, enregistré le 11 juillet 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'article 1er de l'ordonnance du 16 juin 2003 par lequel le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a suspendu, à la demande de la société Hornet computer international, l'exécution de l'avis de mise en recouvrement en date du 29 octobre 2002 mettant à la charge de cette société un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période courant du 1er janvier 1998 au 31 décembre 1999, pour un montant de 11 778 680 euros en droits et pénalités ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bereyziat, Auditeur,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Hornet computer international,

- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société anonyme Hornet computer international, ayant pour activité l'achat et la revente en l'état de composants et produits informatiques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période courant du 1er janvier 1998 au 31 décembre 1999 ; qu'à l'issue de ce contrôle, le vérificateur a estimé que la société ne pouvait ignorer que dix des entreprises auprès desquelles l'intéressée se fournissait en matériels avaient participé, au cours de la période vérifiée, à des opérations de fraude fiscale en réunion et qu'ainsi les factures émises par ces fournisseurs devaient être réputées émaner de sociétés prête-nom ; que l'administration fiscale a refusé, pour ce motif, que soient déduites de la taxe sur la valeur ajoutée dont la société était redevable au titre de cette période les taxes dont le montant était porté sur ces factures et, par voie de conséquence, assujetti la SA Hornet computer international à des compléments de taxe assortis des intérêts de retard, à concurrence de 11 778 680 euros en droits et majorations ; que sa réclamation ayant été rejetée, la société a, d'une part, demandé au juge de l'impôt de la décharger de ces impositions, d'autre part, saisi le juge des référés du tribunal administratif de Versailles d'une demande tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 29 octobre 2002 avisant la contribuable de leur mise en recouvrement ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre l'article 1er de l'ordonnance du 16 juin 2003 par lequel le juge des référés de ce tribunal a fait droit à cette dernière demande ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une demande en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ; qu'en vertu du 1° de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'intervient, en ce qui concerne ces dernières taxes, que lorsque le désaccord persistant, le cas échéant, entre un contribuable vérifié et l'administration fiscale porte sur le montant du chiffre d'affaires de l'intéressé ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du même livre : Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ; qu'enfin, aux termes de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, dans la version remise à la société Hornet computer international avant l'engagement des procédures de vérification dont cette société a fait l'objet : Lorsque le différend porte (...) sur les taxes sur le chiffre d'affaires (...) la commission peut être saisie si le désaccord porte sur des questions de fait et non des questions de droit ;

Considérant que les agents de l'administration ne sont tenus de respecter, en application de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales et pour l'exécution de l'une des vérifications visées à cet article, les règles figurant dans cette charte et ayant pour objet de garantir les droits du contribuable vérifié, qu'à la condition que de telles règles ne trouvent pas de fondement légal dans d'autres articles du code général des impôts ou du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, et en tout état de cause, les termes précités de ladite charte n'ont pu avoir légalement pour effet de modifier le champ de compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires défini par l'article L. 59 A précité du livre des procédures fiscales ; que, par suite, en jugeant que le moyen tiré du défaut de saisine de cette commission était de nature à créer un doute sérieux sur la régularité de la procédure d'imposition dont la société Hornet computer international avait fait l'objet, au motif que la société contribuable aurait contesté certains éléments de fait invoqués par l'administration fiscale pour établir le caractère fictif de certaines factures et fonder ainsi les redressements notifiés à l'intéressée, et alors même que les désaccords relatifs à la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ne figurent pas au nombre des différends limitativement énumérés à l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a commis une erreur de droit ;

Mais considérant qu'il ressort des termes mêmes de l'ordonnance attaquée que, pour faire droit aux conclusions dont il était saisi, le juge des référés a jugé, en outre, par une appréciation souveraine des faits de l'espèce exempte de dénaturation, que le moyen tiré de ce que les services fiscaux n'avaient pas établi que la société contribuable aurait disposé, au cours de la période vérifiée, des informations lui permettant d'établir les agissements frauduleux de ses fournisseurs, était, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur le bien-fondé des impositions litigieuses ; que, contrairement à ce que soutient le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, le juge des référés ne s'est pas fondé sur la circonstance qu'il existait un doute sur la régularité de la procédure d'imposition, faute pour l'administration d'avoir communiqué à la société contribuable les informations recueillies par les services fiscaux dans l'exercice de leurs pouvoirs d'investigation ; que, par suite, le moyen soulevé par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE à l'appui de son recours et tiré de la méconnaissance par le juge des référés de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté ; qu'ainsi le second motif retenu par ce dernier justifie à lui seul le dispositif de l'ordonnance attaquée ; qu'il suit de là que le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ne peut qu'être rejeté ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la société Hornet computer international.


Synthèse
Formation : 8eme et 3eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 258480
Date de la décision : 03/12/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-035-02-03-01 PROCÉDURE - PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000 - RÉFÉRÉ SUSPENSION (ARTICLE L 521-1 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE) - CONDITIONS D'OCTROI DE LA SUSPENSION DEMANDÉE - MOYEN PROPRE À CRÉER UN DOUTE SÉRIEUX SUR LA LÉGALITÉ DE LA DÉCISION - ABSENCE - DEMANDE DE SUSPENSION DE L'EXÉCUTION D'UN AVIS DE MISE EN RECOUVREMENT - MOYEN TIRÉ DU DÉFAUT DE SAISINE DE LA COMMISSION DÉPARTEMENTALE DES IMPÔTS, ALORS QUE LE DÉSACCORD N'EST PAS AU NOMBRE DE CEUX ÉNUMÉRÉS À L'ARTICLE L. 59 A DU LPF.

54-035-02-03-01 Les agents de l'administration ne sont tenus de respecter, en application de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales et pour l'exécution de l'une des vérifications visées à cet article, les règles figurant dans la charte visée par cet article et ayant pour objet de garantir les droits du contribuable vérifié, qu'à la condition que de telles règles ne trouvent pas de fondement légal dans d'autres articles du code général des impôts ou du livre des procédures fiscales. Dès lors et en tout état de cause, les termes de la charte selon lesquelles lorsque le différend porte sur les taxes sur le chiffre d'affaires, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut être saisie si le désaccord porte sur des questions de fait et non des questions de droit, n'ont pu avoir légalement pour effet de modifier le champ de compétence de la commission défini par l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales. Par suite, en jugeant que le moyen tiré du défaut de saisine de cette commission était de nature à créer un doute sérieux sur la régularité de la procédure d'imposition dont la société contribuable avait fait l'objet, au motif que cette société aurait contesté certains éléments de fait invoqués par l'administration fiscale pour établir le caractère fictif de certaines factures et fonder ainsi les redressements notifiés à l'intéressée, et alors même que les désaccords relatifs à la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ne figurent pas au nombre des différends limitativement énumérés à l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, un juge des référés commet une erreur de droit.


Références :



Publications
Proposition de citation : CE, 03 déc. 2003, n° 258480
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Robineau
Rapporteur ?: M. Frédéric Bereyziat
Rapporteur public ?: M. Bachelier
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:258480.20031203
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