Vu la requête, enregistrée le 27 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 18 juillet 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 18 janvier 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Biphie Nadège A ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle A devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;
Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme de Margerie, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret le 8 octobre 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
Considérant que Mlle A est mère d'un garçon, né le 25 juin 2000 ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'original du certificat établi par le laboratoire de biochimie de l'hôpital Henri Mondor que cet enfant est porteur d'une maladie héréditaire appelée hémoglobinose S Drépanocytose, qu'un suivi de son état s'impose continuellement et que toute négligence pourrait engendrer des complications graves mettant en jeu le pronostic vital ; qu'il n'est pas établi que l'enfant pourrait bénéficier d'un traitement approprié au Congo, dont Mlle A est originaire, ou que cette dernière serait admissible dans un pays où un tel suivi peut être pratiqué ; qu'il n'est pas établi, en revanche, que l'enfant puisse être pris en charge par son père naturel, lequel n'a manifesté aucune intention en ce sens, même s'il subvient partiellement à l'entretien de l'enfant ; que dans ces conditions et eu égard au fait que la présence de Mlle A est nécessaire auprès de son enfant, âgé d'un an et demi, la décision du PREFET DE POLICE ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle A porte atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant et doit être regardée comme contraire aux stipulations précitées de la convention internationale des Nations-Unies sur les droits de l'enfant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 18 janvier 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle A ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mlle Biphie Nadège A et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.